Miguel Amorós, Urbanisme et ordre, 2003

en Espagne

« L’urbanisme idéal
est la projection dans l’espace
de la hiérarchie sociale sans conflit. »
“Commentaires contre l’urbanisme”,
Internationale Situationniste n°6, août 1971.

L’urbanisme est l’ensemble des techniques qui ont pour objet la transformation des villes en centres d’accumulation du capital. Il rend possible l’appropriation par le capitalisme de l’espace social, qu’il recompose d’après les normes que dicte sa domination. En conséquence, l’urbanisme consiste en une simple destruction cumulative de sociabilité. En nous en tenant à la situation espagnole, nous diviserons le phénomène de l’urbanisation en trois périodes selon le degré atteint par la destruction du milieu urbain : celle de l’urbanisme bourgeois (1830-1950), celle de l’urbanisme à outrance (1950-1985) et celle de l’urbanisme totalitaire (à partir des années 1980). Dans les deux premières, l’urbanisme, en tant que technique de la séparation, devait promouvoir l’atomisation et la dispersion des travailleurs que le système productif obligeait à concentrer. La troisième période part de l’isolement général de la population, favorisé par la disparition du système manufacturier et la généralisation d’un mode de vie consumériste. L’automatisme de la machine prévaut sur les autres facteurs et modèle l’existence humaine en même temps que tout le fonctionnement du milieu urbain, révélant ainsi l’essence totalitaire de l’urbanisme contemporain.Lire la suite »

Miguel Amorós, Urbanismo y orden, 2003

“El urbanismo ideal
es la proyección no conflictiva
en el espacio de la jerarquía social.”
“Comentarios contra el urbanismo”,
revista Internacional Situacionista n.6, agosto 1971.

El urbanismo es el conjunto de técnicas que tienen por objeto la transformación de las ciudades en centros de acumulación de capital. Hace posible la posesión por parte del capitalismo del espacio social, que se recompone según las normas que dicta su dominio. De acuerdo con este punto de vista, el urbanismo es simple destrucción acumulada de sociabilidad. Ciñéndonos al caso español, dividiremos el fenómeno de la urbanización en tres periodos según el grado de destrucción del medio urbano alcanzado: el del urbanismo burgués (1830-1950), el del urbanismo desarrollista (1950-1985) y el del urbanismo totalitario (a partir de los ochenta). En los dos primeros, el urbanismo, en tanto que técnica de la separación, había de promover la atomización y dispersión de los trabajadores que el sistema productivo obligaba a reunir. El tercer periodo parte del aislamiento general de la población propiciado por la desaparición del sistema fabril y la generalización de un estilo de vida consumista. El automatismo de la máquina prevalece sobre los demás factores y modela la existencia humana a la vez que todo el funcionamiento del medio urbano, revelando la esencia totalitaria del urbanismo contemporáneo. Lire la suite »

Radio: François Jarrige, Regard critique sur la Smart City, 2020

François Jarrige, maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université de Bourgogne, revient sur les Smart Cities : leur histoire, leur Big Data et leur évolution vers Big Brother. Tout cela au regard du projet local On Dijon !

Alors que la croissance urbaine s’accélère, les smart cities ne cessent d’être présentées comme l’outil majeur de la transition énergétique et socio-écologique. Pour nombre d’industriels et de politiques en effet, la smart city est l’infrastructure indispensable de la politique de transition qui doit remodeler les manières de produire et de consommer l’énergie et d’organiser la ville par une gestion optimale des flux.

Téléchargez le livret de l’émission :
Regard critique sur la Smart City

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Racine de moins un
Une émission
de critique des sciences, des technologies
et de la société industrielle.

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Émission Racine de Moins Un n°92,
diffusée sur Radio Zinzine en avril 2024. Lire la suite »

Pièces et main d’œuvre, Naissance, nature et liberté, 2022

Résumé

Ayant documenté depuis une décennie les avancées technoscientifiques et sociopolitiques de la reproduction artificielle de l’humain, les auteurs reviennent ici sur quelques étapes du débat notamment chez les « progressistes ». Quoi de commun entre les militantes du Feminist International Network of Resistance to Reproductive and Genetic Engineering des années 1970-1980, l’écoféminisme de Françoise d’Eaubonne, et l’actuel soutien des Verts aux revendications néoféministes et LGBT ? Tandis que l’opposition à la technification de la reproduction humaine scandalise désormais, cet article rappelle quelques fondements de la pensée écologiste : on ne fabrique pas les êtres vivants, ils naissent ; on ne peut être écologiste et anti-industriel sans combattre la mainmise technocratique sur la reproduction, qui ouvre la voie à l’eugénisme : sans combattre toute artificialisation de la production infantile.Lire la suite »

Finrrage-Ubinig, La déclaration de Comilla, 1989

La déclaration de Comilla (1989) :
un manifeste féministe contre
la procréation médicalement assistée

 

Il y a quelque temps de cela, la lecture d’un vieux numéro des Cahiers du GRIF ayant pour titre De la parenté à l’eugénisme [1] a attiré notre attention sur l’existence d’un réseau féministe des années 1980, Finrrage. Un des articles les plus intéressants du numéro, “Le projet Manhattan de reproduction”, portait la signature d’une des membres actives du réseau, l’Américaine Gena Corea ; et, à la fin de la revue, on trouvait ces informations (accompagnées d’adresses postales et de numéros de téléphone fixe) :

« Le groupe le plus efficace sur le plan de l’action de résistance et de critique [contre les nouvelles technologies de reproduction] demeure cependant Finrrage – Feminist International Network of Resistance to Reproductive and Genetic Engineering. Fondé en 1984 par cinq [sic] militantes de choc (J. Hanmer et R. Duelli-Klein d’Angleterre, R. Rowland d’Australie, G. Corea, R. Arditti et J. Raymond des USA), Finrrage a depuis organisé une série de rencontres internationales et était présent à l’audition des femmes au Parlement européen en 1986. […] Le réseau vient aussi d’annoncer la création d’une revue consacrée aux nouvelles techniques de reproduction, dont le premier numéro est prévu en mars 1988. […] Le titre sera : Reproductive and Genetic Engineering ; elle reflétera les objectifs et les préoccupations de Finrrage, qui visent à rejeter l’application de ces techniques car elles impliquent une conception patriarcale aussi bien que des risques énormes pour les femmes. Il existe aussi un réseau français de Finrrage qui regroupe des femmes d’horizons divers et organise des réunions de travail et d’échange d’informations. » [p. 155]

Nous avons alors cherché à en savoir plus. Nous voulions connaître l’histoire de ce réseau, comment ces femmes formulaient leurs craintes et leur opposition, quelles actions elles avaient menées ; enfin, comment cette histoire s’était finie et pourquoi elle était restée sans suite, puisque avant 2016 nous n’en avions jamais entendu parler. Cette recherche s’est avérée laborieuse et nous n’avons pas trouvé toutes les réponses, loin de là. Mais nous avons pris connaissance du manifeste de ce réseau, sur Internet, et nous avons pensé qu’il était important de le traduire en français pour contribuer à un débat jusqu’ici verrouillé sur les (plus si) nouvelles technologies de reproduction. Il s’agit de la déclaration de Comilla, en trente-huit points, adoptée par cent quarante-cinq personnes réunies au Bangladesh en 1989, et qui constitue le point d’orgue de discussions menées dans les mouvements féministes de différents pays entre les années 1970 et cette date. Le deuxième texte, qui est accolé au premier sur Internet, nous a semblé également digne d’intérêt : il a été écrit par des universitaires américaines faisant partie de Finrrage et il développe un peu certains arguments du manifeste. Lire la suite »

Michela Di Carlo, Réflexions autour de La Servante écarlate, 2022

Résumé

La capacité de reproduction des femmes fait face à plusieurs menaces. La référence, au sein des mouvements féministes, à La Servante écarlate, de Margaret Atwood, renvoie au risque réel, avec la baisse de la fertilité et la remise en cause de l’avortement aux États-Unis, d’un régime religieux, autoritaire et violent. Mais le progrès de l’artificialisation de la reproduction humaine est aussi un moyen, plus insidieux, d’exploiter les femmes, sans lien avec la religion et la tradition. La pensée féministe doit donc réfléchir de manière plus critique à ce que la science et la technologie font du corps de la femme. Lire la suite »

Émilie Bénard, Aux antipodes de la reproduction artificielle, 2022

la « naissance respectée »

Aurélien Berlan : Tu es sage-femme libérale. Est-ce que tu peux nous expliquer ton métier et la manière dont tu l’exerces aujourd’hui, par rapport à d’autres types de sages-femmes ?

Émilie Bénard : C’est le fait d’exercer dans un cabinet, seule ou en équipe, plutôt que dans des structures hospitalières. L’exercice de la sage-femme libérale recouvre des activités très variées. Je vais parler de moi puisqu’il y a des sages-femmes qui se sont spécialisées dans tel ou tel domaine. Me concernant, je travaille seule et j’apprécie justement de pouvoir pratiquer une grande partie des compétences de la sage-femme. Ma spécialité, si l’on peut dire, c’est que je pratique l’accompagnement global : je fais du suivi de grossesse, mais j’accompagne aussi les accouchements et les suites de couches, je fais les consultations pour le nourrisson, l’allaitement, mais également tout ce qui relève de la préparation à l’accouchement, la rééducation du périnée après l’accouchement, etc. Lire la suite »

Renaud Garcia, Les acceptologues, 2022

Les « minorités de genre » au service de la fabrication des enfants

Résumé

Cet article est une analyse critique de l’influence grandissante du discours queer et trans (abusivement estampillé LGBT) autour de la reproduction artificielle de l’humain. Il montre qu’au-delà de la lutte pour de nouveaux droits et de la destruction revendiquée de la famille patriarcale, ces progressistes qui pensent mêler anticapitalisme et production machinale des enfants expriment surtout leur haine de la nature et leur hantise d’être nés (et non fabriqués). Néanmoins, en choisissant les solutions technologiques en laboratoire au lieu des pratiques symboliques (telles que l’adoption), ils dérivent curieusement vers la sociobiologie et l’eugénisme, rejetons théoriques de la science dans la modernité industrielle. Tout cela illustre enfin une des extravagances de l’époque : ceux qui, dans la lignée de Pierre Kropotkine ou Élisée Reclus, défendent à la fois la nature et l’humaine nature contre la dynamique destructrice du capitalisme technologique (qui cherche désormais à industrialiser les origines même de la vie), finissent par être tenus pour des alliés de l’extrême droite.Lire la suite »

Renaud Garcia, Techno-junkie, 2023

De la production à l’auto-injection d’œstrogènes

Récemment, une contradictrice doucereuse et « diplomate » vient me trouver à la fin d’une causerie, la mine grave. En vrac :

« Voilà, hum, comment dire : pour beaucoup d’entre nous, ce que vous dites dans votre texte “Les acceptologues” [1] est illégal, c’est de la transphobie » ; « Mais enfin ! Quand on songe aux rapports Nord-Sud, à l’extractivisme, avec ces enfants exploités dans les mines du Congo, pourquoi donc prioriser ce combat-là ? » ; « Rassurez-moi, vous n’avez rien contre les trans ? »

Certes, il s’est aussitôt avéré que mon inquisitrice n’avait pas lu grand-chose de cet article – non plus d’ailleurs que ses amies néo-féministes queer –, « intimidée par son vocabulaire philosophique ». Mais passons. Je lui dis que la vie des personnes « trans », leurs joies comme leurs peines sont leur affaire ; je les traite pour ma part avec la considération et la sympathie élémentaires dues à mon prochain. En revanche, dans la mesure où, avec quelques autres, je prétends œuvrer à une critique radicale de la société industrielle (pardon pour le « vocabulaire philosophique »), je refuse que l’on enfouisse le sens de la langue et le souci de la vérité sous des monceaux de falsifications ; et que l’on instrumentalise une souffrance souvent réelle – mais qui, par-delà les classes, les genres et les appartenances ethniques, est sans doute une des choses du monde la mieux partagée ; afin de contraindre chacun à penser, parler et agir « correctement ». C’est-à-dire suivant les désirs des activistes queer et trans. Lire la suite »

Lefèvre et Luzi, L’obsolescence du naître, 2022

Introduction au dossier
“Les enfants de la Machine”

« Si nous continuons, en tant que société, à encourager la “décomposition-marchandisation” de nos gamètes et de nos descendants potentiels; si nous continuons à éroder les frontières de l’espèce humaine dans l’intention d’abolir toutes les frontières inter-espèces et de modifier génétiquement les vivants afin de permettre à quelques personnes puissantes de se les approprier; en bref, si nous continuons, par indifférence et outrecuidance, à nous pousser en dehors de l’humanité […], alors la question que mon (LV) fils de 7 ans m’a posée ce matin pourrait être non seulement pertinente, mais prophétique : “Maman, les humains vont-ils disparaître comme les dinosaures ?” »

Louise Vandelac et Marie-Hélène Bacon [1]

 

Un jour, il est venu à l’esprit de certains êtres humains, ces animaux que l’on dit pourtant vivipares, qu’il serait bienvenu pour l’espèce qu’elle puisse se reproduire sans faire appel au corps de la femelle. Que des vies nouvelles puissent être créées sans rapprochement des sexes, sans fécondation ni gestation au sein du ventre féminin, sans accouchement. On retrouve par exemple cette idée dans le De natura rerum (1537) du médecin suisse Paracelse. Il y explique comment, uniquement à partir de la semence masculine, former ce qu’il nomme un « homoncule », un tout petit homme. Mais il s’agissait plus d’une chimère d’alchimiste que d’un projet concret. De l’abstraction à la réalisation, il y avait alors un gouffre. Lire la suite »