Andréas Sniadecki, Jean-Jacques Kupiec, l’ignorance au cœur de la cellule, 2018

Les idées de Jean-Jacques Kupiec ne sont que l’intériorisation
des contraintes extérieures auxquelles il est lui-même soumis :
soit une apologie du conformisme sous la forme du darwinisme.

« Le hasard est le nom
que nous donnons à notre ignorance »
Henri Poincaré.

Un penseur étrange en biologie a fait connaître ses théories ces dernières décennies : Jean-Jacques Kupiec et son idée d’ontophylogenèse 1. Pour lui, le fonctionnement de la cellule vivante et la formation de l’être vivant au cours du développement (ontogenèse) sont fondées sur des mécanismes identiques à ceux de l’évolution des espèces (phylogenèse), à savoir, le hasard des variations et la sélection naturelle, selon la théorie de Charles Darwin, le coryphée de la biologie et de l’évolution dans sa forme moderne.

Concernant l’ontogenèse, il fonde cette idée sur le fait que contrairement à ce que croyaient les biologistes moléculaires, les relations entre protéines, enzymes, etc. ne seraient pas stéréospécifiques – ne seraient pas strictement déterminées pour réagir seulement avec tel ou tel substrat – et se feraient donc « au hasard » ; et l’expression des gènes loin d’être le produit d’un programme génétique serait également « stochastique ». De là Kupiec met en avant ce qu’il appelle son « darwinisme cellulaire » qui, toujours selon lui, remet en question les fondements de la biologie moléculaire tels qu’ils existent depuis plus d’un demi-siècle.

C’est là tout le fondement de cette théorie que l’on nous présente comme absolument révolutionnaire et que Kupiec répète telle quelle à qui veut l’entendre depuis maintenant plus de 30 ans, soit depuis 1981 : une généralisation du darwinisme au métabolisme cellulaire et à la physiologie des organismes.Lire la suite »

Michel Morange, la biologie comme anecdote, 2016

« La vie est comme un jeu d’ombres mouvantes
qui se promènent et se démènent sur la scène pendant une heure ou deux
et qu’on ne reverra plus jamais ensuite.
C’est une histoire racontée par un idiot,
pleine de bruit et de fureur
et qui, au bout du compte, ne signifie pas grand-chose. »

Shakespeare, Macbeth, acte V, scène 5.

L’historien des sciences Michel Morange a publié récemment un ouvrage de vulgarisation intitulé Une histoire de la biologie (éd. du Seuil, coll. Points Sciences, 2016).

Dans une recension de cet ouvrage (reproduite ci-dessous), un certain Laurent Loison se demande « Pourquoi écrire une histoire de la biologie ? » et répond aussitôt : « Parce qu’il n’en existe pas ! ». Pourtant, dans son introduction, Morange est plus honnête que son ancien thésard, puisqu’il signale tout de même les ouvrages d’André Pichot, Histoire de la notion de vie (1993) et Expliquer la vie, de l’âme à la molécule (2011) en précisant néanmoins que :

« leur facture très personnelle et les choix opérés dans les problématiques en font des ouvrages certes passionnants, mais beaucoup moins des ouvrages de référence, dans lesquels les biologistes trouveraient facilement des éclairages historiques sur la ou les questions qu’ils se posent. » (p. 7)

Autrement dit, les ouvrages de Pichot exposent avant tout une perspective critique sur le développement de la biologie, et ce n’est pas ce que Morange pense que les historiens des sciences ont à apporter au grand public…Lire la suite »

Stephen Jay Gould, l’évolution sans histoire, 2015

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« Quand on veut noyer son chien, on dit qu’il a la rage. »
Proverbe

Comment faire pour discréditer une idée ? Il suffit de la caricaturer, d’en donner une image grossière et inconsistante, de l’entourer de la plus extrême confusion, pour ensuite la démolir à l’aide de toutes sortes d’arguments qui en montrent le caractère simpliste, incohérent et ridicule.

On lit parfois et l’on entend dire souvent que Stephen Jay Gould (1941-2002), avec son ouvrage L’éventail du vivant, le mythe du progrès (1996), aurait « démontré » que l’évolution n’est pas dirigée par une tendance vers le « progrès » ou qu’il aurait « prouvé » qu’il n’existe pas de tendance à la complexification des êtres vivants au cours de l’évolution.

Petit détail qu’oublient au passage ceux qui soutiennent ces affirmations : il est logiquement impossible de prouver qu’un phénomène ou qu’une chose n’existe pas… En logique, en mathématiques et en science, il est uniquement possible de prouver que des objets existent, que les phénomènes suivent telle ou telle loi. Tout au plus, à partir de la connaissance de ce qui est possible, peut-on estimer qu’un phénomène où une chose ont une existence plus ou moins probable.

Quoiqu’il en soit de ce point d’épistémologie élémentaire, la lecture de ses livres et articles [1] fait comprendre que rien n’est plus faux : Gould n’a rien « démontré » ni « prouvé » en la matière ; comme à son habitude, il n’a fait que marteler (drill en anglais), en les enrobant dans beaucoup de verbiage sans rapport avec le problème, les quelques idées qui lui tiennent lieu de pensée sur le sujet.

Cela, nous allons véritablement le démontrer et positivement le prouver.Lire la suite »

François Képès, rationalisateur des machines vivantes, 2014

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pls_440_couv_200pxLe magazine scientifique Pour la science de juin 2014 a fait sa première de couverture avec le titre accrocheur Réinventer le vivant, quels enjeux pour la biologie de synthèse ? qui annonce le dossier [1] consacré à cette nouvelle technoscience. Comme il se doit, l’illustration de cette couverture est une molécule d’ADN, mais cette fois constituée de circuits électroniques…

L’article le plus intéressant est sans conteste celui du généticien François Képès [2] intitulé “La biologie de synthèse : vers une ingénierie du vivant”.

Or François Képès est avant tout un ingénieur et en ce qui concerne la biologie de synthèse, il sait ce qu’il veut : faire du vivant – pour le moment surtout des bactéries les plus élémentaires – la nouvelle machine-outil de l’industrie des biotechnologies.Lire la suite »

Laurent Loison, le darwinisme sans la biologie

Laurent Loison est historien des sciences et plus particulièrement de la biologie. Il s’est attaché à faire l’histoire du néo-lamarckisme en France – c’est le sujet de sa thèse de doctorat, Les notions de plasticité et d’hérédité chez les néolamarckiens français (1879-1946), Eléments pour une histoire du transformisme en France, Université de Nantes, 2008 [1], dont il a tiré l’ouvrage Qu’est-ce que le néolamackisme ? Les biologistes français et la question de l’évolution des espèces, 1870-1940, éd. Vuibert, 2010.

Pour autant, il reste résolument darwinien, et le texte que nous reproduisons ci-après a le mérite de nous en donner explicitement les raisons, et cela d’autant plus clairement qu’il procède par comparaison avec les idées de Lamarck. Ce faisant, probablement sans le vouloir ni s’en rendre compte, l’auteur vend la mèche du darwinisme : il expose en pleine lumière son incohérence et son manque de fondement scientifiques.Lire la suite »

Guillaume Lecointre, guide critique, 2005

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Le 29 octobre 2005, sur la chaîne de télévision Arte, était diffusé un documentaire de Thomas Johnson intitulé Homo sapiens, une nouvelle histoire de l’homme, qui exposait la théorie de la paléoanthropologue Anne Dambricourt-Malassé. A la suite de pressions occultes impulsées par Guillaume Lecointre du Muséum d’Histoire Naturelle, la chaîne Arte organisa à la dernière minute un “débat” à la suite de ce documentaire entre divers scientifiques tous radicalement opposés aux thèses exposés dans ce film.

Sans avoir besoin d’approuver la théorie de cette scientifique sur l’origine de l’homme, et moins encore les accointances bien réelles qu’elle a entretenue avec les partisans de l’Intelligent Design [ID] ou d’autres confusionnistes (comme ce très œcuménique Jean Staune de l’Université Interdisciplinaire de Paris [UIP]), l’attitude de Lecointre dans cette affaire dénote non seulement d’un certain scientisme, mais de plus d’une vision pour le moins autoritariste de la manière de mener un “débat public”.Lire la suite »

Peter J. Bowler, l’hagiographe darwinien paradoxal

L’hagiographie darwinienne s’est donnée libre cours en 2009, lors du bicentenaire de la naissance de Darwin. C’est est au point où certains “historiens des sciences” se permettent de réécrire l’histoire de la biologie pour la plus grande gloire de leur idole au mépris de toute réalité historique et de la réflexion logique la plus élémentaire.

Peter J. Bowler, auteur d’une bonne dizaine d’ouvrages anglais sur Darwin, cité comme une référence sur le sujet à travers le monde, nous en donne un exemple dans un article intitulé L’originalité de Darwin (Darwin’s Originality) publié en janvier 2009 dans la prestigieuse revue scientifique internationale Science. Cet article a été ensuite traduit et quelque peu adapté par Courier International n°954 du 12 février 2009 sous le titre passablement inepte et prétentieux L’homme qui tua Dieu : le bicentenaire de Charles Darwin.

Ce texte est absolument remarquable par la capacité de son auteur à dire une chose et son contraire en faisant comme si de rien n’était et à soutenir des positions en tous points opposées, sans moufter… Un échantillon de « double pensée » (Georges Orwell, 1984, 1948) générée par l’idéologie scientifique qu’est en réalité le darwinisme ? Petit commentaire de texte, donc…

L’originalité de Darwin

 On considère souvent que la publication de L’Origine des espèces par Charles Darwin, en 1859, a inauguré une révolution des sciences et de la culture occidentale. Il a aussi souvent été dit que le darwinisme était alors « dans l’air du temps » et qu’on attendait simplement que quelqu’un fasse la synthèse de connaissances déjà disponibles. Une position étayée par le fait qu’Alfred Russel Wallace [naturaliste britannique, 1823-1913] avait lui aussi formulé, en 1858, une théorie de la sélection naturelle. Qu’en est-il ?Lire la suite »

Massimo Pigliucci et la fin de l’histoire de la biologie

C’est bien connu, l’histoire de la biologie commence avec Darwin. Il y en a même qui prétendent que cette histoire est sur le point d’être terminée puisque plus rien, selon eux, ne peut venir bouleverser radicalement la théorie synthétique de l’évolution…

Dans l’ouvrage Les mondes darwiniens, deux de ses directeurs Marc Silberstein et Philippe Huneman nous proposent la traduction d’un article de Massimo Pigliucci, « biologiste de l’évolution écologue et philosophe des sciences », intitulé Avons-nous besoin d’une « synthèse évolutive étendue » ? (pp. 685-701) qui passe en revue les éléments nouveaux que la théorie synthétique de l’évolution (TSE) devra à l’avenir intégrer.Lire la suite »

Stéphane Tirard et la notion de vie

C’est bien connu, Darwin est un grand génie qui a abordé tous les problèmes de la biologie de manière novatrice et fructueuse, y compris en ce qui concerne l’origine de la vie.

Stéphane Tirard, historien et philosophe des sciences, en est bien convaincu qui nous déclare, dans son article « Vie » de l’ouvrage Les mondes darwiniens [noté dans la suite MD] :

L’œuvre de Darwin correspond à un tournant en révélant certaines modalités de l’historicité du vivant et elle s’associe à l’abandon des générations spontanées pour imposer le cadre d’une réflexion nouvelle sur les origines de la vie. [MD, p. 231]

Pourtant, il doit bien admettre quelques pages plus loin que :

En traitant de l’origine des espèces, Darwin ne formule pas de définition circonscrite de la vie. Cependant, c’est au travers de sa conception de la descendance avec modification qu’il livre les caractéristiques du vivant. [MD, p. 233]

Belle pirouette pour rattraper ce pauvre Darwin, n’est-ce pas ? Car de fait, Darwin ne se soucie pas de savoir ce qu’est un être vivant :Lire la suite »

Malhonnêtetés et Fraudes de Darwin

Tout le monde sait – sauf les créationnistes, bien entendu – que Darwin est un grand génie. Et en conséquence, même quand il a tort, le grand génie a quand même raison de faire ce qu’il a fait, c’est-à-dire de passer sous silence certains faits, objections et problèmes, voir même de frauder.

La méthode hagiographique – pour ne pas parler de culte de la personnalité – est de mise chez les étudiants en biologie évolutive et en histoire des sciences, surtout s’ils veulent se faire bien voir de leur directeur de thèse ou de quelqu’autre personnalité qui pourra appuyer leur carrière parmi les petites coteries de l’université et de la recherche.

C’était donc une très bonne idée de la part de Timothée Flutre, doctorant en bioinformatique (INRA – Université Paris Diderot), Thomas Julou, doctorant en biologie de l’évolution (École Normale Supérieure) et Livio Riboli-Sasco, doctorant en biologie théorique (Université Paris Descartes), en collaboration avec Michel Morange, professeur d’histoire et philosophie des sciences à l’École Normale Supérieure, d’avoir fait traduire par Sophie Jabès, les textes de Darwin et Wallace parus dans Journal of the proceedings of the Linnean Society, vol. III, 1858, et de les avoir publiés sur le site BibNum en décembre 2009.

Ces textes constituent en effet la communication qui a permis à Charles Lyell et Joshua D. Hooker d’établir la priorité de Charles Darwin sur Alfred Russel Wallace dans l’invention du mécanisme de la sélection naturelle. Un document historique donc.

Mais à la lecture de l’« analyse » qu’ils en proposent, sous le titre La théorie de la sélection naturelle présentée par Darwin et Wallace, on en vient à se demander s’ils ont vraiment lu le texte de Wallace et s’ils ont bien compris ceux de Darwin.Lire la suite »