Miguel Amorós, Masses, partitocratie et fascisme, 2013

« Tout dans l’État,
rien contre l’État,
rien en dehors de l’État. »
Mussolini

L’existence de la partitocratie n’a pas été analysée de manière sérieuse ni par la sociologie académique, ni par la critique « antifasciste » du parlementarisme moderne, et cela en dépit du fait que la crise des régimes autoproclamés démocratiques a dévoilé leur réalité de systèmes autoritaires aux apparences libérales où les partis, animés par la recherche du pouvoir, s’approprient la représentation de la volonté populaire afin de légitimer leur action et leurs excès. Les partis, arrivés à ce point, deviennent opaques et se ferment à la participation et au simple contrôle de leurs militants, se transformant en machineries électorales. Lire la suite »

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Miguel Amorós, Masses, partocracy and fascism, 2013

The topic of partocracy has not been studied seriously by either academic sociology or the “anti-fascist” critique of modern parliamentarism, despite the fact that the crisis of the self-proclaimed democratic regimes has revealed its specific reality as an authoritarian system with liberal appearances where the parties, and especially their leaderships, abrogate the representation of the popular will in order to legitimize their actions and their excesses in defense of their particular interests. Nor should this fact be at all surprising, since the same thing happened in the party bureaucracy in the Stalinist and fascist regimes: the political class moulded by the partocracy exists to the extent that it conceals its existence as a class. As Debord pointed out, “the ideological lie at its origin can never be revealed”. Its existence as a class depends on the monopoly of ideology, Leninist or fascist in the one case, democratic in the other. While the bureaucratic class of State Capitalism dissimulated its exploitative class function by presenting itself as the “party of the proletariat” or the “party of the nation and the race”, the partocratic class of market capitalism does so by presenting itself as the “representative of millions of voters”, and thus, if the bureaucratic dictatorship was “real socialism”, the partocratic usurpation of popular sovereignty is “real democracy”. The former attempted to reinforce its position with an abundance of ritual spectacles and sacrifices; the latter has attempted to do so with an abundance of houses and the credit with which they can be bought. Both have failed. Lire la suite »

Miguel Amorós, Masas, partitocracia y fascismo, 2013

“Todo dentro del Estado,
nada fuera del Estado,
nada contra el Estado.”
Mussolini

El tema de la partitocracia no ha sido seriamente estudiado ni por la sociología académica ni por la crítica «antifascista» del parlamentarismo moderno, y eso a pesar de que la crisis de los regímenes autoproclamados democráticos haya desvelado su realidad específica en tanto que sistemas autoritarios con apariencias liberales donde los partidos, y especialmente sus cúpulas, guiándose por intereses de poder, se abrogan la representación de la voluntad popular a fin de legitimar su acción y sus excesos. Los partidos, llegados a ese punto, se vuelven opacos y se cierran a la participación y al simple control de sus afiliados, convirtiéndose en maquinarias electorales. Lire la suite »

Jean-Pierre Berlan, De la bannette au pain, 2019

De la bannette au pain est un Duologos mis en scène et en bouche par Jean-Pierre Berlan et François Palanque en 2019 avec le coup de main de Julien Pillet. Une joyeuse conférence-exposition-dégustation-discussion sur l’extraordinaire diversité et beauté des blés de pays.

Jean-Pierre Berlan est ingénieur-chercheur en agronomie et sciences économiques et François Palanque, acteur-chercheur en clowneries en tous genres.

Animés par « l’amour de la recherche, celui du travail et de l’émerveillement », nos deux experts-compères mènent une recherche permanente et enthousiaste, en résistance à la destruction galopante de la biodiversité. Lire la suite »

Frédéric Bastiat, Pétition concernant l’éclairage, 1845

Pétition
des fabricants de chandelles, bougies, lampes, chandeliers, réverbères, mouchettes, éteignoirs, et des producteurs de suif, huile, résine, alcool, et généralement de tout ce qui concerne l’éclairage.

 

À MM. les Membres de la Chambre des Députés.

 

Messieurs,

Vous êtes dans la bonne voie. Vous repoussez les théories abstraites ; l’abondance, le bon marché vous touchent peu. Vous vous préoccupez surtout du sort du producteur. Vous le voulez affranchir de la concurrence extérieure, en un mot, vous voulez réserver le marché national au travail national.

Nous venons vous offrir une admirable occasion d’appliquer votre… comment dirons-nous ? votre théorie ? non, rien n’est plus trompeur que la théorie ; votre doctrine ? votre système ? votre principe ? mais vous n’aimez pas les doctrines, vous avez horreur des systèmes, et, quant aux principes, vous déclarez qu’il n’y en a pas en économie sociale ; nous dirons donc votre pratique, votre pratique sans théorie et sans principe. Lire la suite »

Bertrand Louart, Réappropriation, jalons pour sortir de l’impasse industrielle, 2022

Présentation de l’ouvrage:

Bertrand Louart,
Réappropriation.
Jalons pour sortir de l’impasse industrielle,

La Lenteur, mai 2022
(176 pages, 15 euros).

 

Avant-propos

Avec la brochure Quelques éléments d’une critique de la société industrielle publiée en 2003, j’avais tenté une première fois de préciser la démarche de réappropriation des sciences, des arts et des métiers dans laquelle des amis et moi-même étions engagés depuis plusieurs années.

Malgré la corruption quasi universelle de toute activité du fait de sa transformation en marchandise, de l’industrialisation des procédés et de l’envahissement des pratiques par des ersatz, nous cherchions une activité en prise avec la réalité et ayant une utilité sociale évidente. En tout cas, nous ressentions vivement la nécessité de ne pas sombrer dans la déréalisation et la vie hors-sol qu’implique aujourd’hui la dépossession de tout pouvoir sur son existence qui est le lot commun de bien des salariés dans les pays dits développés. C’était pour nous une question de dignité et de santé physique, morale et psychologique autant que de fidélité à nos convictions. Nos divers parcours dans la recherche des moyens de « gagner notre vie » nous avaient donc fait ressentir la nécessité d’articuler à des activités pratiques une critique de ce qu’elles étaient devenues dans le contexte de la société capitaliste et industrielle.

Nous pensions également que la critique sociale, aussi pertinente soit-elle, ne peut espérer aboutir – et même simplement sortir du cercle des convaincus – que si elle s’efforce de dégager quelques issues hors du système de faux besoins et des mécanismes d’enrôlement du monde actuel. Il fallait nous donner à plus ou moins long terme les moyens de sortir d’une situation d’isolement, où chacun se contentait de bricoler dans son coin des solutions individuelles, certes réconfortantes, mais sans perspectives plus politiques. Malgré ses insuffisances, la brochure de 2003 nous a permis de rencontrer des personnes partageant ces idées, et d’autres partisanes d’un démantèlement du système industriel et d’une relocalisation de la production.

En 2004, j’ai publié le n°6 de Notes & Morceaux choisis, bulletin critique des sciences des technologies et de la société industrielle qui avait pour thème “La Menuiserie et l’ébénisterie à l’époque de la production industrielle”. Ce texte constituait une illustration, à partir de mon expérience de menuisier, de la démarche de réappropriation et des obstacles qu’elle rencontre aujourd’hui. La transformation du métier sous l’effet des nouveaux matériaux (les dérivés industriels du bois) et des machines ad hoc invitait à examiner de plus près les conséquences de la mécanisation du travail et de l’automatisation de la production.

Or, en cernant les conditions qui transforment ces savoir-faire au point d’en être « réduits à n’être plus que des suites d’opérations matérielles des plus vulgaires », il m’est apparu que le problème était non pas que la production soit industrielle, mais qu’actuellement toute production tend à devenir industrielle au détriment des capacités de production autonome des individus et des communautés. Plutôt que de « critique anti-industrielle » (dénomination qui s’attirait le reproche peu subtil : « Vous êtes contre toutes les machines ! »), il me se semblait plus intéressant d’approfondir la critique du capitalisme industriel.

Depuis, ces brochures ont fait leur chemin, dans les infokiosques et ailleurs. Surtout, la multiplication des oppositions aux projets d’aménagement du territoire et d’extraction des ressources minières en France et en Europe (ZaD et autres) a mis en avant dans une fraction de la jeunesse engagée une critique de la société industrielle qui, sur les lieux et territoires occupés, s’articule à une reconquête de l’autonomie matérielle. Il me semble aujourd’hui nécessaire d’étoffer et d’actualiser cette brochure et ces propositions pour les mettre plus en phase avec leur temps, exposer les banalités de base de la critique du capitalisme industriel et de la démarche de réappropriation des savoir-faire qui est son pendant nécessaire.


 

Table des matières

Avant-propos

Introduction

  1. Le capitalisme industriel
    • Enclosures et dépossessions
    • « Satanic mills »
    • La fabrique des pauvres
  2. Sciences et techniques
    • La Science moderne
    • La discipline mécanique
    • Énergie et pouvoir
    • Abondance de la dépossession
    • Délivrance et intensité
  3. La trahison de la critique sociale
    • Quel idéal social ?
    • La tentation léniniste
    • Le mythe de l’automatisation
    • Chantage à la démesure
  4. Introduction à la réappropriation
    • Le progressisme, voilà l’ennemi !
    • Espoir au passé
    • La liberté et l’autonomie par la subsistance
    • De la désertion à la dissidence
    • Politique de la dissidence
  5. La Réappropriation des sciences, des arts et des métiers
    • L’enquête critique
    • Les sciences
    • Les arts et métiers

Conclusion

 

RÉAPPROPRIATION
Jalons pour sortir de l’impasse industrielle
Bertrand Louart
168 pages – 15 euros
Éditions La Lenteur, Saint-Michel-de-Vax, mai 2022.

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Recension

L’histoire du capitalisme industriel est celle de la destruction de l’autonomie collective et individuelle. Bertrand Louart, menuisier-ébéniste dans le collectif autogéré de Longo maï, déconstruit « les illusions progressistes reposant sur la foi qu’une amélioration de la condition humaine résulte nécessairement des avancées scientifiques et techniques, du développement économique et industriel ». Il propose une perspective politique en défendant la voie d’une réappropriation des arts et métiers, d’une reprise en main de nos conditions d’existence, « pour sortir de l’impasse où nous enfonce la société capitaliste et industrielle ».

Constatant qu’aujourd’hui les mouvements sociaux comme les associations non-gouvernementales limitent leurs revendications à la recherche d’un compromis et à la demande d’une protection de la part de l’État, préservant ainsi le statu quo, il pointe l’impuissance à critiquer la société industrielle du fait de notre indépendance complète à celle-ci. Si le mouvement des Gilets jaunes a révélé l’absence d’une force sociale capable de résister à la modernisation, il a également mis en lumière qu’aucune délégation de pouvoir n’est capable de résoudre les problèmes réels et que les peuples doivent reprendre leur destin en main. « Il est nécessaire non seulement d’occuper le terrain, mais aussi de construire de quoi y demeurer ».

Bertrand Louart rappelle comment, avec l’avènement du capitalisme industriel, la subsistance de la société est passée des « mains collectives » des classes populaires aux « mains privées » d’une nouvelle classe dominante : la bourgeoisie commerçante, industrielle et financière, qui détient les moyens de production. S’il bénéficie de nouvelles libertés l’individu a perdu en autonomie. Les communs ont été, tout d’abord, clôturés, la propriété privée, au sens moderne, inventée. Ceci n’a pas été imposé sans résistance, émeutes et insurrections pour défendre ce que l’historien Edward P. Thompson a nommé « économie morale » : la nouvelle organisation dans les fabriques signifiait l’entrée dans un état de dépendance et l’obligation de se vendre pour devoir tout acheter.

« La promesse d’amélioration économique réalisée à marche forcée se fait au détriment de l’habitation populaire et au prix d’une dislocation de la vie sociale ».

À la connaissance empirique des matériaux, des techniques et des savoir-faire que les classes laborieuses mettaient en œuvre, a succédé la connaissance scientifique, en grande partie « héritière de la religion chrétienne », en ce qu’elle dévalorise tout autant la perception humaine.

« La méthode scientifique définit un rapport de domination avec la nature, dans la perspective d’en exploiter les ressources et potentialités, de s’approprier sa productivité et sa puissance. »

Les classes supérieures comprennent que grâce à la science moderne, « la puissance matérielle peut devenir un instrument de pouvoir politique ». Avec Les Lumières, connaissances scientifiques et techniques doivent apporter l’émancipation politique et sociale, sous une forme idéaliste et individuelle, indépendamment du contexte historique, culturel et social. L’usage des machines était limité depuis l’Antiquité, la main d’œuvre étant abondante. Sa diffusion au XIXe siècle a contribué à modeler l’ensemble de la société. Il fallut inculquer aux ouvriers la discipline du travail industriel, rythmée par le temps abstrait de l’horloge. Ceux-ci, habitués à la « culture du suffisant », furent poussés à l’endettement qui les contraignit à l’assiduité au travail.

L’historien suédois Andreas Malm a montré comment le charbon s’est imposé pour des considérations avant tout politiques : celui-ci pouvait être facilement transporté vers les villes où les entrepreneurs trouvaient plus facilement des travailleurs qu’à la campagne. « Le politologue britannique Timothy Mitchell analyse la transition énergétique vers le pétrole comme un moyen de saper le mouvement ouvrier et d’établir un ordre international favorable aux grandes puissances coloniales et industrielles. » Quant à l’industrie nucléaire, elle symbolise « le pouvoir de la technocratie sur la société. » Cet exposé historique est bien entendu plus développé et mériterait d’être retranscrit intégralement tant il fourmille d’informations et de réflexions. Par exemple, on apprend que, pendant près de 30 ans au début du XXe siècle, le canton des Grisons, suite à un référendum d’initiative populaire, interdit la voiture individuelle ! Nous ne pouvons malheureusement que rapporter quelques jalons et inciter vivement à une lecture intégrale.

L’auteur explique ensuite comment le développement des machines a privilégié « la puissance au détriment du rendement », comment les sociétés capitalistes et industrielles se sont orientées vers l’acquisition de plus de puissance plutôt que vers la subsistance.

« La guerre économique n’est d’ailleurs rien d’autre qu’une guerre contre la subsistance autonome, qui détruit et dévalorise tout ce qui permet de se passer de la marchandise et de l’argent. »

« À l’opposé de l’économie morale des sociétés de subsistance, qui redistribuaient l’abondance relative, l’économie politique du capitalisme repose sur la contrainte structurelle de la rareté engendrée par la dépossession de nos moyens de production et d’existence. »

La promesse que le progrès nous délivrera du labeur et de la douleur, est « un des ressorts de l’adhésion des exécutants et des dominés ».

De la même façon, Bertrand Louart retrace la généalogie de la critique du capitalisme, depuis les deux conceptions du socialisme : marxiste et productiviste, anarchiste et coopératif. Il dénonce les imaginaires de certains intellectuels contemporains, imprégnés d’industrialisme : le « léninisme écologique » d’Andreas Malm, la révolution planifiée d’en haut de Frédéric Lordon. Il soutient que « le pouvoir politique, c’est-à-dire l’appareil d’État, est dépendant de la puissance matérielle, économique et technologique, issue de l’industrie, et ne peut s’exercer que dans la direction de sa conservation et de son accroissement. »

La complexité des instruments et la spécialisation des savoirs nécessitent une division des tâches dont la démesure engendre « l’inconscience quant aux déterminations » et « l’irresponsabilité quant à leurs conséquences ». La société capitaliste et industrielle exerce un chantage à la démesure dans le sens où les problèmes qu’elle provoque devraient recevoir des « solutions globales », conçues et mises en œuvre par les États, les grandes entreprises, les scientifiques et les experts. Cependant, ceux-ci prônent plutôt l’adaptation et la fuite en avant par l’innovation technologique :

« Ces organisations ne peuvent pas s’en prendre à la racine des maux qu’elles prétendent combattre, car cela les amènerait inévitablement à s’en prendre aux fondements de “la liberté du commerce et de l’industrie” qui constituent la base de leur puissance matérielle et de leur pouvoir politique ; elles peuvent seulement aménager le désastre et gérer les nuisances. »

Bertrand Louart propose au contraire d’établir un véritable rapport de force en faveur d’un changement social profond et radical, en s’inspirant de la révolution anarchiste espagnole de 1936-1937 : pour sortir de l’impasse, l’émancipation sociale générale doit partir du terrain de la vie quotidienne.

Considérant que le progrès n’est que « la dynamique d’extension indéfinie du règne de l’argent, la colonisation de notre existence par les marchandises », qu’il est puissant car fonde sa dynamique sur notre participation volontaire ou contrainte, intégrant notre activité autonome en détruisant les conditions même de notre autonomie, il le désigne comme « le premier obstacle à une tentative d’analyse critique et d’émancipation ». Il défend et réhabilite les pratiques de subsistance, c’est-à-dire la capacité de « subvenir par soi-même autant que collectivement à ses propres besoins élémentaires, comme point de départ pour lutter contre l’envahissement de tous les aspects de la vie par les marchandises ».

« La dissidence doit s’organiser : conférer un contenu politique à ses diverses activités et, sur cette base, inviter tous ceux qui souhaitent déserter le monde tel qui ne va pas. » La réappropriation de la subsistance débute par le partage et la mutualisation des pratiques et des outils, la création d’un rapport de forces local, par l’occupation de lieux, la négociation de leur usage, l’expression publique de la volonté collective d’expérimenter autre chose. Par la réappropriation des sciences, des arts et des métiers, il compte favoriser la réunion des trois sphères de l’activité humaine, identifiées par Hannah Arendt : le travail de notre corps, l’œuvre de nos mains et l’action politique.

« Ce que les sociétés de subsistance faisaient spontanément du fait de leurs moyens limités, la démarche de réappropriation doit s’efforcer de le faire en conscience, non pour établir des seuils ou des limites à ne pas dépasser – comme le préconisent certains écologistes réactionnaires –, mais plutôt pour atteindre une sorte d’équilibre dynamique ou de “juste proportion“ susceptible de préserver la liberté de chacun et l’autonomie de tous. »

Là aussi l’analyse est infiniment plus complexe que ce que nous pouvons en rapporter.

Afin d’illustrer cet exposé théorique, l’auteur revient ensuite longuement sur son parcours, ses choix et ses pratiques. Destiné à des études scientifiques, il est très tôt ébranlé dans ses convictions par différentes lectures et rencontres, et va participer à la rédaction de brochures de critique sociale, la préparation et la réalisation d’actions de contestation, puis s’orienter vers la menuiserie et l’ébénisterie.

Bouffée d’espoir parmi l’avalanche de résignation, cette ouvrage précieux, publié par une des maisons d’édition les plus inspirantes du moment, contribuera assurément à nourrir des perspectives et motiver des bifurcations. Aussi dense et synthétique qu’indispensable !

L’auteur anime également l’émission technocritique Racine de Moins Un sur Radio Zinzine.

Ernest London, bibliothécaire-armurier,
sur le site Bibliothèque Fahrenheit, 26 août 2022.

 


Bonnes feuilles

La liberté et l’autonomie par la subsistance

Pour les progressistes les plus avancés, la liberté est la possibilité de faire tout et le contraire de tout sans avoir à reconnaître de limites ni à en subir les conséquences. Ils conçoivent de même l’autonomie comme la dépendance exclusive à l’impersonnelle machinerie technologique dans une vie hors-sol. Ils n’acceptent aucune limite ni valeur d’ordre humain sous prétexte que celles-ci sont des conventions sociales et seraient donc « arbitraires et subjectives » et servent en réalité à justifier le pouvoir d’un groupe sur un autre ou le maintien d’une domination archaïque. Ils acceptent pourtant avec pragmatisme de se soumettre aux injonctions de la machine et accueillent avec un froid détachement les diktats des experts, scientifiques et autres technologues, acceptant les contraintes techniques et économiques comme purement « rationnelles et objectives ». Ainsi, dans les grandes organisations, les entreprises, les administrations ou à l’éducation nationale, on vante de plus en plus l’ « autonomie » des salariés, des usagers ou des élèves, en désignant par là le fait que l’individu a si bien intériorisé les contraintes bureaucratiques et technocratiques qu’il s’y plie de sa propre initiative et sans rechigner.

Nous assistons à cette corruption du langage, qui donne aux mots un sens totalement opposé à ce qu’ils désignaient initialement, symptôme de la soumission, et plus encore de l’enfermement, d’une catégorie de personnel dans les structures hiérarchiques : non seulement ils n’imaginent plus qu’il puisse exister d’autres rapports sociaux, mais surtout ils œuvrent activement à ce qu’on en oublie même la possibilité [1]. Il nous faut donc préciser le sens des termes que nous employons afin de ne pas les laisser au service de la domination.

Nous défendons une tout autre idée de la liberté qui ne consiste pas en l’abolition de toutes les contraintes qui pèsent sur l’individu, et de l’autonomie qui ne réside pas dans la rupture de tous les liens de dépendance interpersonnels [2]. Les concevoir ainsi, c’est les confondre une fois encore avec la délivrance. Pour nous, liberté et autonomie s’ancrent dans la reconnaissance du fait qu’engagements et attachements sont les fondements de la vie sociale : non ceux qui sont imposés par une autorité extérieure et dominatrice, mais ceux que l’on se donne à soi-même en accord avec les autres, et autant que possible par une élaboration et une maîtrise conscientes. Émanciper ne signifie pas à nos yeux couper tous les liens, mais au contraire choisir ses relations et attacher mieux.

Nous voulons réaffirmer une conception de la liberté et de l’autonomie comme élaboration de la responsabilité dans le choix conscient de ses attachements et fidélité à ses engagements. Reconnaître des limites à l’activité humaine, individuelle ou collective, ne signifie pas renoncer à agir, mais implique d’imaginer de nouvelles formes d’association ou de coopération pour faire en sorte que l’organisation sociale ne tombe pas dans la démesure, c’est-à-dire amène la domination d’un groupe, la subordination des individus ou encore l’exploitation désastreuse des ressources naturelles.

L’autonomie désigne chez un individu la capacité morale de « se donner à soi-même ses propres règles de conduite », ou bien dans un sens plus politique, le fait qu’un pays, une province ou une ville peuvent édicter et faire appliquer leurs propres lois sur leur territoire. Tout en conservant ces différentes significations, nous y ajoutons une dimension matérielle : être autonome, c’est aussi être capable de subvenir à ses besoins par son activité propre, c’est être en capacité de produire sa propre subsistance, celle de son foyer, de ses proches et de la communauté à laquelle on appartient.

Cette idée est ancienne, mais l’indépendance matérielle, reposant sur la propriété de la terre et des outils de travail, était tellement courante autrefois que c’était surtout la suppression de cette indépendance qui était perçue comme une grave atteinte à la liberté de la personne.

« Lors de la Guerre de sécession aux États-Unis, un certain nombre d’abolitionnistes ont critiqué l’idée qu’il suffirait d’accorder la liberté juridique formelle aux esclaves : si on ne leur donnait pas les bases matérielles de la liberté, c’est-à-dire les moyens de subvenir à leurs besoins, ils seraient contraints de se vendre à leurs anciens propriétaires et la liberté promise ne serait qu’un leurre. Ces moyens matériels étaient à leurs yeux « 40 acres and a mule » – de la terre et une bête de somme pour la travailler, comme pour les Romains dans l’Antiquité. Pendant un premier temps, ce fut parfois accordé aux esclaves, mais finalement, ils durent racheter tout cela à leurs anciens propriétaires, et les noirs formellement affranchis n’eurent d’autre choix que d’endurer un nouveau siècle d’exploitation agraire et de ségrégation raciale dans les États du Sud, ou de migrer vers le Nord où les industriels les attendaient bras ouverts pour les exploiter comme salariés dans leurs usines… » [3]

Cet idéal d’autonomie fondé sur l’indépendance matérielle, avec ce qu’il implique en termes de critique du salariat, de valorisation de l’autoproduction, s’est largement émoussé aujourd’hui. Par exemple, pour s’affranchir de la tutelle de ses parents, il faut être indépendant d’eux au plan matériel, c’est-à-dire en fait au plan financier, par un salaire. Or, la manière dont nous pensons aujourd’hui nous « émanciper » de nos parents et acquérir une « autonomie » dans la société par le salariat, était considérée autrefois pour ce qu’elle est en réalité, une forme d’asservissement à un patron et de dépendance à la marchandise.

Les deux manières de concevoir la liberté et l’autonomie sont en conflit ouvert. En effet, les formes les plus modernes de domination – impersonnelles et structurelles – reposent sur la « guerre à la subsistance » [4], la destruction des bases matérielles et sociales d’une véritable indépendance.

Ce conflit s’était déjà matérialisé au temps des enclosures dont il est question en début d’ouvrage. Ainsi, les poor laws, les lois d’assistance aux indigents, avaient pour but d’empêcher les paysans expropriés de mourir de faim en obligeant leur paroisse à leur fournir du pain, du travail et (à partir de 1795) un complément de salaire en cas de chômage. Ces lois reconnaissaient une sorte de « droit à l’existence » à chacun en instaurant ce que l’on appellerait aujourd’hui un « revenu de base ». Mais ce n’était que la traduction bureaucratique du principe premier de l’économie morale des communautés que le mouvement des enclosures était en train de détruire au même moment. Ce que l’organisation de la communauté réalisait spontanément par solidarité entre ses membres, est remplacé par un « droit » garanti par l’État et appliqué par ses institutions avec l’aide de la marchandise ; avec toutes les humiliations et l’arbitraire qu’implique un rapport de dépendance complète de l’individu seul face à la « puissance publique » [5]. Ainsi, même les intentions les plus charitables et les sentiments les plus généreux en apparence peuvent participer à renforcer et étendre la dépossession.

Dans un document officiel de 1607, à l’usage des Lords du royaume, la philosophie présidant à ces poor laws est résumée ainsi :

« L’homme pauvre sera satisfait dans son but : l’Habitation ; et le gentilhomme ne sera pas entravé dans son désir : l’Amélioration. » [6]

Autant essayer de concilier la chèvre et le chou, ou encore le loup et l’agneau ! Car le mouvement des enclosures va se développer en Angleterre, et ce que l’on appelait au XVIIe siècle « l’amélioration » est devenu aujourd’hui le progrès, la dynamique de l’économie capitaliste et industrielle.

Ce progrès se réalise toujours depuis au détriment de « l’habitation », c’est-à-dire le fait de vivre dans un pays, une contrée, sur un bout de terre dont on tire les ressources de son existence et sa subsistance, que l’on cultive et aménage à sa convenance, où l’on trouve des habitants, des compagnons et des complices qui en font autant. Ou dans une ville, dans un quartier, où l’on partage la vie et les activités avec ceux vivant alentour. Bref, l’habitation consiste à construire un monde qui soit le nôtre ; ce qui reste la manière la plus sûre d’apporter d’une réelle amélioration de la condition humaine.

Aujourd’hui, partout le progrès entrave l’habitation, transforme le monde en un monde pour les machines et leurs flux incessants de marchandises qui emportent tout et ne laissent rien en repos. Il construit des non-lieux, il aménage pour faciliter la circulation, il perfectionne pour encourager l’innovation. Il bouleverse tout pour que rien n’arrête son mouvement. Il n’est jusqu’au climat qui ne soit pas chamboulé, rendant encore plus incertaine et difficile notre habitation, le rapport avec la nature qui nous entoure. Comment, dans ces conditions où le changement est permanent et où plus rien n’est stable pourrait-il sortir une amélioration durable de notre condition ? Comment construire sur des sables mouvants ?

Le désir d’habitation n’a pas totalement disparu. En effet, si tant de gens vont prendre des vacances dans des pays exotiques, ou visitent les centres anciens des grandes villes, c’est bien parce que là subsistent encore quelques traces de l’ancienne manière d’être au monde. Alors que partout alentour se multiplient les non-lieux : les mêmes supermarchés, les pavillons de banlieue identiques, les tours de bureau semblables, les zones industrielles toutes aussi sinistres, les élevages intensifs et les champs remplis de clones, etc. Le touriste fuit ces lieux de sa morne existence quotidienne pour aller un moment se faire prendre en photo dans ce qui subsiste de lieux habités. Ce faisant il participe à en chasser les habitants et à transformer leurs antiques demeures en décor. Voyez ce qu’est devenue Venise, par exemple.

Les véritables améliorations ne peuvent aujourd’hui venir que du renouveau de l’habitation et de la subsistance contre le déracinement qu’engendre partout le progrès par l’innovation et la marchandise.

« Pour les savants écologues, la Terre devient inhabitable à force de pollutions. Pour nous, c’est d’abord à force de n’être pas habitée. Tout le reste en découle. » [7]

*

Aussi, par subsistance nous n’entendons pas seulement « ce qui sert à assurer l’existence matérielle », mais plus largement le fait de subvenir par soi-même autant que collectivement à ses propres besoins, c’est-à-dire toute production réalisée d’abord et avant tout dans le but de satisfaire des besoins élémentaires et immédiats pour soi-même, ses proches et ses connaissances élargies. Une production directement utile à la vie quotidienne et non une marchandise faite avant tout pour être vendue et rapporter de l’argent.

La subsistance ne tombe pas du Ciel, mais est produite sur Terre, c’est-à-dire à partir des ressources propres à un territoire, entretenues et utilisées en commun par leurs habitants. Il n’y a pas de subsistance sans habitation, ni de communs sans communauté vivant sur un territoire [8].

La subsistance est associée d’abord à la nourriture, mais on peut parfaitement y englober les objets, les outils et autres constructions ou services qui permettent de contourner le recours à la marchandise et au « monopole radical » des professionnels, d’atténuer la dépendance à l’argent et la soumission au salariat, et qui rendent la vie plus digne d’être vécue du fait des relations sociales qu’elle encourage (don, entraide, solidarité, amitié, et autres formes de réciprocité). Nous avons bien conscience de défendre une perspective qui dans l’imaginaire progressiste est totalement dévalorisée :

« La notion de “subsistance” est habituellement associée à la pauvreté et à l’arriération. Cependant, nous voulons montrer que la subsistance ne signifie pas seulement travailler dur et vivre aux limites de l’existence, mais aussi la joie de vivre, le bonheur et l’abondance. Une telle redéfinition de la subsistance demande que les gens, et en particulier les femmes, cessent de se dévaloriser eux-mêmes – leur propre travail, leur propre culture, leurs propres capacités – et arrêtent d’attendre que la bonne vie leur soit offerte par ceux “d’en haut”. Cette dévalorisation de soi est bien sûr une conséquence d’une colonisation et d’une dégradation forcées. Mais elle a été intériorisée par tous les peuples colonisés y compris les femmes. Cette dévalorisation est ensuite entretenue par l’illusion de ce que nous appelons “rattrapage par le développement” et le “rattrapage par la consommation” : c’est la promesse que finalement tous les colonisés au bas de la pyramide sociale atteindront le niveau de ceux qui sont au sommet. Dans ce livre nous voulons montrer que de plus en plus de gens rejettent ce modèle. » [9]

En effet, partout les activités de subsistance sont en concurrence avec les marchandises produites par les machines et vendues à des prix dérisoires. Les paysans et artisans des pays dits « en voie de développement » gagnent trop peu avec leur production et doivent se contenter d’un outillage rudimentaire. De plus, comme l’a bien analysé Ivan Illich [10], les écoles et les universités forment des consommateurs et des travailleurs avant tout soucieux de s’intégrer à l’économie marchande et réclament en conséquence les biens, services et moyens de production les plus modernes. Ce qui contribue à dévaloriser les activités de subsistance et à démunir d’autant plus ceux qui les pratiquent encore.

En dépit de cette situation très défavorable, il nous semble nécessaire de défendre et réhabiliter les pratiques de subsistance comme point de départ pour lutter contre l’envahissement de tous les aspects de la vie par les marchandises. C’est la conclusion à laquelle ont abouti les écoféministes allemandes Veronika Bennholdt-Thomsen, Maria Mies et Claudia von Werlhof[11] dans les années 1980-90 à la suite de leurs rencontres et discussions avec des femmes des pays dits du « Tiers-monde » :

« [La subsistance] est ce qui exprime le plus complètement tout ce que nous attendons d’une alternative sociale : la liberté, le bonheur, l’autodétermination dans les limites de la nécessité – pas dans un autre monde mais dans celui-ci ; ensuite la persistance, la vigueur, la volonté de résister, la vision par en bas, un monde d’abondance pour tous. La notion d’autoproduction est, à notre avis, beaucoup trop limitative parce qu’elle se réfère uniquement à la dimension économique. La “subsistance” renferme des concepts comme “l’économie morale”, un nouveau mode de vie sous tous ses aspects : économie, culture, société, politique, langage, etc., des aspects qui ne peuvent plus être dissociés. » [12]

La subsistance ne se réduit donc pas à la seule « économie de subsistance », à une forme de production matérielle à petite échelle, mais bien plus généralement au fait de prendre en main individuellement autant que collectivement sa propre existence. C’est l’idée que Veronika Bennholdt-Thomsen et Maria Mies désignent sous l’expression perspective de subsistance. Il ne s’agit donc pas de défendre la subsistance telle qu’elle existe, c’est-à-dire avant tout comme travail fantôme pour les économies des pays dits « en voie de développement », mais bien de la soutenir et de l’enrichir en lui donnant une dimension politique, afin d’en faire une pratique de lutte et de résistance contre la marchandisation et la normalisation industrielle de la vie.

« La production de subsistance ou production de la vie inclut tout travail servant à la création, la recréation et à l’entretien direct de la vie et qui n’a pas d’autre objectif. C’est pourquoi la production de subsistance est contraire à la production de marchandises et de plus-value. La production de subsistance aspire à la « vie », la production de marchandises à l’argent qui produit toujours plus d’argent, ou l’accumulation du capital. Pour ce genre de production la vie est en quelque sorte un effet secondaire de pure coïncidence. » [13]

Dans les pays dits « en voie de développement », c’est déjà la défense de la perspective de subsistance qui mobilise les communautés indigènes contre les projets d’extractivisme [14] ou d’aménagement du territoire – qu’ils soient publics ou privés, ils sont toujours accompagnés de policiers corrompus, de milices paramilitaires et de bandes mafieuses – qui menacent directement leur mode d’existence et remettent radicalement en cause leur rapport au monde. Que ce soit contre l’implantation d’éoliennes industrielles dans l’isthme de Tehuantepec au Mexique [15] ou contre les Black law qui visent à libéraliser les marchés agricoles en Inde[16], il s’agit pour ces communautés d’une question de vie ou de mort puisqu’elles savent qu’elles ne survivront pas au déracinement que leur promet le progrès.

À l’inverse, dans un pays dit « développé » comme la France, où le salariat et la marchandise se sont substitués depuis longtemps à la subsistance, cette dernière décennie, l’occupation des terres promises à des grands projets industriels, que ce soit contre l’aéroport de Notre-Dame des Landes, contre le parc de loisir de Center Parcs à Roybon, contre le site d’enfouissement des déchets nucléaires à Bure et encore bien d’autres, a fait découvrir aux occupants et à leurs sympathisants l’importance de la subsistance et de l’habitation afin de pérenniser l’occupation et d’ancrer les luttes sur le territoire.

 

Bertrand Louart
Radio Zinzine
04 300 Limans

Menuisier-ébéniste dans le collectif
autogéré Longo maï à Limans.

Animateur de l’émission
Racine de Moins Un
sur les ondes de Radio Zinzine.

Rédacteur de la revue
Notes & Morceaux choisis,
bulletin critique des sciences des technologies et de la société industrielle
avec les éditions La Lenteur (13 numéros parus).

 

Auteur de :

Les êtres vivants ne sont pas des machines,
La Lenteur, février 2018
(312 pages, 16 euros).

Réappropriation.
Jalons pour sortir de l’impasse industrielle,

La Lenteur, mai 2022
(176 pages, 15 euros).

 


[1] Jaime Semprun, Défense et illustration de la novlangue française, Paris, éditions de l’Encyclopédie des Nuisances, 2005.

[2] Ce serait là plutôt une définition de l’autarcie, le fait de « se suffire à soi-même ».

[3] Aurélien Berlan, Autonomie et délivrance, repenser l’émancipation à l’ère des dominations impersonnelles, février 2014. Voir également du même auteur Terre et liberté, la quête d’autonomie contre le fantasme de délivrance, La Lenteur, 2021, qui développe des thèmes ici abordés succinctement.

[4] Ivan Illich, Le Travail fantôme, Paris, Seuil, 1981.

[5] C’est là un aspect particulièrement négligé des promoteurs du « revenu d’existence » ou « revenu de base », qui semblent oublier que l’État n’offre jamais rien sans contrepartie.

[6] Cité par Karl Polanyi, La Grande transformation [1944], Paris, Gallimard, 1983, p. 61.

[7] Jaime Semprun, Pour un numéro 16 de l’Encyclopédie des Nuisances, env. 1992 (archives personnelles).

[8] Voir “Bref exposé de la notion de territoire et de ses implications”, in Collectif, La Lampe hors de l’horloge, éléments de critique anti-industrielle, Villasavary, éditions de la Roue, 2014.

[9] Veronika Bennholdt-Thomsen & Maria Mies, La Subsistance. Une perspective écoféministe [2000], Saint-Michel-de-Vax, La Lenteur, octobre 2022..

[10] Ivan Illich, Une société sans école, Paris, Seuil, 1971.

[11] Voir également, Maria Mies & Vandana Shiva, Écoféminisme [1993], ch. 19, Paris, L’Harmattan, 2017.

[12] Veronika Bennholdt-Thomsen & Maria Mies, La Subsistance…, op. cit.

[13] Ibidem.

[14] Anna Bednik, Extractivisme. Exploitation industrielle de la nature : logiques, conséquences, résistances, Vierzon, Le Passager Clandestin, 2016.

[15] Alèssi Dell’Umbria, Istmeño, le vent de la révolte. Chronique d’une lutte indigène contre l’industrie éolienne, Mas d’Azil-Toulouse, Les éditions du bout de la ville-CMDE, 2018.

[16] En septembre 2020, le premier ministre indien Narendra Modi, fait voter trois lois qui visent à libéraliser le marché des denrées alimentaires. Depuis lors, de nombreux paysans indiens sont mobilisés contre ces lois et ont mobilisés a leurs côtés ouvriers, travailleurs précaires et étudiants contre la politique ultralibérale que le gouvernement tente d’imposer dans tous les secteurs de la société. Voir Bertrand Louart, « Inde : un soulèvement paysan », Archipel, Journal du Forum Civique Européen n°304, juin 2021.

Fabian Scheidler, L’ombre de l’hydre, 2020

pandémies, crise de la biosphère
et limites de l’expansion

La crise du coronavirus a révélé une ambivalence fondamentale de notre civilisation : tandis que tous les moyens ou presque sont bons pour endiguer le Covid-19 – même une paralysie temporaire de l’économie –, les gouvernements n’ont en quarante ans presque rien fait pour désamorcer la crise climatique. Il aurait fallu pour cela remettre en question l’expansion et l’accumulation sans fin. Nous voilà donc face à un moment charnière : à quand la fin de la mégamachine ?

 

Une dizaine d’années seulement après le krach financier de 2008-2009, la crise du coronavirus a de nouveau violemment ébranlé l’économie globale. Bien que ces deux crises aient des causes très différentes, elles ont pourtant en commun de mettre en lumière la vulnérabilité et l’instabilité croissante de l’ordre mondial actuel. Un aspect de cette perturbation n’a pas encore suscité l’attention qu’il mérite : le lien entre les pandémies et la destruction de la biosphère, qui progresse à toute vitesse. Lire la suite »

Remise des diplômes AgroParisTech, Appel à déserter, 2022

Huit jeunes ingénieur.es d’AgroParisTech ont appelé leurs camarades de promotion à déserter de leurs « jobs destructeurs » et à ouvrir « d’autre voies », lors de leur cérémonie de remise de diplôme, le 30 avril. Nous publions leur déclaration.

Les diplômé.es de 2022 sont aujourd’hui réuni.es une dernière fois après trois ou quatre années à AgroParisTech. Nous sommes plusieurs à ne pas vouloir faire mine d’être fières et méritantes d’obtenir ce diplôme à l’issue d’une formation qui pousse globalement à participer aux ravages sociaux et écologiques en cours. Nous ne nous considérons pas comme les « Talents d’une planète soutenable » [nouvelle devise d’AgroParisTech].

Nous ne voyons pas les ravages écologiques et sociaux comme des « enjeux » ou des « défis » auxquels nous devrions trouver des « solutions » en tant qu’ingénieures. Nous ne croyons pas que nous avons besoin de « toutes les agricultures ». Nous voyons plutôt que l’agro-industrie mène une guerre au vivant et à la paysannerie partout sur terre. Nous ne voyons pas les sciences et techniques comme neutres et apolitiques. Nous pensons que l’innovation technologique ou les start-up ne sauveront rien d’autre que le capitalisme. Nous ne croyons ni au développement durable, ni à la croissance verte. Ni à la « transition écologique », une expression qui sous-entend que la société pourra devenir soutenable sans qu’on se débarrasse de l’ordre social dominant.Lire la suite »

Geneviève Pruvost, Penser et vivre depuis les maisonnées, 2021

Changer d’échelle

Lors des rencontres Reprises de terres, qui ont eu lieu sur la Zad de Notre-Dame-des-Landes en août 2021, la sociologue Geneviève Pruvost a proposé une intervention nourrissant les discussions et les réflexions entamées lors de cette semaine de rencontres. Ce texte, qui fait écho à la parution de son ouvrage Quotidien politique. Féminisme, écologie et subsistance (La Découverte, 2021) est la trace écrite et légèrement remaniée de son intervention estivale.

 

Qui travaille sans parvenir à toucher le SMIC, ne compte pas ses heures, même si la reconnaissance n’est pas au rendez-vous et ne peut faire autrement que de faire ce qu’il y a à faire, parfois le couteau sous la gorge, sinon personne ne mange ? Une première réponse à cette énigme pourrait être : les paysans. Mais cela pourrait tout aussi bien désigner les femmes, assignées au travail domestique. Paysans, paysannes, travailleurs, travailleuses de l’ombre dans les foyers, même combat ? Lire la suite »

Radio: Renaud Garcia, Anti-industrialisme ou anticapitalisme ?, 2020

Renaud Garcia, professeur de philosophie dans un lycée à Marseille, fait un exposé dans le cadre des rencontres du groupe Ecran Total qui entend résister à la gestion et à l’informatisation de nos vies, en octobre 2020.

L’anticapitalisme ou la critique du capitalisme, sous les formes de la dénonciation du profit, des marchés, de la finance et des banques, aussi légitime soit-elle, peut ne jamais toucher au cœur de la dépossession universelle qui s’étend depuis plus de deux siècles, à savoir le mode de vie fondé sur le salariat et l’industrie qui permet la production en masse des marchandises.

Il est donc nécessaire d’élargir la critique sociale, en lui adjoignant une critique culturelle des grandes organisations, du machinisme et de la représentation scientifique du monde.

Le document PDF adjoint à l’émission sur le site Archive.org contient le texte de l’intervention de Renaud Garcia, un glossaire de la WertKritik et quelques argument pour une critique de la WertKritik (24 pages au format A5). Vous trouverez ces documents ci-dessous.

 

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Racine de moins un
Une émission
de critique des sciences, des technologies
et de la société industrielle.

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Émission Racine de Moins Un n°71,
diffusée sur Radio Zinzine en décembre 2021.

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Radio Zinzine
2021: 40 ans de Radio Zinzine

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