Ruth Schwartz Cowan, La révolution industrielle, la femme et l’économie domestique, 1976

La “révolution industrielle” dans les foyers,
Technologie ménagère et changements sociaux au XXe siècle

Lorsque l’on songe à l’influence que la technologie et la société ont réciproquement exercé l’une sur l’autre, l’on a tendance à penser en termes grandioses : énormes ordinateurs envahissant les lieux de travail, lignes de chemin de fer traversant des immensités désertiques, armées de femmes et d’enfants peinant à l’usine. Ces visions nous ont empêchés de percevoir une révolution technologique assez particulière qui se déroulait sous notre nez, celle qui a eu lieu dans la maison et qui a transformé notre vie de tous les jours d’une manière quelque peu inattendue. L’industrialisation de la maison s’est déroulée selon un processus très différent de celui des autres moyens de production et son impact n’a été ni celui que l’on a voulu nous faire croire ni celui que les historiens des autres révolutions industrielles auraient eu tendance à prédire. Lire la suite »

Ruth Schwartz-Cowan, The “Industrial Revolution” in the Home, 1976

Household Technology and Social Change in the Twentieth Century

When we think about the interaction between technology and society, we tend to think in fairly grandiose terms: massive computers invading the workplace, railroad tracks cutting through vast wildernesses, armies of women and children toiling in the mills. These grand visions have blinded us to an important and rather peculiar technological revolution which has been going on right under our noses: the technological revolution in the home. This revolution has transformed the conduct of our daily lives, but in somewhat unexpected ways. The industrialization of the home was a process very different from the industrialization of other means of production, and the impact of that Process was neither what we have been led to believe it was nor what students of the other industrial revolutions would have been led to predict. Lire la suite »

Robert Beck, Apogée et déclin de la Saint Lundi dans la France du XIXe siècle, 2004

Résumé

Durant une grande moitié du XIXe siècle, la coutume de chômer le lundi, appelée la Saint Lundi, prend une nouvelle extension en France dans le cadre de la première industrialisation. Cette coutume qui existe surtout dans l’industrie à caractère artisanal, change alors de caractère : suite au développement du travail du dimanche, le lundi chômé devient un temps autonome qui sert aussi progressivement aux activités politiques et syndicales. C’est cette dernière circonstance qui vaut à cette coutume, désapprouvée depuis des siècles, les foudres des élites religieuses, économiques, moralistes et philanthropes. En lui opposant les vertus du travail, de la famille, de la sobriété et de l’épargne, celles-ci vont la combattre énergiquement, surtout après la Commune. Mais la quasi-disparition de la Saint Lundi vers la fin du XIXe siècle s’explique aussi par la désaffection d’une grande partie de la classe ouvrière pour cette coutume dorénavant mal famée. Elle lui préfère le repos du dimanche, jour de famille, de loisirs et, désormais, d’activités politiques et syndicales.Lire la suite »

Gaspard Pagès et Catherine Verna, L’invention de l’industrie antique et médiévale, 2022

Résumé

Le concept d’industrie a longtemps été rejeté par les historiens et les archéologues de l’Antiquité et du Moyen Âge qui lui préféraient celui d’artisanat. Plutôt que de dresser les deux concepts l’un contre l’autre, cet article propose de les distinguer pour les combiner et les penser ensemble dans un cadre conceptuel enrichi. Ainsi, il propose une présentation de la construction historique de l’industrie antique et médiévale à partir de quelques dossiers exemplaires, pointe les évolutions et les acquis et distingue les points communs et les différences entre les deux périodes. Lire la suite »

Jean-Baptiste Fressoz, ¿Un mundo sin transición?, 2024

En su nuevo libro, Sin transición. Una nueva historia de la energía, el historiador Jean-Baptiste Fressoz examina los discursos contemporáneos sobre la « transición energética ». En su opinión, se alimentan de relatos históricos fraudulentos sobre supuestas transiciones pasadas. Al sacar a la luz la acumulación de fuentes de energía a lo largo de la historia, su interdependencia y simbiosis, y la fabricación de relatos sobre la transición, nos invita a deshacernos de un concepto que considera ineficaz. Nos entrevistamos con él.

Griffaton & Mandard: Una de las tesis centrales de tu libro es el desafío a una visión fasista de la historia de la energía y los materiales como una sucesión de épocas materiales distintas (una visión fasista cuya genealogía intelectual propones en el capítulo 2). Esta visión fasista no es simplemente de sentido común, sino que también puede encontrarse en las obras de los principales historiadores del medio ambiente. ¿Podría repasar el tipo de narrativa que proponen este tipo de obras, el uso del término « transición » al que recurren y los fenómenos que nos impiden ver? Lire la suite »

Jean-Baptiste Fressoz, Un monde sans transition ?, 2024

Dans son nouvel ouvrage, Sans transition. Une nouvelle histoire de l’énergie, l’historien Jean-Baptiste Fressoz revient sur les discours contemporains de la « transition énergétique ». Pour lui, ils sont nourris de récits historiques frauduleux sur de supposées transitions passées. En mettant au jour l’empilement des sources d’énergie dans l’histoire, leurs interdépendances ou leurs symbioses et la fabrique des récits de la transition, il nous invite à nous débarrasser d’un concept qu’il juge inopérant. Nous l’avons rencontré.

Griffaton & Mandard : L’une des thèses centrales de votre ouvrage est la mise en cause d’une vision phasiste de l’histoire de l’énergie et des matières en tant que succession d’époques matérielles distinctes (vision phasiste dont vous proposez une généalogie intellectuelle dans le chapitre 2). Or cette vision phasiste ne relève pas simplement du sens commun, mais se retrouve également dans des ouvrages d’auteurs majeurs de l’histoire environnementale. Pouvez-vous revenir sur le genre de récit que propose ce type d’ouvrage, l’usage du terme de transition qu’il mobilise, et sur les phénomènes qu’il empêche de voir ?
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Guy Lacroix, Cybernétique et société, 1993

Norbert Wiener ou les déboires d’une pensée [pseudo-]subversive

Dans son dernier ouvrage L’utopie de la communication [1], Philippe Breton affirme que nous sommes soumis aujourd’hui à une nouvelle utopie, celle de la communication, qui s’appuie sur la promotion d’un homme « sans intérieur », réduit à sa seule image, dans une société rendue elle même « transparente » par la grâce de la communication. Si la communication a pris autant de place dans nos sociétés, ce n’est pas seulement à cause de la prolifération des machines à communiquer, mais parce que, pour Breton, cette communication a été théorisée dès la fin de la Seconde guerre mondiale par le mathématicien Norbert Wiener (1894-1964).

Le père de la cybernétique serait le promoteur d’une utopie de la transparence qui inspirerait ce que notre société actuelle a de plus réducteur. Non pas qu’il ait été mal intentionné, il aurait au contraire conçu son utopie de la communication « comme une arme absolue contre le retour de la barbarie », estimant naïvement que « la communication effacerait le secret, qui seul rendit possible le génocide nazi, Hiroshima et le Goulag ». Ce rêve généreux aurait des effets pervers dont Breton énonce les principaux traits : apologie systématique du consensus, identification de l’information médiatique à la connaissance des faits et une vision du futur étroitement déterminée par les nouvelles technologies. Lire la suite »

Radio: Anatole Lucet, Communauté et révolution chez Gustav Landauer, 2024

Enseignant en philosophie, Anatole Lucet nous présente la vie et les idées du révolutionnaire socialiste et anarchiste Gustav Landauer (1870-1919), considéré en son temps par la police de l’Empire allemand comme « l’agitateur le plus important du mouvement révolutionnaire radical ».

Très critique vis-à-vis des marxistes et du Parti social-démocrate allemand, alors le plus puissant parti ouvrier d’Europe, Landauer pense que l’avènement de la société socialiste ne viendra pas de l’effondrement du système capitaliste « sous l’effet de ses propres contradictions ». L’idéal social doit au contraire être réalisé ici et maintenant dans des coopératives et des communautés, par des individus qui s’efforcent de s’extraire des habitudes induites par la colonisation de la vie quotidienne par la marchandise et l’argent. Pour lui, la révolution n’est pas dans la prise du pouvoir de l’État, mais bien dans cette préparation / élaboration d’une société libre.

 

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Communauté et révolution chez Gustav Landauer

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Racine de moins un
Une émission
de critique des sciences, des technologies
et de la société industrielle.

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Émission Racine de Moins Un n°90,
diffusée sur Radio Zinzine en février 2024. Lire la suite »

Gustav Landauer, Sur la révolution mexicaine, 1911

Les deux articles de l’anarchiste allemand Gustav Landauer (1870-1919) traduits ci-dessous et consacrés à la révolution mexicaine parurent dans son journal Der Sozialist. Ils permettent de saisir sur un exemple concret comment Landauer se rapportait aux événements révolutionnaires, mais aussi quelle peut être l’actualité de sa pensée.

Le premier de ces deux articles, paru 15 septembre 1911 (« Aus Mexiko »), est l’occasion pour lui de dénoncer l’absence d’intérêt et de soutien des réformateurs et des sociaux-démocrates de son temps en faveur de la révolution mexicaine – les uns parce que leur apolitisme les conduit à se soustraire à toute lutte, les autres parce que leur foi politique les conduit à considérer cette lutte comme prématurée.

Dans le second article, paru le 10 août 1914 (« Mexiko »), Landauer se demande comment la participation des anarchistes à des événements révolutionnaires peut s’articuler à la révolution sociale à laquelle ils aspirent, ce qui lui permet de réaffirmer que la révolution se fait ici et maintenant, dans les commencements mêmes qui la préparent.

Jean-Christophe AngautLire la suite »