L’œuvre de George Orwell a eu la malchance de n’être connue que de manière parcellaire. Ses ouvrages les plus célèbres, Hommage à la Catalogne, La Ferme des animaux et 1984 ne sont que les parties d’un ensemble plus vaste et plus riche. Un aspect fondamental de son œuvre, très peu connu du public espagnol, est sa critique du machinisme et du progressisme. S’il est vrai qu’il n’a pas exposé sa pensée de manière systématique et définitive (excepté peut-être dans le premier livre que nous allons commenter), ses réflexions sur le sujet, dispersées dans toute son œuvre, sont d’une finesse remarquable. C’est de ces passages dont il est question dans cet article. Lire la suite »
Étiquette : idéologie scientifique
Los amigos de Ludd, George Orwell como crítico del maquinismo, 2013
La obra de George Orwell tiene la mala suerte de ser conocida de forma muy fragmentaria. Sus obras más célebres, Homenaje a Cataluña, Rebelión en la granja y 1984, no son más que una parte de un conjunto más amplio y rico. Uno de los aspectos fundamentales de su obra menos difundido entre sus lectores en castellano es la crítica del maqumismo y del progresismo. Si bien no expuso su pensamiento sobre estas cuestiones de forma sistemática y definida (excepto quizá en el primer libro que vamos a comentar), sus apuntes, dispersos a lo largo de toda su obra, son de una brillantez excepcional. (La mayor parte de las referencias pertenecen a libros agotados hace tiempo o aún sin publicar íntegramente en castellano.) De estos pasajes hablaremos a continuación. Lire la suite »
Anne Rasmussen, Critique du progrès, « crise de la science », 1996
débats et représentations du tournant du siècle
Tout au long du XIXe siècle, science, modernité et progrès avaient suscité des représentations à peu près substituables. La science, qui ouvrait l’horizon sans limite d’une accumulation continue des savoirs, devait être, dans cette mesure même, garante du perfectionnement moral de l’homme et, partant, du progrès de la civilisation. L’archétypique Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain s’était employé à établir cette équivalence entre le domaine du savoir et les catégories éthiques et politiques. Les figures du discours circulaient aisément des sciences à la démocratie, des connaissances expérimentales à la morale ou à la société.
Au tournant du siècle cependant, les deux grandes sources du discours progressiste produit depuis les Lumières étaient en voie de tarissement. D’une part, l’inspiration historienne était proche de l’épuisement. Il n’était pas de vraie postérité à ceux que Renouvier dénommait les « penseurs appliqués à l’histoire universelle » dans la lignée des Condorcet, Saint-Simon, Hegel, Comte ou Spencer dont « la maxime que tout est bien, ou que tout va au bien, est le postulat secret, quand ce n’est pas la thèse à démontrer » [1]. D’autre part, la source scientifique, qui prétendait associer progrès social, moral et cognitif, si elle continuait d’avoir des adeptes, subissait une profonde remise en question. Lire la suite »
Radio: Thierry Ribault, Contre la résilience, 2022
Thierry Ribault, chercheur en sciences sociales au CNRS, présente son ouvrage Contre la résilience. À Fukushima et ailleurs, publié aux éditions L’Échappée en 2021, lors de son passage dans les studios de Radio Zinzine le 24 juin 2022.
Funeste chimère promue au rang de technique thérapeutique face aux désastres en cours et à venir, la résilience érige leurs victimes en cogestionnaires de la dévastation. Ses prescripteurs en appellent même à une catastrophe dont les dégâts nourrissent notre aptitude à les dépasser. C’est pourquoi, désormais, dernier obstacle à l’accommodation intégrale, l’« élément humain » encombre. Tout concourt à le transformer en une matière malléable, capable de « rebondir » à chaque embûche, de faire de sa destruction une source de reconstruction et de son malheur l’origine de son bonheur, l’assujettissant ainsi à sa condition de survivant.
À la fois idéologie de l’adaptation et technologie du consentement à la réalité existante, aussi désastreuse soit-elle, la résilience constitue l’une des nombreuses impostures solutionnistes de notre époque. Cet essai, fruit d’un travail théorique et d’une enquête approfondie menés durant les dix années qui ont suivi l’accident nucléaire de Fukushima, entend prendre part à sa critique.
La résilience est despotique car elle contribue à la falsification du monde en se nourrissant d’une ignorance organisée. Elle prétend faire de la perte une voie vers de nouvelles formes de vie insufflées par la raison catastrophique. Elle relève d’un mode de gouvernement par la peur de la peur, exhortant à faire du malheur un mérite. Autant d’impasses et de dangers appelant à être, partout et toujours, intraitablement contre elle.
Vous pouvez écouter cette émission ci-dessous et lire le recueil d’articles et d’entretiens en bas de la page.
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Racine de moins un
Une émission
de critique des sciences, des technologies
et de la société industrielle.
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Émission Racine de Moins Un n°78,
diffusée sur Radio Zinzine en juillet 2022. Lire la suite »
Gerald Joyce, La définition de la vie par la NASA, 2013
La définition de la vie par la NASA et cette interview qui en retrace l’histoire sont symptomatiques de la confusion de la pensée qui se prétend scientifique sur les notions et concepts généraux qui devraient être au fondement de la réflexion sur ce que sont les êtres vivants en tant qu’objets physiques, c’est-à-dire les bases mêmes de la biologie. Nous en proposons une traduction inédite et une analyse critique.
Qu’est ce que la vie ?
C’est une question apparemment simple qui mène à des réponses complexes et à des discussions philosophiques et scientifiques passionnés. Certains se concentrent sur le métabolisme comme la clé de la vie, d’autres sur la génétique, et il a même été suggéré que nous avons besoin d’un tout nouveau domaine de la science afin d’arriver à une définition satisfaisante.
Si jamais nous espérons identifier la vie ailleurs dans l’univers, nous devons comprendre ce qui sépare les créatures vivantes de la matière non vivante. Une définition récemment utilisée par la NASA est :
« La vie est un système chimique auto-entretenu capable d’évolution darwinienne. »
“Life is a self-sustained chemical system capable of Darwinian evolution”.
Gerald Joyce, Forming a Definition for Life, 2013
The definition of life by NASA and this interview that traces its history are symptomatic of the confusion of the thought that claims to be scientific on the general notions and concepts that should be at the basis of the reflection on what are living beings as physical objects, that is to say the very foundations of biology. We propose a critical analysis.
What is life?
It’s a seemingly simple question that leads to complex answers and heated philosophical and scientific arguments. Some focus on metabolism as the key to life, others on genetics, and there has even been a suggestion that we need a whole new field of science in order to come up with a satisfactory definition.
If we ever hope to identify life elsewhere in the universe, we need to understand what separates living creatures from non-living matter. A working definition lately used by NASA is that “life is a self-sustaining system capable of Darwinian evolution.”
[With such a definition, it is not certain that life on Earth really exists!]
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Bertrand Louart, James Lovelock et l’hypothèse Gaïa, 2002
L’hypothèse Gaïa aurait été l’occasion d’un renouvellement de la méthode scientifique et d’une réflexion plus unitaire pour l’écologie politique. Mais James Lovelock (1919-2022), avec sa vision étroitement cybernétique de la vie, l’utilise au contraire pour promouvoir les intérêts du despotisme industriel.
« Il est d’ailleurs impossible de prévoir, dès maintenant, tous les emplois bienfaisants de l’énergie atomique. Le biologiste Julian Huxley proposait, l’autre jour à New York, le bombardement de la banquise arctique. L’énorme chaleur dégagée ferait fondre les glaces et le climat de l’hémisphère Nord s’en trouverait adouci. Frédéric Joliot-Curie pense que d’autres bombes atomiques, non moins pacifiques, pourraient être utilisées pour modifier les conditions météorologiques, pour créer des nuages, pour faire pleuvoir. Cela se traduirait par une amélioration du rendement agricole et du rendement hydroélectrique. Que le monde fasse confiance aux physiciens, l’ère atomique commence seulement. » [1]
Le Monde, 20 décembre 1945.
« Et lorsque la Terre sera usée,
l’Humanité déménagera dans les étoiles ! »Flaubert, Bouvard et Pécuchet, 1880.
Nota Bene : Nous nous référons dans ce qui suit aux trois ouvrages de James Lovelock traduits en français :
- La Terre est un être vivant, l’hypothèse Gaïa, 1979 ; éd. Flammarion, coll. Champs, 1993 ;
- Les âges de Gaïa, 1988 ; éd. Odile Jacob, coll. Opus, 1997 ;
- Gaïa. Une médecine pour la planète, 1991 ; éd. Sang de la Terre, 2001 ;
- La revanche de Gaïa, pourquoi la Terre riposte-t-elle ?, 2006 ; éd. Flammarion, coll. Nouvelle Bibliothèque Scientifique, 2007. [non commenté dans cet article]
Ils seront désignés respectivement dans la suite par les abréviations Hypothèse, Âges et Médecine.
Le scientifique britannique James Lovelock (26 juillet 1919 – 26 juillet 2022) a formulé l’hypothèse Gaïa, selon laquelle la biosphère serait un être vivant à part entière, en travaillant pour la NASA sur le programme des sondes martiennes Viking vers la fin des années 1960. Son travail consistait à réfléchir aux moyens qui permettraient à la sonde, une fois sur Mars, de détecter la présence d’êtres vivants, notamment des micro-organismes.
Ses recherches l’ont amené, avant même que les sondes aient quitté la Terre, à conclure à l’absence de vie sur Mars, simplement en comparant les atmosphères de ces deux planètes [2]. En effet, l’atmosphère martienne est en équilibre chimique : aucune réaction ne peut s’y produire spontanément, le dioxyde de carbone (CO2) est le gaz dominant (97%). Tandis que sur Terre, l’atmosphère est en déséquilibre chimique notable : les gaz très réactifs comme l’azote (N2) et l’oxygène (O2) en sont les principaux constituants (respectivement 79% et 21%). C’est donc que sur Terre il y a « quelque chose » qui produit et maintient ce déséquilibre – qui permet toutes sortes de réactions chimiques –, alors que sur Mars il n’y a rien qui empêche l’atmosphère d’atteindre un équilibre où plus aucune réaction n’est possible. Lire la suite »
Sam Kriss, Fuck the moon !, 2015
Manifeste du Comité pour l’abolition de l’Espace
« Nique la Lune ! », tel est le slogan du Comité pour l’abolition de l’Espace, qui a traversé les siècles et dont on ignorait tout jusqu’à ce qu’un mystérieux manifeste soit récemment trouvé sur un banc de la gare Victoria, à Londres. Sa rédaction est attribuée au journaliste anglais Sam Kriss.
Il n’y a rien là-bas
Ils nous ont trompés. C’est un mensonge cruel et glaçant, si vaste et répandu qu’il a fini par ne plus être perceptible et par devenir le substrat invisible de la vie quotidienne. C’est un mensonge politique. Ils nous ont fait croire que l’Espace était beau.
Ils nous ont montré des nébuleuses, d’immenses nuages rose et bleu coiffés de tresses étoilées violettes, se développant au rythme de l’infinité cosmique jusqu’à adopter des formes génitales – des bites et des chattes larges de plusieurs années-lumière. Ils ont accolé à ces images des citations, petites flaques sémantiques destinées à nous faire croire que les galaxies s’adressaient à nous jusque dans les profondeurs de notre solitude, chuchotant à travers un infini brumeux. Leur message : vous êtes supérieurs à tous les autres, parce que, bordel, qu’est-ce que vous aimez la science. Lire la suite »
Sam Kriss, Manifesto of the Committee to Abolish Outer Space, 2015
There’s nothing there already.
We have been lied to, subjected to a cruel and chilly lie, one so vast and total it’s no longer fully perceivable but has turned into the unseen substrate of everyday life. It’s a political lie. They told us that outer space is beautiful.
They showed us nebulae, big pink and blue clouds draped in braids of purple stars, always resolving themselves at the pace of cosmic infinity into genital forms, cocks and cunts light years wide. They superimposed puddle-thin quotes over these pictures, so that the galaxies could speak to you in the depths of your loneliness, whispering from across a trackless infinity that you’re so much better than everyone else, because you fucking love science. The words are lies, the colors are lies, the nebulae are lies. These images are collated and pigmented by computers; they’re not a scene you could ever see out the porthole of your spaceship. Space isn’t even ugly; it isn’t anything. It’s a dead black void scattered with a few grey rocks, and they crash into each other according to a precise mathematical senselessness until all that’s left is dust. Lire la suite »
Low-Tech Magazine, L’Économie circulaire est-elle vraiment circulaire ?, 2018
Tant que nous continuerons à accumuler des matières premières, la fermeture du cycle de l’économie restera une illusion, même pour les matériaux qui sont, en principe, recyclables.
L’économie circulaire est la nouvelle expression magique des partisans du développement durable. Elle promet l’idéal d’une croissance économique sans destruction ni déchets. Cependant, ce concept ne se concentre que sur une infime part des ressources utilisées et ne prend pas en compte les lois de la thermodynamique. Lire la suite »