débats et représentations du tournant du siècle
Tout au long du XIXe siècle, science, modernité et progrès avaient suscité des représentations à peu près substituables. La science, qui ouvrait l’horizon sans limite d’une accumulation continue des savoirs, devait être, dans cette mesure même, garante du perfectionnement moral de l’homme et, partant, du progrès de la civilisation. L’archétypique Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain s’était employé à établir cette équivalence entre le domaine du savoir et les catégories éthiques et politiques. Les figures du discours circulaient aisément des sciences à la démocratie, des connaissances expérimentales à la morale ou à la société.
Au tournant du siècle cependant, les deux grandes sources du discours progressiste produit depuis les Lumières étaient en voie de tarissement. D’une part, l’inspiration historienne était proche de l’épuisement. Il n’était pas de vraie postérité à ceux que Renouvier dénommait les « penseurs appliqués à l’histoire universelle » dans la lignée des Condorcet, Saint-Simon, Hegel, Comte ou Spencer dont « la maxime que tout est bien, ou que tout va au bien, est le postulat secret, quand ce n’est pas la thèse à démontrer » [1]. D’autre part, la source scientifique, qui prétendait associer progrès social, moral et cognitif, si elle continuait d’avoir des adeptes, subissait une profonde remise en question. Lire la suite »