Jean-Baptiste Fressoz, ¿Un mundo sin transición?, 2024

En su nuevo libro, Sin transición. Una nueva historia de la energía, el historiador Jean-Baptiste Fressoz examina los discursos contemporáneos sobre la « transición energética ». En su opinión, se alimentan de relatos históricos fraudulentos sobre supuestas transiciones pasadas. Al sacar a la luz la acumulación de fuentes de energía a lo largo de la historia, su interdependencia y simbiosis, y la fabricación de relatos sobre la transición, nos invita a deshacernos de un concepto que considera ineficaz. Nos entrevistamos con él.

Griffaton & Mandard: Una de las tesis centrales de tu libro es el desafío a una visión fasista de la historia de la energía y los materiales como una sucesión de épocas materiales distintas (una visión fasista cuya genealogía intelectual propones en el capítulo 2). Esta visión fasista no es simplemente de sentido común, sino que también puede encontrarse en las obras de los principales historiadores del medio ambiente. ¿Podría repasar el tipo de narrativa que proponen este tipo de obras, el uso del término « transición » al que recurren y los fenómenos que nos impiden ver? Lire la suite »

Jean-Baptiste Fressoz, Un monde sans transition ?, 2024

Dans son nouvel ouvrage, Sans transition. Une nouvelle histoire de l’énergie, l’historien Jean-Baptiste Fressoz revient sur les discours contemporains de la « transition énergétique ». Pour lui, ils sont nourris de récits historiques frauduleux sur de supposées transitions passées. En mettant au jour l’empilement des sources d’énergie dans l’histoire, leurs interdépendances ou leurs symbioses et la fabrique des récits de la transition, il nous invite à nous débarrasser d’un concept qu’il juge inopérant. Nous l’avons rencontré.

Griffaton & Mandard : L’une des thèses centrales de votre ouvrage est la mise en cause d’une vision phasiste de l’histoire de l’énergie et des matières en tant que succession d’époques matérielles distinctes (vision phasiste dont vous proposez une généalogie intellectuelle dans le chapitre 2). Or cette vision phasiste ne relève pas simplement du sens commun, mais se retrouve également dans des ouvrages d’auteurs majeurs de l’histoire environnementale. Pouvez-vous revenir sur le genre de récit que propose ce type d’ouvrage, l’usage du terme de transition qu’il mobilise, et sur les phénomènes qu’il empêche de voir ?
Lire la suite »

Gregory Chatonsky, Intelligence Artificielle et extinction, 2023

Contrairement à ce qu’affirment nombre de pétitions récentes signées par des chercheurs et des entrepreneurs, l’IA participe bien de l’extinction, mais pas du tout celle qui viendrait remplacer l’être humain par une technologie devenue, comme par miracle, autonome, et faisant précisément abstraction de ses dépendances logistiques, mais celle qui est en cours, qu’on la nomme anthropocène, capitalocène, ou autrement.
Lire la suite »

Cédric de Queiros, Réflexions sur une épidémie, 2020

Nous voici donc au cœur d’une crise sanitaire mondiale.

Bien que nous baignions depuis si longtemps dans une ambiance diffuse de menaces multiples, de catastrophes annoncées, malgré que nous ayons de longue date essayé de porter une critique et des perspectives politiques à la hauteur de ce contexte de « crise écologique », nous n’en sommes pas moins assez désarmés quand une crise arrive. Ce n’est pas la même chose quand on l’imagine, ou quand c’est là autour de nous. Et effectivement, jusqu’il y a peu les menaces de pandémies n’occupaient pas une place privilégiée dans nos préoccupations, dans nos scénarios. Lire la suite »

Mona Chollet, Le ciel nous préserve des optimistes, 2009

Eté 2006. Comme chaque matin, Laurence Shorter, jeune consultant anglais au chômage, entend rugir au-dehors les Mercedes et les BMW qui emmènent ses voisins au travail, alors que lui-même est incapable de s’arracher à son lit. « Qu’est-ce qui ne va pas chez moi ? », se demande-t-il, au désespoir. Puis il allume la radio, et soudain, il comprend. Ce qui le mine, c’est la litanie de catastrophes dévidée en permanence par les médias : guerres, épidémies, crise écologique… Il s’auto-investit alors d’une mission : faire rendre gorge aux prophètes de malheur, réhabiliter l’optimisme et le répandre à la surface du globe. C’est décidé : il va prendre sa revanche sur les pessimistes, ces « cyniques » qui « ont toujours lu plus de livres » que lui (visiblement, ce n’est pas difficile) et qui, dans les dîners, prennent plaisir à l’humilier, « en général devant de jolies femmes ». Lire la suite »

Tomjo, Cité idéales et villes intelligentes, 2019

Nadine Ribault, Europe, 2016

Le texte que nous publions ici est extrait de Chroniques du désert – Le désert Urbain, une revue d’enquête de 300 pages sur le thème de la ville publié par les éditions GREVIS basées à Caen. L’auteur y explore la question des utopies de Thomas More aux smart cities d’aujourd’hui mais surtout de demain. L’enfer urbain pavé de bonnes intentions.

 

Je ne suis pas un spécialiste des utopies, comme peut l’être en France un certain Thierry Paquot, sociologue, qui a lui une lecture conciliante des utopistes. L’intérêt pour les utopies m’est venu plus particulièrement quand Le Monde, à l’été 2017, publia une série d’articles à leur sujet. Le Monde qui, par ailleurs, est un ardent défenseur de ce qu’on appelle la Smart city, ou « ville intelligente ». Chaque année, Le Monde remet un prix de l’innovation Smart cities à des entreprises, start-up, associations et collectivités locales pour leur projet urbain innovant en matière numérique. Prix de l’innovation décerné avec le concours de la BNP, Bouygues et Michelin. Le Monde a d’ailleurs un portail internet dédié à ces « créateurs de la ville de demain ».Lire la suite »

Grégoire Vilanova, Petite histoire du site nucléaire de Hanford, 2017

Début mai 2017, un tunnel rempli de déchets radioactifs s’est effondré sur le site de Hanford, dans l’État de Washington, à 275 km de Seattle. Depuis 1943, les réacteurs nucléaires et les usines de retraitement de ce complexe ont généré soixante tonnes de plutonium, équipant les deux tiers de l’arsenal nucléaire américain. Cette production, extrêmement polluante, a créé d’immenses quantités de déchets chimiques et radiologiques qui empoisonnent encore aujourd’hui les rives du majestueux fleuve Columbia, si bien que ce gigantesque combinat, seize fois plus grand que Paris, où s’agitent aujourd’hui 9 000 décontaminateurs, est considéré comme le plus grand dépotoir nucléaire du continent américain. Lire la suite »

Radio: Thierry Ribault, Contre la résilience, 2022

Thierry Ribault, chercheur en sciences sociales au CNRS, présente son ouvrage Contre la résilience. À Fukushima et ailleurs, publié aux éditions L’Échappée en 2021, lors de son passage dans les studios de Radio Zinzine le 24 juin 2022.

Funeste chimère promue au rang de technique thérapeutique face aux désastres en cours et à venir, la résilience érige leurs victimes en cogestionnaires de la dévastation. Ses prescripteurs en appellent même à une catastrophe dont les dégâts nourrissent notre aptitude à les dépasser. C’est pourquoi, désormais, dernier obstacle à l’accommodation intégrale, l’« élément humain » encombre. Tout concourt à le transformer en une matière malléable, capable de « rebondir » à chaque embûche, de faire de sa destruction une source de reconstruction et de son malheur l’origine de son bonheur, l’assujettissant ainsi à sa condition de survivant.

À la fois idéologie de l’adaptation et technologie du consentement à la réalité existante, aussi désastreuse soit-elle, la résilience constitue l’une des nombreuses impostures solutionnistes de notre époque. Cet essai, fruit d’un travail théorique et d’une enquête approfondie menés durant les dix années qui ont suivi l’accident nucléaire de Fukushima, entend prendre part à sa critique.

La résilience est despotique car elle contribue à la falsification du monde en se nourrissant d’une ignorance organisée. Elle prétend faire de la perte une voie vers de nouvelles formes de vie insufflées par la raison catastrophique. Elle relève d’un mode de gouvernement par la peur de la peur, exhortant à faire du malheur un mérite. Autant d’impasses et de dangers appelant à être, partout et toujours, intraitablement contre elle.

Vous pouvez écouter cette émission ci-dessous et lire le recueil d’articles et d’entretiens en bas de la page.

.

Racine de moins un
Une émission
de critique des sciences, des technologies
et de la société industrielle.

.
Émission Racine de Moins Un n°78,
diffusée sur Radio Zinzine en juillet 2022. Lire la suite »

Fabian Scheidler, L’ombre de l’hydre, 2020

pandémies, crise de la biosphère
et limites de l’expansion

La crise du coronavirus a révélé une ambivalence fondamentale de notre civilisation : tandis que tous les moyens ou presque sont bons pour endiguer le Covid-19 – même une paralysie temporaire de l’économie –, les gouvernements n’ont en quarante ans presque rien fait pour désamorcer la crise climatique. Il aurait fallu pour cela remettre en question l’expansion et l’accumulation sans fin. Nous voilà donc face à un moment charnière : à quand la fin de la mégamachine ?

 

Une dizaine d’années seulement après le krach financier de 2008-2009, la crise du coronavirus a de nouveau violemment ébranlé l’économie globale. Bien que ces deux crises aient des causes très différentes, elles ont pourtant en commun de mettre en lumière la vulnérabilité et l’instabilité croissante de l’ordre mondial actuel. Un aspect de cette perturbation n’a pas encore suscité l’attention qu’il mérite : le lien entre les pandémies et la destruction de la biosphère, qui progresse à toute vitesse. Lire la suite »

Thierry Ribault, La résilience selon Macron, 2022

gérer la catastrophe au lieu de lutter contre

 

Dans la logique macroniste, les catastrophes sont inévitables et, en dépit de la mort qu’elles sèment, il ne s’agit pas de les empêcher mais de « vivre avec ». Cette résilience mise en valeur par le pouvoir vise avant tout à ce que ses sujets continuent à être fonctionnels sans être paralysés par la panique ou l’anxiété.

 

À ceux qui s’étonnent encore de la volonté du candidat Macron de pousser encore plus loin le modèle productiviste et hypertechnologique qui est en grande partie responsable des catastrophes climatique, sanitaire et énergétique dans lesquelles nous nous trouvons, il convient de rappeler qu’en bon collapsologue, le président sortant n’a jamais eu l’intention d’empêcher ni les désastres en cours ni ceux à venir, mais d’amener chacun à consentir à « vivre avec ». De fait, se renforcer dans l’épreuve est au cœur de la métaphysique étatique du malheur vertueux qu’il incarne. Lire la suite »