Marc Badal, Petits mondes paysans, 2013

La vie des paysans n’a jamais été facile. S’en sortir constituait déjà en soi un objectif ambitieux quand les moyens étaient si limités. Le travail envahissait tout et son résultat dépendait trop de facteurs qu’ils ne pouvaient contrôler, comme les intempéries météorologiques et sociales.

Ils n’avaient pas d’autre choix que d’être bons dans leur domaine. Serrer les dents n’était pas suffisant. Ils devaient se montrer très attentifs et être ensuite capables d’exécuter la tâche avec maestria. Et les disciplines composant leur art étaient nombreuses. Agriculture, élevage, sylviculture, maçonnerie, menuiserie, taille de pierre, couture, médecine vétérinaire, conserves alimentaires, etc. Il n’était pas nécessaire d’être le meilleur dans tous ces domaines, mais il fallait tenter de l’être. Lire la suite »

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Marc Badal, Los pequeños mundos campesinos, 2013

La vida de los campesinos nunca fue fácil. Salir adelante constituía de por sí un ambicioso propósito cuando los medios eran tan escasos. El trabajo era desbordante y su resultado dependía en exceso de factores que no podían controlar. Las inclemencias meteorológicas y sociales.

No quedaba otro remedio que ser buenos en lo que hacían. Apretar los dientes no era suficiente. Tenían que estar muy atentos y luego ser capaces de ejecutar la obra con maestría. Y no eran pocas las disciplinas de su arte. Agricultura, ganadería, silvicultura, albañilería, carpintería, cantería, costura, veterinaria, conservas alimentarias… No era necesario ser el mejor en todo, pero sí intentarlo. Lire la suite »

Jérôme Baschet, L’inacceptable inacceptable, 2021

De(s)générations : Tu parles de la nécessité, entre autres dans Défaire la tyrannie du présent [1], de se « débarrasser » des mythologies progressistes. Tu mets en question un paradigme progressiste révolutionnaire qui serait celui du Grand Soir ou, comme le nomme Frédéric Lordon, le « point L » (comme Lénine). Pourtant, si je t’ai bien lu, il ne me semble pas que tu sois totalement opposé à l’événement révolutionnaire car tu apportes une nuance dans Basculements :

« Il faudrait plutôt concevoir un processus qui commence dès maintenant, sans pour autant exclure des épisodes d’intensification de l’affrontement avec le monde de l’économie. » [2]

Tu critiques la stratégie du Grand Soir tout en proposant d’autres notions qui n’excluent pas fondamentalement celle-ci. Pourrais-tu ici revenir sur la manière dont ces deux tendances pourraient s’articuler de manière fructueuse ? Y a-t-il réellement incompatibilité ? Ces deux stratégies ne peuvent-elles pas exister comme deux régimes de temporalité concomitants ?

Jérôme Baschet : J’aimerais tenter d’écarter un possible malentendu. Je fais en effet la critique de l’imaginaire du Grand Soir, tel que Frédéric Lordon l’a récemment revendiqué. Mais l’hypothèse stratégique proposée dans Basculements – et, précédemment, dans Une juste colère [3] – n’exclut pas du tout une dynamique de soulèvements et d’affrontements avec le monde de l’Économie et les forces qui le défendent. Plus précisément, et je vais y revenir, cette hypothèse stratégique repose sur la combinaison entre la multiplication de ce que j’appelle des espaces libérés et une intensification des dynamiques de blocage dans toutes les dimensions que ce terme peut recouvrir, jusqu’à la propagation de soulèvements populaires, ainsi qu’on l’a vu avec les Gilets jaunes et la séquence insurrectionnelle planétaire de l’année 2019. Lire la suite »

Radio: Écoféminisme et résistance à Lyon, 2022

Cette conférence s’adresse aux femmes en cheminement, aux curieuses, aux écofeministes en herbe, à toutes celles qui en ont marre de faire leur lessive maison et qui sont à la recherche d’outils théoriques et stratégiques.

De la naissance de l’agriculture jusqu’à la civilisation industrielle, l’analyse radicale des différentes représentations de la femme et de la nature et la dégradation de leurs conditions matérielles, permet de poser le principe fondateur du mouvement : la destruction de la nature et l’exploitation des femmes sont intrinsèquement liées.

Pourtant, face aux enjeux actuels du féminisme et de l’écologie, il apparaît comme la clef de voûte d’une véritable culture et stratégie de résistance.

Cette conférence a été organisée par Deep Green Resistance France et Floraisons, le 19 novembre 2022, à Lyon.

Une émission en trois épisodes d’environ une heure.

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Racine de moins un
Une émission
de critique des sciences, des technologies
et de la société industrielle.

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Émission Racine de Moins Un n°81,
diffusée sur Radio Zinzine en décembre 2022. Lire la suite »

Editions de la Roue, De la démocratie villageoise à la démocratie directe, 2014

« Nous les pouvons donc bien appeler barbares,
eu égard aux règles de la raison,
mais non pas eu égard à nous,
qui les surpassons en toute sorte de barbarie. »

Michel de Montaigne, Essais.

Nous n’avons pas la prétention d’établir une généalogie de la liberté, ni de faire de celle-ci un absolu, un invariant dans l’histoire : le combat pour la liberté est forcément modifié par les conditions matérielles comme par l’organisation politique de son développement, de sa captation ou de sa répression. Nous cherchons à ramener dans le présent les éléments universels constitutifs du fil jamais rompu de toutes les tentatives d’organisation directe de l’existence. Lire la suite »

Veronika Bennholdt-Thomsen et Maria Mies, La Subsistance, une perspective écoféministe, 2022

Avant-propos à l’édition française

 

La première édition allemande de La Subsistance. Une perspective écoféministe a été publiée en 1997 [sous le titre Eine Kuh für Hillary. Die Subsistenzperspektive], la version anglaise, en 1999 [sous le titre The Subsistence Perspective. Beyond the Globalised Economy], et l’édition française, basée sur l’édition anglaise, paraît aujourd’hui, en 2022. D’une certaine manière, ce livre est désormais un document historique.

Il est l’expression d’une orientation théorique majeure du mouvement féministe allemand à ses débuts, au milieu des années 1970. Nos préoccupations féministes étaient alors étroitement liées à celles du mouvement tiers-mondiste, comme on disait à l’époque pour désigner l’anti-impérialisme. Au cœur de cette réflexion, il y avait la question de savoir à quoi pourrait ressembler une autre économie, permettant aux êtres humains, aux hommes comme aux femmes, d’ici et d’ailleurs, de mener une vie bonne, une vie libre, et de pouvoir à nouveau gérer l’oikonomia (l’économie domestique) au quotidien comme ils l’entendent, en subvenant à leurs propres besoins. Lire la suite »

Geneviève Pruvost, Vivre et travailler autrement, 2013

Résumé

Travailler dur
et penser mou…

Cet article se fonde sur une soixantaine de récits de vie ayant pour thème « vivre et travailler autrement », autrement dit les « alternatives écologiques au quotidien ». Les entretiens révèlent qu’emprunter les chemins de traverse permettant de vivre de telles alternatives en zone rurale relève de tâtonnements et d’une conquête perpétuelle, très réfléchie, que l’on soit ou non issu d’une famille déjà engagée dans cette démarche ou vivant à la campagne. À rebours de l’utopie communautaire des années 1970, on fait par ailleurs le constat d’un mode de vie en réseau organisé à partir d’une vie de couple dans des maisons individuelles. La conversion du travail en art de vivre et en action collective visant le « bien vivre ensemble » constitue la trame de témoignages qui se présentent comme des expériences à portée de main, à partir du moment où saute l’obstacle (présenté comme idéologique, non seulement matériel) de l’accès à l’autoproduction. Cet article entend mettre en évidence le continuum entre travail domestique, labeur, œuvre, activité professionnelle et militance, qui caractérise ces formes d’engagement écologique contemporaines.Lire la suite »

Geneviève Pruvost, Chantiers participatifs, autogérés, collectifs, 2015

la politisation du moindre geste

Résumé

Travailler dur
et penser mou…

Des partisans de l’utopie concrète, engagés dans la recherche de cohérence entre théories et pratiques écologiques, interrogent les notions de « participation » et de « travail » dans une perspective critique du développement industriel. Le travail est alors appréhendé comme une prise de position politique (écologique, libertaire). Dans le monde militant de l’écoconstruction, on étudiera les variantes de l’organisation des tâches dans des chantiers participatifs, autogérés et collectifs, que ce soit dans le cadre légal du bénévolat et d’une société coopérative et participative (SCOP) ou dans un contexte de lutte à Notre-Dame-des-Landes. Lire la suite »

Veronika Bennholdt-Thomsen et Maria Mies, Subsistance et économie mondialisée, 1997

En introduction de leur ouvrage La Subsistance. Une perspective écoféministe, Veronika Bennholdt-Thomsen et Maria Mies nous racontent ce qu’elles ont appris d’une conversation entre des femmes d’un village du Bangladesh et Hillary Clinton, qu’elles utilisent ensuite pour expliquer leur perspective sur la subsistance, une perspective « d’en bas ». En voici quelques extraits.

Une vache pour Hillary

En avril 1995, quelques mois avant le début de la Conférence mondiale des femmes organisée par les Nations unies à Pékin, Hillary Clinton, alors première dame des Etats-Unis, a fait un voyage au Bangladesh. Elle est allée voir par elle-même si les projets menés par la Grameen Bank dans les villages du Bangladesh, projets dont elle avait tant entendu parler, étaient bel et bien un succès. Les microcrédits de la Grameen Bank avaient la réputation d’avoir remarquablement amélioré le sort des paysannes dans ce pays, et Mme Clinton voulait savoir si les femmes avaient véritablement gagné en autonomie [empowered] grâce à ces microcrédits. Pour la Grameen Bank et les organismes de développement, « l’autonomisation des femmes » revient à ce qu’une femme ait quelques biens et un revenu personnel en monnaie. Lire la suite »

Veronika Bennholdt-Thomsen and Maria Mies, Subsistence and globalised economy, 1997

Maria Mies, 2011

Introducing their book The Subsistence Perspective: Beyond the Globalised Economy, Veronika Bennholdt-Thomsen and Maria Mies tell us what they learned from a conversation between women in a Bangladeshi village and Hillary Clinton, which they then use to explain their perspective on subsistence, a perspective “from below”. Here are some excerpts.

A cow for Hillary

In April 1995, some months before the beginning of the UN World Women’s Conference in Beijing, Hillary Clinton, the First Lady of the USA, visited Bangladesh. She had come to find out herself about the success stories of the Grameen Bank projects which were said to have so empowered rural women in Bangladesh. For the Grameen Bank and development agencies, “empowerment of women” means that a woman has an income of her own and that she has some assets. Lire la suite »