Dominique Pinsolle, Du ralentissement au déraillement, 2015

le développement du sabotage en France (1897-1914)

Résumé

Le sabotage, c’est repousser, arracher ou briser les crocs du capitalisme

Adopté par la CGT en 1897, le sabotage est au départ conçu comme une dégradation volontaire et clandestine de la qualité du travail, du matériel ou de la production elle-même, afin de nuire uniquement aux intérêts de l’employeur. Aux yeux de certains militants, il devient à partir de la grève des Postes de 1909, et plus encore après celle des cheminots de 1910, un mode d’action susceptible de paralyser le pays tout entier, avant d’occuper une place centrale dans les plans de « sabotage de la mobilisation » élaborés au sein des milieux anarchistes. Cet article vise à comprendre comment une pratique au départ marginale et cantonnée au lieu de production a pu constituer une menace d’ampleur nationale dans les années précédant le premier conflit mondial. Lire la suite »

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Geneviève Pruvost, Chantiers participatifs, autogérés, collectifs, 2015

la politisation du moindre geste

Résumé

Travailler dur
et penser mou…

Des partisans de l’utopie concrète, engagés dans la recherche de cohérence entre théories et pratiques écologiques, interrogent les notions de « participation » et de « travail » dans une perspective critique du développement industriel. Le travail est alors appréhendé comme une prise de position politique (écologique, libertaire). Dans le monde militant de l’écoconstruction, on étudiera les variantes de l’organisation des tâches dans des chantiers participatifs, autogérés et collectifs, que ce soit dans le cadre légal du bénévolat et d’une société coopérative et participative (SCOP) ou dans un contexte de lutte à Notre-Dame-des-Landes. Lire la suite »

C. Pessis & S. Angeli Aguiton, Les petites morts de la critique radicale des sciences, 2015

Entre occultation volontaire
et régulation publique

Résumé

Si la critique (et l’autocritique) des sciences a une histoire articulée à celle de l’écologie politique, son héritage est aujourd’hui invisible. Comment expliquer l’absence de transmission, entre générations de chercheurs comme au sein de la mouvance écologiste, de la mémoire de ce mouvement de critique radicale des sciences des années 1970 ? Après avoir éclairé les formes de l’engagement critique des scientifiques durant l’entre-deux-mai (1968-1981), cet article propose quelques pistes afin de rendre compte des reconfigurations sociales, politiques et institutionnelles qui ont produit une telle occultation. L’étude de deux moments est privilégiée : la reprise en main politico-industrielle de la recherche au tournant des années 1980, qui vient offrir aux chercheurs un nouvel ethos scientifique mêlant vulgarisation et innovation ; et le tournant réformiste « sciences-société » des années 2000, qui, tout en poursuivant une régulation libérale des innovations technocapitalistes, entend gérer le renouveau contestataire par l’inclusion de la société civile. Lire la suite »

André Pichot, Se connaître et s’inventer, 2015

Cet éclairage philosophique ne fera pas de mal à la vision biologique de l’Homme dans son propre musée, bien évidemment très lié au Muséum national d’histoire naturelle ; le fil historique que décrit joliment André Pichot, fil comprenant la situation actuelle et ses modes, vous conduit parfaitement à la spécificité de notre genre humain qui se distingue en effet de ce qui le précède, car de toute façon, dans l’Univers, tout change tout le temps et donne naissance chaque fois à une situation par définition inattendue. Le nouveau musée se doit aussi de faire état de cette particularité du sujet dont il prétend traiter, « un être à la recherche de ce qu’il est » en attendant la surprise de ce qui lui succédera.

Yves Coppens

 

Le Musée de l’Homme relève du Muséum national d’Histoire naturelle, dont la partie la plus visible est la Grande Galerie de l’Évolution. On pouvait craindre que ce cadre académique impose une vision un peu trop étroitement naturaliste, et ne réduise l’homme au statut de singe évolué ayant survécu dans la lutte pour la vie. Crainte d’autant plus forte qu’une grande partie de ce qui, dans ce musée, relevait de l’anthropologie culturelle se trouve maintenant au musée du quai Branly, et que le palais de Chaillot a conservé, entre autres, les restes d’une anthropologie physique de fâcheuse réputation (de la Vénus hottentote à la craniologie). Lire la suite »

Philippe Godard, Ce monde qui n’est plus le nôtre, 2015

Il est temps d’abandonner la voie de la recherche scientifique, non pas pour « oublier » les découvertes des savants et les nier, encore moins pour retomber dans des mensonges religieux ou mystiques, mais parce que la dose de science injectée à cette planète est plus que suffisante.

 

La science est un mode de compréhension du monde qui suppose que toute réalité ou tout événement physique, concret, observable, quantifiable, doit recevoir une explication abstraite, dite objective. Cette explication prend la forme de lois et de théorèmes qui ne peuvent pas venir en contradiction les uns avec les autres, à moins de considérer que la vérité n’avait pas encore été atteinte. Dans ce dernier cas, il convient de poursuivre la recherche scientifique afin d’élaborer de nouvelles lois, plus exactes, permettant enfin de vérifier la validité des faits jusque-là observés, lesquels la confirment et permettent même d’anticiper sur des découvertes à venir. Et toujours chercher de nouveaux faits, dans l’ordre de l’infiniment grand et de l’infiniment petit, afin d’en arriver à une unité de la science, par une explication totale de l’univers. Lire la suite »

Sam Kriss, Fuck the moon !, 2015

Manifeste du Comité pour l’abolition de l’Espace

 

« Nique la Lune ! », tel est le slogan du Comité pour l’abolition de l’Espace, qui a traversé les siècles et dont on ignorait tout jusqu’à ce qu’un mystérieux manifeste soit récemment trouvé sur un banc de la gare Victoria, à Londres. Sa rédaction est attribuée au journaliste anglais Sam Kriss.

 

Il n’y a rien là-bas

Ils nous ont trompés. C’est un mensonge cruel et glaçant, si vaste et répandu qu’il a fini par ne plus être perceptible et par devenir le substrat invisible de la vie quotidienne. C’est un mensonge politique. Ils nous ont fait croire que l’Espace était beau.

Ils nous ont montré des nébuleuses, d’immenses nuages rose et bleu coiffés de tresses étoilées violettes, se développant au rythme de l’infinité cosmique jusqu’à adopter des formes génitales – des bites et des chattes larges de plusieurs années-lumière. Ils ont accolé à ces images des citations, petites flaques sémantiques destinées à nous faire croire que les galaxies s’adressaient à nous jusque dans les profondeurs de notre solitude, chuchotant à travers un infini brumeux. Leur message : vous êtes supérieurs à tous les autres, parce que, bordel, qu’est-ce que vous aimez la science. Lire la suite »

Sam Kriss, Manifesto of the Committee to Abolish Outer Space, 2015

There’s nothing there already.

We have been lied to, subjected to a cruel and chilly lie, one so vast and total it’s no longer fully perceivable but has turned into the unseen substrate of everyday life. It’s a political lie. They told us that outer space is beautiful.

They showed us nebulae, big pink and blue clouds draped in braids of purple stars, always resolving themselves at the pace of cosmic infinity into genital forms, cocks and cunts light years wide. They superimposed puddle-thin quotes over these pictures, so that the galaxies could speak to you in the depths of your loneliness, whispering from across a trackless infinity that you’re so much better than everyone else, because you fucking love science. The words are lies, the colors are lies, the nebulae are lies. These images are collated and pigmented by computers; they’re not a scene you could ever see out the porthole of your spaceship. Space isn’t even ugly; it isn’t anything. It’s a dead black void scattered with a few grey rocks, and they crash into each other according to a precise mathematical senselessness until all that’s left is dust. Lire la suite »

Jean-Baptiste Fressoz, L’anthropocène, une histoire de la crise environnementale, 2015

Pour écrire L’événement anthropocène, avec Christophe Bonneuil, nous avons réfléchi en historiens. Nous nous sommes dit : il y a des géologues, des scientifiques du système terre, des gens qui étudient les interactions entre la biosphère, l’atmosphère, les océans, des climatologues qui avancent que nous sommes entrés dans une nouvelle époque géologique. Quand on dit époque, on dit dates, il faut prendre cela au sérieux et c’est un récit historique de cette nouvelle époque que je vais vous proposer. Lire la suite »

Thierry Ribault, Redémarrage d’un réacteur nucléaire au Japon, 2015

Les maîtres chanteurs du nucléaire redémarrent un réacteur au Japon face à une résistance effroyablement inoffensive

 

Le 11 août 2015, le réacteur n°1 de la centrale nucléaire de Sendaï, dans le département de Kagoshima situé au sud-ouest du Japon, a redémarré. L’administration Abe souhaite donner à ce moment un caractère décisif pour sa stratégie énergétique, considérant le nucléaire comme « vital » pour l’avenir de la nation, au même titre qu’entre 1931 et 1945, l’occupation de la Mandchourie était également considérée comme « vitale » pour un Empire dont on connaît le bel avenir auquel il a été promis. Lire la suite »

Thierry Ribault, «Osons» le zéro Hulot pour le zéro nucléaire, 2015

Faut-il s’en prendre par priorité à ses ennemis où à ses « alliés objectifs » dont on suppose qu’ils « pourraient faire beaucoup mieux » ? Mon choix personnel est clair : à ses ennemis, et c’est un reproche que je ferais à la gauche en général, d’avoir toujours préféré l’entre-déchirement à la lutte ciblée au bon endroit. Le débat sur les questions soulevées ici est cependant essentiel, c’est pourquoi je publie ce billet, mais seulement parce que je sais que d’autres viendront remettre en question, non pas les faits – qui sont avérés – mais l’approche, qui pourrait être plus consensuelle. Lire la suite »