Pièces et main d’œuvre, Naissance, nature et liberté, 2022

Résumé

Ayant documenté depuis une décennie les avancées technoscientifiques et sociopolitiques de la reproduction artificielle de l’humain, les auteurs reviennent ici sur quelques étapes du débat notamment chez les « progressistes ». Quoi de commun entre les militantes du Feminist International Network of Resistance to Reproductive and Genetic Engineering des années 1970-1980, l’écoféminisme de Françoise d’Eaubonne, et l’actuel soutien des Verts aux revendications néoféministes et LGBT ? Tandis que l’opposition à la technification de la reproduction humaine scandalise désormais, cet article rappelle quelques fondements de la pensée écologiste : on ne fabrique pas les êtres vivants, ils naissent ; on ne peut être écologiste et anti-industriel sans combattre la mainmise technocratique sur la reproduction, qui ouvre la voie à l’eugénisme : sans combattre toute artificialisation de la production infantile.Lire la suite »

Michela Di Carlo, Réflexions autour de La Servante écarlate, 2022

Résumé

La capacité de reproduction des femmes fait face à plusieurs menaces. La référence, au sein des mouvements féministes, à La Servante écarlate, de Margaret Atwood, renvoie au risque réel, avec la baisse de la fertilité et la remise en cause de l’avortement aux États-Unis, d’un régime religieux, autoritaire et violent. Mais le progrès de l’artificialisation de la reproduction humaine est aussi un moyen, plus insidieux, d’exploiter les femmes, sans lien avec la religion et la tradition. La pensée féministe doit donc réfléchir de manière plus critique à ce que la science et la technologie font du corps de la femme. Lire la suite »

Émilie Bénard, Aux antipodes de la reproduction artificielle, 2022

la « naissance respectée »

Aurélien Berlan : Tu es sage-femme libérale. Est-ce que tu peux nous expliquer ton métier et la manière dont tu l’exerces aujourd’hui, par rapport à d’autres types de sages-femmes ?

Émilie Bénard : C’est le fait d’exercer dans un cabinet, seule ou en équipe, plutôt que dans des structures hospitalières. L’exercice de la sage-femme libérale recouvre des activités très variées. Je vais parler de moi puisqu’il y a des sages-femmes qui se sont spécialisées dans tel ou tel domaine. Me concernant, je travaille seule et j’apprécie justement de pouvoir pratiquer une grande partie des compétences de la sage-femme. Ma spécialité, si l’on peut dire, c’est que je pratique l’accompagnement global : je fais du suivi de grossesse, mais j’accompagne aussi les accouchements et les suites de couches, je fais les consultations pour le nourrisson, l’allaitement, mais également tout ce qui relève de la préparation à l’accouchement, la rééducation du périnée après l’accouchement, etc. Lire la suite »

Renaud Garcia, Les acceptologues, 2022

Les « minorités de genre » au service de la fabrication des enfants

Résumé

Cet article est une analyse critique de l’influence grandissante du discours queer et trans (abusivement estampillé LGBT) autour de la reproduction artificielle de l’humain. Il montre qu’au-delà de la lutte pour de nouveaux droits et de la destruction revendiquée de la famille patriarcale, ces progressistes qui pensent mêler anticapitalisme et production machinale des enfants expriment surtout leur haine de la nature et leur hantise d’être nés (et non fabriqués). Néanmoins, en choisissant les solutions technologiques en laboratoire au lieu des pratiques symboliques (telles que l’adoption), ils dérivent curieusement vers la sociobiologie et l’eugénisme, rejetons théoriques de la science dans la modernité industrielle. Tout cela illustre enfin une des extravagances de l’époque : ceux qui, dans la lignée de Pierre Kropotkine ou Élisée Reclus, défendent à la fois la nature et l’humaine nature contre la dynamique destructrice du capitalisme technologique (qui cherche désormais à industrialiser les origines même de la vie), finissent par être tenus pour des alliés de l’extrême droite.Lire la suite »

Lefèvre et Luzi, L’obsolescence du naître, 2022

Introduction au dossier
“Les enfants de la Machine”

« Si nous continuons, en tant que société, à encourager la “décomposition-marchandisation” de nos gamètes et de nos descendants potentiels; si nous continuons à éroder les frontières de l’espèce humaine dans l’intention d’abolir toutes les frontières inter-espèces et de modifier génétiquement les vivants afin de permettre à quelques personnes puissantes de se les approprier; en bref, si nous continuons, par indifférence et outrecuidance, à nous pousser en dehors de l’humanité […], alors la question que mon (LV) fils de 7 ans m’a posée ce matin pourrait être non seulement pertinente, mais prophétique : “Maman, les humains vont-ils disparaître comme les dinosaures ?” »

Louise Vandelac et Marie-Hélène Bacon [1]

 

Un jour, il est venu à l’esprit de certains êtres humains, ces animaux que l’on dit pourtant vivipares, qu’il serait bienvenu pour l’espèce qu’elle puisse se reproduire sans faire appel au corps de la femelle. Que des vies nouvelles puissent être créées sans rapprochement des sexes, sans fécondation ni gestation au sein du ventre féminin, sans accouchement. On retrouve par exemple cette idée dans le De natura rerum (1537) du médecin suisse Paracelse. Il y explique comment, uniquement à partir de la semence masculine, former ce qu’il nomme un « homoncule », un tout petit homme. Mais il s’agissait plus d’une chimère d’alchimiste que d’un projet concret. De l’abstraction à la réalisation, il y avait alors un gouffre. Lire la suite »

Flocco et Guyonvarch, Dompter toujours plus le vivant, 2022

Une critique de la « bio-ingénierie »

Résumé

Notre époque est marquée par un développement croissant de techniques sophistiquées de modification et d’amélioration du vivant (génie génétique, séquençage de l’ADN, édition du génome, nanotechnologies) qui en véhiculent une conception particulière. Le vivant est considéré comme une machine « démontable » et « remontable » à loisir, façonnable selon les désirs, les fantasmes ou les objectifs économiques de ceux qui s’y attellent. Or, une telle conception « machinique » du vivant se situe au cœur du travail d’un ensemble de chercheurs et ingénieurs en biotechnologies. L’article présente une enquête sociologique menée sur le domaine de la biologie de synthèse, considérée comme une « ingénierie du vivant », et montre de quelles manières ce domaine de recherches et d’innovations, en accroissant toujours plus, en discours comme en actes, la maîtrise et l’exploitation du vivant, contribue à la bioéconomie et à ses objectifs d’amélioration du vivant.Lire la suite »

Silvia Guerini, Un monde sans mères ?, 2022

Résumé

Dans cet article, les technologies de reproduction artificielle, de la procréation médicalement assistée à l’utérus artificiel (l’ectogenèse), en passant par les modifications génétiques, sont toutes considérées comme des aspects profondément interconnectés du même projet transhumaniste. Après avoir décrit ce projet, des origines aux derniers développements technologiques, l’article aborde les soutiens politiques à sa réalisation, ainsi que les stratégies de son acceptabilité sociale, et notamment l’influence des mouvements transféministes et LGBTQ. Dès lors que la bioéthique correspond à la ratification a posteriori des perfectionnements dans l’artificialisation de la reproduction, seule une opposition populaire permettra d’éviter l’instauration d’une société sans mères. Lire la suite »

Jacques Luzi, La question du maximum, 2022

Bio-capitalisme, démographie & eugénisme

Résumé

À l’âge industriel, la question démographique est influencée par le principe de population de Malthus, qui relie la préoccupation démographique et le maintien des inégalités sociales. Avec l’association Malthus-Darwin-Galton, cette préoccupation a pris une dimension eugéniste. Celle-ci apparaît concrètement au sein de la société mondiale. L’eugénisme négatif (stérilisation forcée) permet de limiter les naissances au sein des populations pauvres des pays du Sud. Pendant que l’eugénisme positif, porté par les biotechnologies, se développe au sein des pays riches. Comment tenir compte des limites naturelles à l’expansion de la population mondiale, sans favoriser l’extension de l’eugénisme ?Lire la suite »

Bertrand Louart, De l’eugénisme d’État à l’eugénisme libéral, 2022

où vont les biotechnologies ?

Résumé

L’eugénisme est en quelque sorte le « cadavre caché dans le placard » de l’histoire la biologie. Car les fondements « théoriques » de ce qui fut au début du XXe siècle une science reconnue constituent encore le socle de la biologie moderne. Là où l’eugénisme d’État instaurait des normes en fonction d’objectifs politiques généraux, l’actuel eugénisme libéral instaure des normes sous des prétextes en apparence scientifiques et techniques. La finalité est toujours de trouver des solutions scientifiques et techniques à des problèmes que l’on ne veut pas envisager d’abord dans leurs dimensions humaines, sociales et politiques.Lire la suite »

Écologie & Politique n°65, Les enfants de la Machine, 2022

Biotechnologies, reproduction et eugénisme

Dossier

Un jour, les femmes n’enfanteront plus. Leurs cellules et celles des hommes seront soigneusement produites, sélectionnées puis traitées en laboratoire en vue de la fabrication industrielle d’êtres humains. Améliorés, sur mesure, sans défauts génétiques. De la science-fiction ? En réalité, cet avenir d’où l’enfantement aurait disparu, ce futur où les enfants ne seraient plus le fruit du hasard biologique mais celui d’un système technologique finement paramétré, est déjà parmi nous, en puissance. Petit à petit, par ses avancées dans le domaine des technologies de la reproduction (de l’insémination artificielle à l’ectogenèse, en passant par la fécondation in vitro et la congélation d’ovaires) et au prétexte fallacieux de libérer les femmes, la technoscience nous y conduit. Après avoir pris le contrôle des sols et celui des corps travailleurs dans le but d’accroître toujours plus son emprise, l’industrialisme, dans la poursuite de son geste totalitaire, s’affaire depuis plusieurs décennies à prendre le contrôle du vivant.

Coordination : Jacques Luzi et Mathias Lefèvre.

 

Ce numéro étant épuisé, nous proposons d’en publier les articles afin que chacun puisse juger sur pièces des propos « réactionnaires » qu’ils contiennent (voir ci-dessous l’entretien avec Jacques Luzi)…

Les articles sont maintenant au complet, prochainement un document PDF sera disponible. Lire la suite »