Contrairement à ce qu’on imagine un peu trop rapidement – et par approximation –, la tradition n’a guère associé le sang et la vie, et encore moins le sang et l’hérédité.
Le sang a certes souvent été considéré comme le symbole de la vie, mais c’était alors le symbole de la vie qui s’en va, la vie qui quitte le corps en même temps que le sang s’en écoule. Il symbolisait la vie, dans la mesure où l’hémorragie entraînait la mort. Mais si la perte du sang signifiait la mort (et plus spécialement la mort violente), la présence du sang dans le corps ne représentait pas vraiment la vie (le sang ne se voit pas tant qu’il est dans le corps, il faut blesser celui-ci, l’ouvrir, pour le faire apparaître). Le latin distingue d’ailleurs sanguis, “le sang dans le corps”, et cruor, “le sang coulant hors du corps”, ou coagulé (cruor signifie aussi “meurtre”).
Selon Empédocle, le sang est le siège de la conscience, ou de l’âme [1]. Dans la Bible, le sang est associé à la vie, du moins pour les bouchers qui doivent saigner l’animal à blanc, en faire disparaître toute trace de sang, car manger du sang, ce serait manger la vie [2]. Mais ce sont des exceptions car, dans l’Antiquité et jusqu’aux Temps Modernes, c’était le souffle, le pneuma, qui symbolisait la vie, ou plutôt qui était la vie même: la vie dans la vie, et non, comme le sang, la vie dans la mort. Le souffle était ce qui animait le corps, ce qui le rendait vivant. C’était son âme, en tant que principe moteur. D’ailleurs, à la mort il quittait le corps (comme l’âme s’en envolait), même lorsque le sang y demeurait. Lire la suite »