Miguel Amorós, Masses, partitocratie et fascisme, 2013

« Tout dans l’État,
rien contre l’État,
rien en dehors de l’État. »
Mussolini

L’existence de la partitocratie n’a pas été analysée de manière sérieuse ni par la sociologie académique, ni par la critique « antifasciste » du parlementarisme moderne, et cela en dépit du fait que la crise des régimes autoproclamés démocratiques a dévoilé leur réalité de systèmes autoritaires aux apparences libérales où les partis, animés par la recherche du pouvoir, s’approprient la représentation de la volonté populaire afin de légitimer leur action et leurs excès. Les partis, arrivés à ce point, deviennent opaques et se ferment à la participation et au simple contrôle de leurs militants, se transformant en machineries électorales. Lire la suite »

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Miguel Amorós, Masses, partocracy and fascism, 2013

The topic of partocracy has not been studied seriously by either academic sociology or the “anti-fascist” critique of modern parliamentarism, despite the fact that the crisis of the self-proclaimed democratic regimes has revealed its specific reality as an authoritarian system with liberal appearances where the parties, and especially their leaderships, abrogate the representation of the popular will in order to legitimize their actions and their excesses in defense of their particular interests. Nor should this fact be at all surprising, since the same thing happened in the party bureaucracy in the Stalinist and fascist regimes: the political class moulded by the partocracy exists to the extent that it conceals its existence as a class. As Debord pointed out, “the ideological lie at its origin can never be revealed”. Its existence as a class depends on the monopoly of ideology, Leninist or fascist in the one case, democratic in the other. While the bureaucratic class of State Capitalism dissimulated its exploitative class function by presenting itself as the “party of the proletariat” or the “party of the nation and the race”, the partocratic class of market capitalism does so by presenting itself as the “representative of millions of voters”, and thus, if the bureaucratic dictatorship was “real socialism”, the partocratic usurpation of popular sovereignty is “real democracy”. The former attempted to reinforce its position with an abundance of ritual spectacles and sacrifices; the latter has attempted to do so with an abundance of houses and the credit with which they can be bought. Both have failed. Lire la suite »

Miguel Amorós, Masas, partitocracia y fascismo, 2013

“Todo dentro del Estado,
nada fuera del Estado,
nada contra el Estado.”
Mussolini

El tema de la partitocracia no ha sido seriamente estudiado ni por la sociología académica ni por la crítica «antifascista» del parlamentarismo moderno, y eso a pesar de que la crisis de los regímenes autoproclamados democráticos haya desvelado su realidad específica en tanto que sistemas autoritarios con apariencias liberales donde los partidos, y especialmente sus cúpulas, guiándose por intereses de poder, se abrogan la representación de la voluntad popular a fin de legitimar su acción y sus excesos. Los partidos, llegados a ese punto, se vuelven opacos y se cierran a la participación y al simple control de sus afiliados, convirtiéndose en maquinarias electorales. Lire la suite »

Celia Izoard, L’opportunisme pandémique du néolibéralisme, 2021

Lors de la dernière Fête du Vent organisée par l’Amassada à la fin du mois d’août 2021, Celia Izoard a donné une conférence consacrée à la gestion sanitaire de la pandémie de Covid-19 en France, et plus largement, à l’impact des intérêts capitalistes sur les politiques de santé publique.

 

Celia Izoard introduit son propos en remontant à l’époque de l’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen, le 26 septembre 2019. 10 000 tonnes de produits chimiques partent en fumée : reprotoxiques, mutagènes, cancérigènes… La population locale constate des effets directs sur la santé : crises d’asthme violentes, vomissements et diarrhée, pertes de capacité respiratoire qui perdurent…

« Ce qui est frappant, dès le départ dans cette catastrophe, c’est que très rapidement la préfecture a déclaré qu’il n’y avait pas de toxicité aiguë, en jouant délibérément sur les mots : pas de toxicité aiguë, ça veut juste dire qu’on ne va pas mourir tout de suite en respirant cet air. »

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Radio: Thierry Ribault, Contre la résilience, 2022

Thierry Ribault, chercheur en sciences sociales au CNRS, présente son ouvrage Contre la résilience. À Fukushima et ailleurs, publié aux éditions L’Échappée en 2021, lors de son passage dans les studios de Radio Zinzine le 24 juin 2022.

Funeste chimère promue au rang de technique thérapeutique face aux désastres en cours et à venir, la résilience érige leurs victimes en cogestionnaires de la dévastation. Ses prescripteurs en appellent même à une catastrophe dont les dégâts nourrissent notre aptitude à les dépasser. C’est pourquoi, désormais, dernier obstacle à l’accommodation intégrale, l’« élément humain » encombre. Tout concourt à le transformer en une matière malléable, capable de « rebondir » à chaque embûche, de faire de sa destruction une source de reconstruction et de son malheur l’origine de son bonheur, l’assujettissant ainsi à sa condition de survivant.

À la fois idéologie de l’adaptation et technologie du consentement à la réalité existante, aussi désastreuse soit-elle, la résilience constitue l’une des nombreuses impostures solutionnistes de notre époque. Cet essai, fruit d’un travail théorique et d’une enquête approfondie menés durant les dix années qui ont suivi l’accident nucléaire de Fukushima, entend prendre part à sa critique.

La résilience est despotique car elle contribue à la falsification du monde en se nourrissant d’une ignorance organisée. Elle prétend faire de la perte une voie vers de nouvelles formes de vie insufflées par la raison catastrophique. Elle relève d’un mode de gouvernement par la peur de la peur, exhortant à faire du malheur un mérite. Autant d’impasses et de dangers appelant à être, partout et toujours, intraitablement contre elle.

Vous pouvez écouter cette émission ci-dessous et lire le recueil d’articles et d’entretiens en bas de la page.

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Racine de moins un
Une émission
de critique des sciences, des technologies
et de la société industrielle.

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Émission Racine de Moins Un n°78,
diffusée sur Radio Zinzine en juillet 2022. Lire la suite »

Barbara Stiegler & François Alla, La prévention en santé menace-t-elle nos libertés ?, 2019

Introduction

La santé est depuis toujours un enjeu politique majeur. Hygiénisme, politiques de santé publique et aujourd’hui médecine dite des « 4P » (Prédictive, Préventive, Personnalisée, Participative)… la prévention en santé a évolué au rythme des progrès de la médecine, des changements sociaux et des politiques de santé publique nationales et mondiales. Elle adapte ses programmes pour préserver la santé des populations, utilise des outils et des techniques pour mieux cibler ses messages. Elle fait l’actualité de tous les jours sur des sujets d’intérêt général : alcool, pesticide, danger routier… Comment et jusqu’où la prévention en santé cherche-t-elle à influencer nos comportements au nom d’une certaine efficacité ?

De la recommandation à l’obligation, les normes de santé publique se posent en garantes d’une vie en bonne santé. Mais les individus sont-ils tous égaux quand il s’agit d’appliquer les politiques de santé publique ? Quelle liberté de choix reste-t-il à l’individu et aux citoyens face aux injonctions de bonne santé ?

Ces questions ont été au cœur de la soirée débat organisée le 12 juin 2019 par l’ERENA-Bordeaux avec Barbara Stiegler, professeur en philosophie politique à l’Université Bordeaux Montaigne et François Alla, professeur d’université-praticien hospitalier, ISPED, Université de Bordeaux et Pôle Santé publique, CHU de Bordeaux, et animée par Bernard Broustet, journaliste. Lire la suite »

Collectif Ruptures, Réflexions sur l’autoritarisme et l’extrême droite, 2022

Notre participation au mouvement anti-passe nous a parfois amené à côtoyer des militants politiques avec lesquels nous n’avons guère en commun. Cela nous a amenés à quelques réflexions sur l’extrême droite et les conditions de son émergence, que nous vous livrons ici.

 

Nous participons régulièrement aux manifestations contre le passe sanitaire et nous constatons que ce mouvement est composite. On y trouve des personnes inquiètes du rétrécissement des libertés publiques, en questionnement sur les potentiels effets secondaires d’un vaccin d’un type nouveau sans retour d’expérience, d’autres qui prônent des médecines alternatives, des gens qui pensent que la situation actuelle a été sciemment créée et orchestrée par l’oligarchie, des gilets jaunes critiques des inégalités sociales, de la vie chère et du mépris de Macron envers les classes populaires, des soignants suspendus… et cette liste est loin d’être exhaustive. On trouve également des partis politiques d’extrême droite (notamment Civitas et les Patriotes à Grenoble), ainsi que leurs sympathisants.

Mais nous constatons surtout, avec une pointe d’amertume, une situation qu’on n’aurait pas imaginée dans nos pires cauchemars : des militants d’extrême droite, mouvance ouvertement autoritaire et inégalitaire, sont là pour scander le mot « liberté ». Alors que ceux qui, habituellement s’en revendiquent (notamment à gauche), leur laissent le terrain, et parfois même soutiennent les mesures du gouvernement. Lire la suite »

Sylvaine Bulle, Une politique d’émancipation doit mettre l’État à distance, 2020

Entretien avec la sociologue Sylvaine Bulle, autrice d’une enquête sur des expériences d’autonomie politique. Elle explique comment la pandémie peut renforcer le désir de ne pas être gouverné, et inciter à la recherche d’autres formes de vie.

 

S’il est actuellement beaucoup question du retour de l’État et de la restauration de la souveraineté, à droite comme à gauche du spectre politique, d’autres traditions militantes et intellectuelles se situent aux antipodes de cette logique. Au contraire, elles portent une critique radicale de l’État, qui n’en vise pas seulement les aspects les plus autoritaires et coercitifs, mais tout bonnement la prétention à gouverner les populations.

Pour évoquer cette mouvance, Mediapart s’est entretenu avec Sylvaine Bulle, professeure de sociologie à l’ENSA Paris Val de Seine (Université de Paris) et autrice d’Irréductibles. Enquête sur des milieux de vie de Bure à Notre-Dame-des-Landes (UGA Éditions, collection Écotopiques, 2020). Elle décrit les principes et les réalisations des « zones autogouvernées », et met en avant leurs atouts en temps de crise sanitaire. Elle répond aussi aux objections traditionnellement soulevées par ces expériences, comme celles qui moquent leur caractère localement circonscrit. Lire la suite »

Jérôme Laronze, Chroniques et états d’âmes ruraux, 2017

Suivi d’une lettre à Florence Aubenas

 

Tué par les gendarmes le 20 mai 2017, Jérôme Laronze était éleveur bovin en Saône-et-Loire, Dans ce texte qu’il a écrit et envoyé à la presse, pendant qu’il était seul et traqué par les gendarmes et donc peu de temps avant son assassinat, il relatait l’acharnement administratif qu’il a subi et ses combats contre la traçabilité, un des outils de l’écrasement planifié des paysans, les artisans de notre satiété.

 

Nous sommes en septembre 2014 quand je reçois un courrier m’informant que mon exploitation fera l’objet d’un contrôle portant sur l’identification de mes bovins. Celui-ci se passera bien, et ne mettra en évidence aucun défaut majeur, juste des hors délais de notifications (déclaration des mouvements des animaux à l’EDE, Établissement départemental de l’élevage).

Par la suite, sans doute frustrée d’une chasse si maigre, l’administration, via la Direction Départementale de la Protection des Population (DDPP) m’informe qu’à la vue de ces hors délais elle refuse de valider mes déclarations de naissances et exige que je prouve, à mes frais, les filiations mère/veau par des tests ADN, et que dans l’attente de ceux-ci mon cheptel est interdit de tout mouvement. Lire la suite »

Laurence De Cock, École ouverte, 2021

ou le monde parallèle de Jean-Michel Blanquer

Le dernier livre auto-promotionnel de Jean-Michel Blanquer se lit comme un programme électoral, teinté de petits arrangements avec la vérité et sur un ton exagérément lyrique. Son titre, École ouverte, joue de la polysémie pour défendre tant l’ouverture des écoles pendant la pandémie que sa vision de « l’école du futur » – une école mondialisée, déshumanisée et guidée par l’impératif de compétitivité.

Entre 2014 et 2018, Jean-Michel Blanquer a successivement publié L’école de la vie, L’école de demain, L’école de la confiance, trois ouvrages qui résument assez bien sa vision de l’école, ses perspectives de carrière et ses desseins programmatiques. Mais on pensait la trilogie achevée. Or un petit dernier vient de voir le jour, pour lequel le ministre de l’Éducation nationale fait des infidélités à son éditeur fétiche Odile Jacob et entre dans la cour de la prestigieuse maison d’édition fondée par Gaston Gallimard. Il faut dire que l’enjeu est important. Il est désormais temps de défendre un bilan qui est loin de faire l’unanimité dans le monde de l’éducation. Lire la suite »