Écran total, S’opposer aux grands projets industriels du capital, 2022

On ne dira jamais assez l’importance des luttes de territoire et des ZAD depuis dix ans. Ces luttes ont non seulement entretenu une conscience et des pratiques anticapitalistes dans la société; mais elles ont fait concrètement reculer des projets industriels que leurs promoteurs considéraient comme «déjà faits». Elles ont évité de nombreux «petits» désastres, à maints endroits de l’Hexagone, pour les habitants de nombreuses communes, de nombreuses rivières, de nombreux arbres.

À Écran total, nous portons un refus qui ne s’incarne pas dans un espace géographique particulier – une zone humide, un quartier populaire, un littoral, une forêt, une vallée. Nous nous battons, nous essayons de nous battre, contre l’informatisation du monde: informatisation du travail, informatisation du quotidien et des relations humaines, informatisation des administrations, etc. A nos yeux, il s’agit typiquement d’un Grand projet industriel inutile – nuisible – aux êtres humains et indispensable au capital, pour poursuivre son expansion. Un projet qui ne fait l’objet d’aucun débat politique: avez-vous déjà entendu parler d’une consultation «démocratique» ou «citoyenne», même factice, sur l’opportunité de fabriquer et rendre indispensables des millions de téléphones ou ordinateurs portables? De créer un Internet des objets? De numériser Pôle emploi ou l’Éducation nationale? Lire la suite »

Geneviève Pruvost, Vivre et travailler autrement, 2013

Résumé

Travailler dur
et penser mou…

Cet article se fonde sur une soixantaine de récits de vie ayant pour thème « vivre et travailler autrement », autrement dit les « alternatives écologiques au quotidien ». Les entretiens révèlent qu’emprunter les chemins de traverse permettant de vivre de telles alternatives en zone rurale relève de tâtonnements et d’une conquête perpétuelle, très réfléchie, que l’on soit ou non issu d’une famille déjà engagée dans cette démarche ou vivant à la campagne. À rebours de l’utopie communautaire des années 1970, on fait par ailleurs le constat d’un mode de vie en réseau organisé à partir d’une vie de couple dans des maisons individuelles. La conversion du travail en art de vivre et en action collective visant le « bien vivre ensemble » constitue la trame de témoignages qui se présentent comme des expériences à portée de main, à partir du moment où saute l’obstacle (présenté comme idéologique, non seulement matériel) de l’accès à l’autoproduction. Cet article entend mettre en évidence le continuum entre travail domestique, labeur, œuvre, activité professionnelle et militance, qui caractérise ces formes d’engagement écologique contemporaines.Lire la suite »

Shobita Jain, Les femmes défendent les arbres, 1982

Leur rôle dans le mouvement Chipko

Le mouvement Chipko a attiré l’attention du monde entier. Cette image de paysannes pauvres des montagnes du nord de l’Inde enlaçant de leurs bras des arbres pour empêcher qu’on les abatte, est aussi touchante qu’admirable. La réalité, à maints égards, rejoint l’image : le mouvement Chipko peut vraiment être considéré comme une importante victoire dans le combat pour les droits de la femme, dans le processus du développement des collectivités locales grâce à la forêt et dans celui de la protection de l’environnement. Il a cependant d’autres répercussions plus complexes. Il importe de bien comprendre l’histoire de ce mouvement ainsi que le contexte dans lequel il a pris naissance et continue à évoluer.

 

Comme il n’existe pas de société en état d’équilibre structural parfait, il surgit toujours des situations conflictuelles. Par ailleurs, toutes les sociétés ont institutionnalisé les moyens de déceler et de résoudre ces conflits. S’il apparaît nécessaire de modifier ou de transformer d’une certaine façon les structures, on recourt sous une forme ou sous une autre à la mobilisation collective de la population et de ses ressources, action que l’on qualifie de « mouvement social ». Cependant, on observe parfois une résistance collective à un changement social. En bref, un mouvement social peut avoir pour objet soit de modifier, soit de préserver l’ordre des choses – soit les deux à la fois. Lire la suite »

Shobita Jain, Standing up for trees, 1982

Women’s role in the Chipko Movement

The Chipko Movement has attracted world-wide attention. The image of poor, rural women in the hills of northern India standing with their arms around trees to prevent them being cut down is a romantic and compelling one. The reality, in many ways, fits the image: the Chipko Movement can indeed be considered an important success story in the fight to secure women’s rights, in the process of local community development through forestry and in environmental protection. But there are more complicated implications as well. It is important to understand the history of Chipko and the context in which it arose – and is still evolving.

 

Since no society is found in a state of perfect structural equilibrium, there are always situations of conflict. Each society, moreover, has institutionalized ways and means of articulating and resolving such conflicts. If a need is felt for altering or transforming structures in a certain fashion, some form of collective mobilization of people and their resources is resorted to; such an activity is given the name of “social movement”. By contrast, there is also sometimes collective resistance to social change. Social movements, in short, can aim at either changing or preserving the way things are – or both. Lire la suite »

Shobita Jain, En defensa de los árboles, 1982

La función de la mujer en el movimiento chipko

El movimiento chipko ha atraído la atención mundial. La imagen de campesinas pobres de las regiones montañosas de la India septentrional formando corros en torno a los árboles para evitar que los talen es romántica y conmovedora. La realidad se ajusta en muchos aspectos a esa imagen. En efecto, el movimiento chipko ha aportado una importante contribución a la lucha por el reconocimiento de los derechos de la mujer, el proceso de desarrollo de las comunidades locales a través de la silvicultura y la protección del ambiente. Pero sus repercusiones son más complejas. Es importante comprender la historia del movimiento chipko y el contexto en el que surgió y sigue evolucionando.

 

Puesto que ninguna sociedad se encuentra en estado de perfecto equilibrio estructural, siempre existen situaciones de conflicto. Cada sociedad tiene medios y formas institucionalizadas de articular y resolver tales conflictos. Si se siente la necesidad de modificar o transformar de cierta manera las estructuras se recurre a algún tipo de movilización colectiva de la población y de sus recursos, actividad que se denomina «movimiento social». Por otra parte, también hay a veces resistencia colectiva al cambio social. En pocas palabras, los movimientos sociales pueden perseguir el cambio, el mantenimiento de la situación, o ambas cosas a la vez. Lire la suite »

Radio: François Jarrige, L’idéologie du progrès technique, 2022

François Jarrige, professeur d’histoire à l’Université de Bourgogne, spécialiste de l’industrialisation. Il est l’auteur notamment de Technocritiques, du refus des machines à la contestation des technosciences [2014], La Découverte, 2016.

Voiture électrique, 5G, avion à hydrogène, capture du CO2, énergies renouvelables : pour beaucoup, et particulièrement les dirigeants, le progrès technique nous sauvera du péril climatique sans remettre en cause la croissance économique. D’où cette question : le progrès technique est-il une idéologie ?

Suivie d’une brève présentation de son dernier ouvrage On arrête (parfois) le progrès. Histoire et décroissance, publié aux éditions L’Échappée en octobre 2022.

Interview réalisée par Maxime Thuillez du site Greenletter Club, le 1er février 2022.

Voir aussi : Et si on arrêtait le progrès ?, Les Idées Larges, documentaire ARTE, le 13 avril 2022

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Racine de moins un
Une émission
de critique des sciences, des technologies
et de la société industrielle.

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Émission Racine de Moins Un n°80,
diffusée sur Radio Zinzine en octobre 2022. Lire la suite »

Celia Izoard, Cancer : L’art de ne pas regarder une épidémie, 2020

Comment se fait-il que, dans une société fondée sur le traitement de l’information et la collecte de données, il soit si difficile d’expliquer la multiplication effrénée de certains cancers ?

 

Voilà un fait étonnant : on ne sait pas combien de cancers surviennent en France chaque année. Ce chiffre n’existe pas, il n’a pas été produit. On ne sait pas exactement combien de cancers surviennent, on ne sait pas où ils surviennent. Quand Santé publique France, l’agence de veille sanitaire, annonce, par exemple, 346 000 cas de cancers pour l’année 2015, il s’agit d’une estimation réalisée à partir des registres des cancers, qui couvrent entre 19 et 22 départements selon le cancer étudié, soit 22 % de la population. le dernier bilan publié en 2019 précise :

« Cette méthodologie repose sur l’hypothèse que la zone géographique constituée par les registres est représentative de la France métropolitaine en termes d’incidence des cancers. » [1]

Pourtant, le Tarn, l’Hérault ou le Finistère, couverts par des registres, sont des départements relativement épargnés par l’urbanisation et l’industrie. En revanche, les cancers dans certaines des principales métropoles du pays, comme Paris, Marseille et Toulouse, ne sont pas décomptés. Et comme le montre une enquête de Viviane Thivent pour Le Monde, les départements les plus concernés par les sites Seveso ne sont pas non plus couverts par les registres : la Moselle (43 sites « Seveso seuil haut »), la Seine-Maritime (47), les Bouches-du-Rhône (44) [2]. Un complot ? Non. La simple démonstration du fait que connaître l’impact des pollutions urbaines et industrielles n’a pas figuré jusqu’ici au premier rang des préoccupations des épidémiologistes. Lire la suite »

Jean-Baptiste Fressoz, La « transition énergétique », de l’utopie atomique au déni climatique, 2022

USA, 1945-1980

Résumé

Le climato-scepticisme et les stratégies de production d’ignorance des compagnies pétrolières ont déjà fait l’objet d’importants travaux. Cet article contribue à cette question mais en décalant le regard. Il s’intéresse moins au climatoscepticisme qu’à une forme plus subtile, plus acceptable et donc beaucoup plus générale de déni du problème climatique : la futurologie de « la transition énergétique », au sein de laquelle l’histoire, un certain type d’histoire de l’énergie, a joué un rôle fondamental. La force de conviction de la transition tient de son caractère ambigu, ambidextre, à cheval entre histoire et prospective, dans cette manière de projeter un passé imaginaire pour annoncer un futur qui pourrait l’être tout autant. Lire la suite »

Sébastien Dutreuil, James Lovelock, Gaïa et la pollution, 2017

L’hypothèse Gaïa a été élaborée par James Lovelock dans les années 1960, et en collaboration avec Lynn Margulis dans les années 1970. En multipliant très tôt les genres de publication – articles de revues scientifiques prestigieuses comme Nature, livres à destination du grand public et des scientifiques, presse généraliste, revues d’écologie politique – et en mêlant différents registres discursifs dans chacune de ces publications – Gaïa étant tantôt abordée comme un programme de recherche scientifique tantôt comme une philosophie de la nature –, Lovelock a contribué à singulièrement brouiller les repères sur le statut de Gaïa. Tandis que certains scientifiques l’ont considérée tantôt comme une hypothèse qu’il faudrait confronter directement aux faits empiriques, tantôt comme une théorie qu’il s’agirait d’élaborer à l’aide de modèles mathématiques et computationnels, d’autres ont abordé Gaïa comme un programme de recherche très large comprenant des revendications méthodologiques et ontologiques pour les sciences de la Terre et de l’environnement. Les philosophes et acteurs des mouvements environnementalistes l’ont lue comme une philosophie de la nature, visant à nous dire ce dont le monde est fait, à reconfigurer des concepts centraux comme ceux de vie, de nature et d’environnement, et à offrir une conception de la nature alternative à celle de la modernité. Lire la suite »

Fabian Scheidler, L’ombre de l’hydre, 2020

pandémies, crise de la biosphère
et limites de l’expansion

La crise du coronavirus a révélé une ambivalence fondamentale de notre civilisation : tandis que tous les moyens ou presque sont bons pour endiguer le Covid-19 – même une paralysie temporaire de l’économie –, les gouvernements n’ont en quarante ans presque rien fait pour désamorcer la crise climatique. Il aurait fallu pour cela remettre en question l’expansion et l’accumulation sans fin. Nous voilà donc face à un moment charnière : à quand la fin de la mégamachine ?

 

Une dizaine d’années seulement après le krach financier de 2008-2009, la crise du coronavirus a de nouveau violemment ébranlé l’économie globale. Bien que ces deux crises aient des causes très différentes, elles ont pourtant en commun de mettre en lumière la vulnérabilité et l’instabilité croissante de l’ordre mondial actuel. Un aspect de cette perturbation n’a pas encore suscité l’attention qu’il mérite : le lien entre les pandémies et la destruction de la biosphère, qui progresse à toute vitesse. Lire la suite »