Jacques Luzi, La question du maximum, 2022

Bio-capitalisme, démographie & eugénisme

Résumé

À l’âge industriel, la question démographique est influencée par le principe de population de Malthus, qui relie la préoccupation démographique et le maintien des inégalités sociales. Avec l’association Malthus-Darwin-Galton, cette préoccupation a pris une dimension eugéniste. Celle-ci apparaît concrètement au sein de la société mondiale. L’eugénisme négatif (stérilisation forcée) permet de limiter les naissances au sein des populations pauvres des pays du Sud. Pendant que l’eugénisme positif, porté par les biotechnologies, se développe au sein des pays riches. Comment tenir compte des limites naturelles à l’expansion de la population mondiale, sans favoriser l’extension de l’eugénisme ?

 

« D’autre part, comme l’a fait remarquer M. Galton, si les gens prudents évitent le mariage, pendant que les insouciants se marient, les individus inférieurs de la société tendent à supplanter les individus supérieurs. »

Charles Darwin [1]

« Aujourd’hui, « l’eugénisme n’entre pas par la porte de devant, comme avec le projet Lebensborn de Hitler. Au lieu de cela, il entre par la porte de derrière, avec les dépistages, les traitements et les thérapies. Certains sont admirables car ils offrent la santé, et c’est le premier pas. Mais, tôt ou tard, chacun aura à faire face à cette question : quand fermer à l’eugénisme la porte de derrière ? »

Troy Duster [2]

En 1931, Paul Valéry observait :

« Toute la Terre habitable a été de nos jours reconnue, relevée, partagée entre les nations. L’ère des terrains vagues, des territoires libres, des lieux qui ne sont à personne, donc l’ère de libre expansion est close. […] Le temps du monde fini commence. » [3]

Presqu’un siècle plus tard, il convient de compléter son propos par le constat de la finitude écologique de la Terre habitable, et de sa probable diminution du fait du réchauffement climatique, de la montée des océans, de la disparition de terres arables, de la désertification, de la dégradation de la fertilité des sols, etc.

De plus, sa partition s’est opérée entre des nations inégales et interdépendantes, l’objectif des nations dominantes étant de conserver leur suprématie et ses privilèges :

« La roue a tourné, mais, dans sa loi, le monde n’a guère changé : il continue à se partager, structurellement, entre privilégiés et non privilégiés. Il y a une sorte de société mondiale, aussi hiérarchisée qu’une société ordinaire et qui est comme son image agrandie. » [4]

Au sein de cette société mondiale, la puissance d’un État dépend de son accès aux technologies de pointe, aux systèmes financiers, aux ressources naturelles, aux moyens de communication et aux armements de destruction massive. De ce fait, l’absence d’un monopole de la violence légitime au niveau planétaire entraîne la permanence de la concurrence et la succession des conflits, que ce soit pour l’obtention de l’hégémonie mondiale, la préservation des zones d’influence néocoloniales ou la simple survie. Les temps de paix, aussi longs soient-ils, ne sont que les temps de préparation des prochaines guerres.

Voilà, à grands traits, le cadre au sein duquel il est possible d’avancer quelques réflexions sur l’évolution démographique et la reproduction humaine.

Démographie & domination

À l’âge industriel, la question démographique est symbolisée par la figure emblématique du prêtre anglican Thomas-Robert Malthus (1766-1834) et par son Essai sur le principe de population [5]. Biaisée, car basée sur des « lois » indépendantes (géométrique et arithmétique) de grandeurs interdépendantes (la population et les moyens de subsistance), la théorie malthusienne ne manquait pas non plus d’intentions idéologiques. Son objectif était de légitimer l’industrialisme naissant et la mise au travail des pauvres et des vagabonds engendrés par la privatisation des terres communales et la destruction des économies vernaculaires.

En naturalisant les causes de la misère et en écartant toute possibilité de progrès social, Malthus associait la préoccupation de l’accroissement démographique à celle du maintien d’une société inégalitaire. Selon lui, l’assistance aux pauvres, en les encourageant à se multiplier sans participer à la création des richesses, aggravait le déséquilibre entre la population et les moyens de subsistance. Il convenait donc de les priver progressivement de toute aide [6].

Ne pas succomber au principe de population supposait d’ajuster l’accroissement des moyens de subsistance et l’augmentation de la population, notamment en freinant la reproduction humaine. Une fois la destruction précoce des existences (par les famines, les guerres, les infanticides) écartée, ce ralentissement ne pouvait venir que de l’empêchement des naissances (par l’avortement, la contraception, la chasteté). Malthus tenait l’abstinence pour la solution idéale, sans trop y croire, considérant que l’attrait du luxe constituait une incitation plus efficace pour amener les pauvres à réduire la dimension de leur famille :

« Nous devons nous réjouir d’entendre que le frein à la forte croissance actuelle de la population (…) a commencé à opérer à partir d’une diffusion du désir de confort et d’agréments avant d’être déclenché par le manque pur et simple de nourriture. » [7]

Aujourd’hui, on attend de la diffusion effective de l’aisance matérielle qu’elle baisse d’elle-même le taux de natalité. Et c’est à cette transition démographique, ou à ce passage d’un régime de forte fécondité/forte mortalité à un régime de faible fécondité/faible mortalité, que l’on attribue la capacité de stabiliser la population mondiale grâce à l’universalisation du développement et du mode de vie industriel.

Une solution plus rapide, connue mais sous-estimée par Malthus, fut l’émigration des surnuméraires de l’industrialisation. Cette émigration s’est traduite par l’établissement des colonies de peuplement européen, grâce à la suprématie techno-militaire, assimilée à la supériorité raciale, et l’extermination des autochtones [8].

« Cette inégalité a permis à [l’Europe occidentale] de chercher, et de trouver, des solutions globales à des problèmes de “surpopulation” dus à une cause locale. » [9]

Depuis, la mondialisation de l’industrialisation a provoqué la mondialisation des conditions de son intronisation : la destruction des économies vernaculaires et l’urbanisation (à l’horizon 2050, 70% de la population mondiale vivra dans des villes). Conjointement, cette mondialisation a multiplié les centres de surproduction des pauvres qui, inadaptés aux exigences du productivisme, ne peuvent être élevés au rang de ressources humaines. Et l’impossibilité consécutive d’user de l’ancienne solution migratoire entraîne « une pénurie de lieux vers lesquels le surplus [peut] être déchargé de manière expéditive », c’est-à-dire une « crise aigüe de l’industrie de débarras des déchets humains » [10].

Cette crise est amplifiée par les dissymétries démographiques entre les nations pauvres et riches, jeunes et vieillissantes, fertiles et infertiles. L’essentiel de la croissance démographique future va survenir dans des pays faiblement industrialisés ou en voie d’industrialisation : en Afrique subsaharienne, principalement, et, dans une moindre mesure, en Asie de l’est et du sud-est. À l’inverse, les pays pleinement industrialisés (Australie et Nouvelle Zélande, Europe, Amérique du Nord), modèles de la transition démographique, semblent condamnés au vieillissement et à l’infertilité. Entre 1973 et 2011, la fertilité masculine y a chuté de 50 à 60%, probablement du fait des pollutions plastiques, chimiques et électromagnétiques. Il y est prévu un nombre médian de spermatozoïdes de zéro en 2045 [11]. De même, le Japon et la Chine ont des taux de fécondité inférieurs au seuil de déclin démographique [12].

Ces pays sont pourtant les principaux responsables du désastre écologique en cours. Comme le souligne Bauman :

« Les nations riches peuvent se permettre une forte densité de population car elles sont des centres de forte entropie tirant des ressources, notamment les sources d’énergie, du reste du monde, et leur retournant en échange les déchets polluants et souvent toxiques du processus industriel qui utilise, annihile et détruit une grande partie des sources d’énergie dans le monde entier. » [13]

D’où leur réaménagement en forteresses « emmurées » pour contenir les hordes de migrants politiques, économiques ou climatiques, sur lesquelles se fonde le nouvel ordre mondial, d’inspiration malthusienne[14]. Celui-ci doit permettre de concilier la protection de la libre circulation des ressources naturelles, des marchandises et des capitaux convergeant vers ces forteresses, tout en empêchant la libre circulation des déchets humains.

« Un continent forteresse est un bloc de nations qui unissent leurs forces pour obtenir des conditions commerciales favorables d’autres pays, tout en patrouillant le long de leurs frontières extérieures communes pour empêcher les gens de ces pays d’entrer. Mais si un continent veut vraiment être une forteresse, il doit aussi inviter un ou deux pays pauvres dans ses murs, parce que quelqu’un doit faire le sale boulot et le gros du travail. Ce modèle a été amorcé en Europe, où l’Union européenne s’élargit actuellement par l’inclusion de dix pays pauvres du bloc de l’Est, tout en utilisant des méthodes de sécurité de plus en plus agressives pour refuser l’entrée aux immigrants de pays encore plus pauvres, comme l’Irak et le Nigeria. » [15]

Aux frontières intérieures de ces forteresses, et du fait de la pénurie de décharges lointaines, les déchets humains sont confinés dans les banlieues, les ghettos et les bidonvilles voués à la violence anomique et à sa gestion « endocoloniale » militarisée [16]. Parallèlement, Frontex monnaye, aux frontières extérieures de l’Europe, des « camps d’accueil » où sont parqués les prétendants à l’opulence industrielle. Cette hantise d’être envahi par les multitudes anonymes de déchets humains est partagée par l’ensemble des nations dominantes : « La population », peut-on lire dans le reportage d’un correspondant sur le continent austral, « estime que la position du pays comme île de prospérité dans un “océan de pauvreté” est en danger » [17].

Le souci d’avoir à se protéger des mouvements migratoires mondialise celui de réduire la « surpopulation » des « damnés de la Terre ». En témoigne la « philanthropie » des richissimes américains qui, de Bill Gates à David Rockefeller en passant par Warren Buffet, sont prêts à sacrifier une partie de leur fortune pour ralentir la croissance de la population mondiale, c’est-à-dire celle des pays pauvres [18]. Probablement conviendraient-ils de la déplorable nécessité d’amplifier l’eugénisme négatif déjà pratiqué dans certains de ces pays. En Inde, où l’état déclarait en 2013 l’ouverture de 13 000 camps de stérilisation, ces mesures sont « imposées de façon disproportionnées aux pauvres relativement impuissants des régions rurales. […] En Ouzbékistan, des dizaines de milliers de femmes sont stérilisées chaque année. […] Au Pérou, dans les années 1990, plus de 300 000 femmes, en majorité des femmes pauvres et analphabètes, ont été stérilisées » [19]. On comprend que certaines féministes locales voient d’un « mauvais œil les efforts des pays riches qui essaient de faire baisser le taux de natalité des femmes des pays pauvres au nom de la lutte contre le changement climatique », alors que « les pays ayant le taux de natalité le plus élevé sont également ceux qui consomment le moins d’énergie » et ceux où la densité de la population est la plus faible [20].

Partout où les progrès médicaux et d’hygiène ont fortement réduit la mortalité infantile, le contrôle des naissances devient pourtant inévitable, à moins de se laisser emporter par une explosion démographique tendant à dépasser le maximum écologiquement supportable par la Terre. Dans la société mondiale actuelle, le désastre écologique aggrave la crise de débarras des déchets humains, en même temps qu’elle rend désuets les mythes du rattrapage, de l’universalisation du mode de vie industriel et de la transition démographique. Rien, d’ailleurs, ne permet d’assurer qu’une baisse de la population mondiale ne renforcerait pas ce désastre par un effet rebond, si elle s’accompagne d’une hausse de la population mondiale des machines : voitures, ordinateurs, centrales nucléaires, etc.

La question n’est plus celle, malthusienne, de l’ajustement de l’augmentation des moyens de subsistance à celle de la population, mais la question de l’adaptation démographique à un monde dans lequel l’accroissement de ces moyens se heurte à des limites infranchissables, telles que l’épuisement des terres cultivables par l’agro-industrie et la raréfaction des ressources énergétiques et minières provoquée par le mirage des énergies « vertes ». Au regard de cette question, les savants calculs pour déterminer le maximum possible de la population mondiale semblent dérisoires. Est-il souhaitable de rechercher, en théorie et en pratique, cette limite ? Que signifie cette volonté d’atteindre le maximum ? Pourquoi l’appréhender uniquement dans les termes de l’alimentation, alors que se posent également les questions de la qualité de vie (l’accès à l’eau potable, l’air non pollué, l’espace décent de vie, la diversité biologique, etc.) ? Par quelles modalités conviendrait-il d’éviter de se cogner à ce mur, autrement que par la conservation des inégalités, de la lutte et de la sélection par l’eugénisme négatif coercitif ? Si cette question n’est pas posée, n’est-ce pas que, persuader de leur mérite, les nations dominantes ne veulent pas entendre parler d’une coopération au niveau mondial et d’une égalisation des conditions, incompatibles avec la perpétuation de leur mode de vie industriel ?

Hannah Arendt, il y a longtemps, a pourtant prévenu des suites logiques de ce déni :

« Aujourd’hui, avec l’accroissement démographique général, avec le nombre toujours plus élevé d’hommes sans feu ni lieu, des masses de gens en sont constamment réduites à devenir superflues, si nous nous obstinons à concevoir notre monde en termes utilitaires. […] Les nazis et les bolcheviks peuvent en être sûrs : leurs entreprises d’anéantissement, qui proposent la solution la plus rapide au problème de la surpopulation, au problème de ces masses humaines économiquement superflues et socialement déracinées, attirent autant qu’elles mettent en garde. » [21]

Sourds à ce type de prudence, les pays nantis, vieillissants et toujours moins fertiles, rêvent de fabriquer des bébés « augmentés ».

l’industrialisation de la reproduction humaine

ou la continuation de l’eugénisme par d’autres moyens

L’influence de Malthus sur Darwin correspond au transfert de la conception bourgeoise de la société sur la représentation du vivant : dans les deux cas, la vie sur Terre est identifiée à une lutte pour l’existence au sein de la nature avaricieuse, comme principe de sélection des « meilleurs » [22]. Réciproquement, la théorie darwinienne a été projetée sur les « sciences sociales », érigeant une image de soi de la société industrielle marquée par le darwinisme social (assumé ou hypocritement mis en œuvre). Hier comme aujourd’hui, ce jeu de  miroir entre le malthusianisme et le darwinisme, grâce auquel l’ordre techno-capitaliste se naturalise « par un appel à une nature elle-même conçue sur le modèle de la société à expliquer », a fourni à la bourgeoisie la « justification [pseudo-]scientifique de son règne » [23].

Cette autolégitimation biologique de la domination technocratique conduit directement à l’idée eugéniste, par laquelle les dominants fantasment à la fois leur supériorité naturelle et sa reproduction héréditaire. Ce lieu commun, qui a d’abord autorisé la bonne conscience des empires coloniaux du XIXe siècle, avant d’aboutir à la shoah, n’a pas disparu. La même sinistre rengaine imprègne le dogme contemporain du « programme génétique », avec la même résolution de substituer, aux conditions sociales des maladies et des troubles comportementaux, l’alibi de la dégénérescence biologique. La biologie moléculaire ouvre ainsi la voie à l’industrialisation du vivant, et nourrit le fantasme de l’être humain « comme pur Meccano génétique transformable à volonté en agissant sur les bons “programmes” afin de “produire” enfin une humanité “parfaite” » [24].

Les nations industrialisées, qui cultivent assidument la religion de l’objectivité technoscientifique, ont intronisé les experts comme guides suprêmes de la conduite de leur existence quotidienne, chacun (ou chacune) n’étant là, de la naissance à la mort, que pour être géré(e). Le bio-capitalisme, dont le projet est la reconstruction artificielle de ce que le thermo-capitalisme a détruit, s’inscrit dans le prolongement de ce contrôle technocratique. Et pense offrir, en même temps que la promesse d’une manipulation et d’une marchandisation des êtres vivants, un horizon infini à l’accumulation du capital [25].

En contrepartie de l’acceptation de son emprise grandissante, et, incidemment, de l’origine génétique de son omnipotence, la technocratie prêche la foi dans la délivrance de la condition humaine, y compris dans le domaine de la procréation. Là aussi, note Sylvie Martin, « nous retrouvons l’idée selon laquelle la gestation “naturelle” constitue une entrave à la pleine liberté, et la technique scientifique et artificielle offre la clé de la délivrance ». En ce sens également, elle remarque que « la cause politique de l’émancipation des femmes [s’est] construite en tandem avec la médicalisation de la procréation » .[26]

Jusqu’à récemment, la grossesse et l’accouchement s’inscrivaient dans un univers féminin, au sein duquel les femmes pouvaient contrôler leur fertilité et leur corps. Bien que risqués, ces évènements étaient perçus comme foncièrement sains. L’ambivalence de l’entrisme médical dans cet univers à la fois féminin et soumis au patriarcat est bien résumée par Christopher Lasch :

« La redéfinition de la grossesse en maladie nécessitant l’intervention des médecins vint en aide aux femmes dans leur campagne pour la maternité volontaire, en montrant aux maris le coût d’une grossesse – coût non seulement financier mais aussi émotionnel de l’intrusion du praticien dans la chambre à coucher, son usurpation des prérogatives sexuelles du mari. À long terme, les professionnels étendirent cependant leurs compétences à la vie domestique non seulement au dépend de l’autorité patriarcal, mais aussi au détriment de l’autorité autrefois exercée par les femmes en matière d’accouchement, d’éducation des enfants et d’économie domestique. […] En s’alliant aux professions d’aide, les femmes n’améliorèrent leur situation au sein de la famille que pour tomber dans une nouvelle forme de dépendance, celle du consommateur vis-à-vis du marché et des fournisseurs de services experts, non seulement pour la satisfaction de leurs désirs, mais pour leur définition même. » [27]

Échapper, grâce à la contraception et l’avortement, aux grossesses à répétition dans un cadre patriarcal est un progrès humain indubitable et, à présent, un besoin démographique qui pourrait être abordé de façon autonome, à partir de la réappropriation de méthodes traditionnelles. Mais ce point d’équilibre relatif, entre le désir d’émancipation des femmes et le contrôle biomédical de la reproduction humaine, a été dépassé avec les technologies de reproduction artificielle. C’est-à-dire dès que la technocratie, en requalifiant l’infertilité et la stérilité comme maladies, s’est arrogée le pouvoir en tant que reproducteur de la reproduction (insémination artificielle, fécondation in vitro, utérus artificiel) et en tant qu’inspecteur et manipulateur de la qualité du « produit fini » (échographie, diagnostics prénatal et préimplantatoire, tri des gamètes et des embryons).

Dans les années 1970-1980, au moment du transfert de ces technologies de l’animal à l’humain, les féministes de Finnrage ne s’y sont pas trompées. Pour elles, la technocratie biomédicale, tout à fait disposé à soulager les femmes de leurs spécificités biologiques féminines, a séparé le lait des seins, les mères des bébés, les fœtus des grossesses, la sexualité de la procréation, la grossesse de la maternité, bref, les femmes d’elles-mêmes :

« Dans quelle mesure désirons-nous renoncer à ces processus qui, depuis le début de l’espèce, nous définissent en tant que femmes, afin de nous fondre dans la technocratie ? » [28]

à l’inverse, les féministes adhérant au consumérisme du libre choix narcissique ne voient dans la disparition de ces spécificités, comme agent de fécondation (avec la fécondation in vitro) et de gestation (avec la gestation pour autrui ou l’utérus artificiel), ou dans la possibilité d’améliorer le programme génétique de leur « enfant », que des opportunités concurrentielles pour maximiser leur capital humain.

En optant pour la délivrance plutôt que pour l’autonomie, ces féministes ont ouvert la voie à un eugénisme marchand de haute technologie, qui pourrait connaître son apothéose avec le clonage humain. Dolly, le premier mammifère cloné en 1996, « était la fille, et donc la jumelle, d’une vulgaire culture de tissus de glandes mammaires. Sa mère était une mamelle de brebis morte. […] Elle était génitrice d’elle-même » [29]. En 2018, des scientifiques chinois ont cloné des singes. À cette occasion, Muming Poo, qui a supervisé ce programme, s’est félicité que la barrière technique pour le clonage humain, cet autre primate, soit enfin brisée [30].

En 2015, l’équipe du professeur Li Jinsong, en Chine, a réussi à produire du sperme artificiel de souris, en grande quantité et de « bonne qualité », à partir de cellules souches embryonnaires, modifiées par un cocktail de produits chimiques, d’hormones et de tissu testiculaire. En outre, l’« outil CRISPR-Cas9 a permis de modifier plusieurs gènes dans le noyau des spermatozoïdes », fabriquant ainsi « des souris « semi-clonées », avec un taux de réussite de 20% » [31]. En 2016, « des chercheurs des universités de Bath (Royaume-Uni) et Regensburg (Allemagne) ont réussi à faire naître des souris à partir d’une cellule qui n’est pas un ovule, en y injectant du sperme. […] Les scientifiques n’excluent pas de pouvoir, à terme, se passer totalement d’ovules » [32]. On peut donc imaginer qu’un jour, il sera possible, à partir de cellules prélevées dans la peau d’un individu, de procéder à une « fécondation » avec du sperme artificiel et en l’absence d’ovule, puis d’élever le clone génétiquement modifié ainsi obtenu dans un utérus artificiel. Et on peut faire confiance aux technoscientifiques, prétendument neutres quant aux applications de leurs exploits, pour dénicher une quelconque application thérapeutique comme prétexte à cette mainmise de la technoscience sur la reproduction humaine.

Qu’on ne s’y trompe pas, ces technologies ne sont pas neutres. Au moins parce que, comme le signale Le Breton :

« L’écart déjà immense entre les nantis et les autres se creusera encore davantage, projetant l’ensemble des sociétés “en voie de développement” à une distance astronomique. Les uns bricoleront les gènes de leurs enfants ; ailleurs, au loin ou dans la rue d’à côté, d’autres essaieront d’empêcher qu’un nourrisson atteint de diarrhée ne meure dans la journée. » [33]

Le désir d’enfant est une revendication instrumentalisée par le biomarketing, au service de la banalisation de l’eugénisme marchand. Parce qu’il légitime, tout en étant une « construction résultant des avancées biomédicales », la prolongation de ces avancées [34]. Parce que la stérilité féminine a souvent des causes psychogènes. Parce que les technologies de reproduction artificielle, plus douloureuses qu’efficaces, transforment les femmes, soumises à l’hyperstimulation ovarienne, en ouvrières dans la production d’embryons surnuméraires voués à être objectivés, « ressourcifiés » et commercialisés par la bio-industrie [35]. Parce que, quand il s’incarne dans la gestation pour autrui, ce désir reproduit dans l’ordre de la procréation les inégalités de la société mondiale. Et parce que, détaché de la « génétisation » de l’identité, ce désir pourrait tout aussi bien se satisfaire de l’adoption :

« Quand on connaît un tant soit peu le sort fait aux enfants vivants dans le monde, [que 4,8 milliards d’euros] soi[en]t alloué[s] à une “stérilité” qui est plus une construction sociale qu’un problème médical a quelque chose d’indécent. Un article récent du journal Le Monde (Rey-Lefebure, 2019) faisait état du fait que 500 à 700 enfants sont sans abri en Île-de-France […] ; les budgets alloués à la résolution de ces problématiques sociales majeures sont ridicules, comparés à ceux alloués à la PMA. 20 % des enfants vivent en France sous le seuil de pauvreté et un certain nombre d’entre eux sont sans Sécurité sociale. On doit constater que le sort fait à une volonté d’enfant qui, le plus souvent, ne trouvera pas sa solution dans une PMA, est mieux pris en compte aujourd’hui que le quotidien d’enfants vivants, dont on connaît la fragilité et le risque de mortalité accrue quand ils sont sans abri. » [36]

Le désir d’enfant peut également se transcender dans la maternité symbolique, car chaque être humain naît deux fois : biologiquement et symboliquement. La naissance biologique est marquée par la dépendance au milieu familial et social d’origine. La naissance symbolique signifie l’accession à l’autonomie. Une « mère symbolique » est cette femme qui, aidant « chacune à accoucher de sa propre personnalité » ou « à naître à soi-même », délivre en même temps un « apprentissage de la liberté et de la gratuité » [37]. À l’inverse, le bio-capitalisme n’apprécie que la programmation et l’uniformisation monnayables.

Tout ceci a-t-il seulement… un sens ?

La question du sens est inséparable de celle du nihilisme. L’objectivation du monde et de l’existence dans le monde conduit à son insignifiance. Et celle-ci à deux attitudes : le « tout est permis » (nihilisme actif) et le « tout est vain » (nihilisme passif). Le nihilisme passif n’a jamais été mieux exprimé que par Arthur Schopenhauer. On trouve en effet, dans ses écrits, la description objective d’un monde sans signification intrinsèque, toute signification se réduisant à un simple mirage favorisant le renouvellement indéfini de l’absurde :

« Des sphères brillantes en nombre infini, dans l’espace illimité, une douzaine environ de sphères plus petites et éclairées, qui se meuvent autour de chacune d’elles, chaudes à l’intérieur, mais froides et solidifiées à la surface, des êtres vivants et intelligents sortis de l’espèce de moisissure qui les enduit. Cependant c’est une situation bien critique pour un être qui pense, que d’appartenir à l’une de ces sphères innombrables emportées dans l’espace illimité, sans savoir d’où il vient et où il va, perdu dans la foule d’autres êtres semblables, qui se pressent, travaillent, se tourmentent, naissent et disparaissent rapidement et sans trêve dans le temps éternel. » [38]

Conséquent avec lui-même, Schopenhauer mena essentiellement une vie de solitude et d’abstinence, ne se liant réellement d’affection qu’avec ses animaux.

À l’opposé, l’objectivation du monde par la technoscience s’est auréolée, dès sa naissance, de « la croyance inébranlable que la pensée, en suivant le fil conducteur de la causalité, peut atteindre aux abîmes les plus lointains de l’être et qu’elle est à même non seulement de le connaître, mais encore de le corriger » [39]. Plutôt que pour la passivité du « tout est vain », les sociétés industrielles ont opté pour le « tout est permis » technoscientifique et pour la réduction de ses conséquences humaines et écologiques à des problèmes techniques.

Pourquoi hésiter à transformer la Terre en une planète-laboratoire, afin de substituer une vie artificielle à la vie naturelle, puisque « tout est permis » ? Si la répétition des générations n’est que la répétition sans fin de l’insignifiant, pourquoi fixer des limites à la puissance technologique ? Qu’importe, en cas d’échec, de détruire la vie sur Terre en voulant la corriger, si cette vie, dans sa forme originelle, n’est que souffrance insensée ? En définitive, le relativisme des valeurs, qui accompagne l’individualisation des choix dans une société immergée dans le nihilisme actif, rend inaudible toute réflexion critique sur les aspirations à la délivrance, pendant que la rationalité technologique devient la norme universelle. De ce fait, l’obsolescence de la raison s’accentue avec le déchaînement mortifère de cette rationalité.

D’un point de vue politique, l’objectivation du monde se traduit par la prééminence de la technocratie et par le fétichisme de la technologie. « Technocratie » désigne la société qui s’organise hiérarchiquement en fonction de ses technologies. En retour, cette société vénère la technologie, à qui elle attribue le pouvoir magique de délivrer l’humanité de la condition humaine et de régler avantageusement tous les problèmes, sociaux ou écologiques, créés par cette frénésie de la délivrance. Au point que :

« La difficulté de l’homme moderne à admettre l’éventuelle nocivité de la technoscience n’est pas sans analogie avec le sentiment d’absurdité qu’éprouverait le fidèle devant l’assertion : Dieu est mauvais. » [40]

Cette déification aboutit à la fermeture politique des sociétés industrielles qui, en sacralisant la désacralisation du monde dont elles se nourrissent, leur interdit d’imaginer une limite à leur expansion destructrice.

De manière universelle, les cultures traditionnelles ont associé la fécondité féminine et la fertilité de la Terre, appréhendée comme une « mère nourricière, sensible, vivante et réactive aux actions humaines. » L’émergence de la science moderne et les débuts de la technocratie correspondent au moment où la Terre a cessé d’être considérée « comme un organisme vivant pour être vu, à la place, comme une machine. » Le programme baconien de domination de la nature, qui promet la délivrance en associant le savoir et le pouvoir, conserve l’analogie entre la nature et la femme, mais dans la perspective de leur exploitation commune [41]. La capacité d’abstraction et de rationalité justifie le caractère masculin de ce programme, car, comme le soutenait encore Darwin :

« Ce qui établit la distinction principale dans la puissance intellectuelle des deux sexes, c’est que l’homme atteint, dans tout ce qu’il entreprend, un point auquel la femme ne peut arriver. » [42]

Depuis, ce programme, bien que remis en cause par le féminisme matérialiste, a progressé de la mort symbolique à la mise à mort concrète de la nature. Ce qui ne l’empêche pas, avec les biotechnologies, de s’entêter en cherchant à maîtriser et à corriger la « matrice de la vie », préalablement réduite à des processus physico-chimiques. La biologie de synthèse ambitionne la recréation de la nature et la biomédecine la recréation de l’humain, sur le modèle de la machine. Pour Reynolds, ce remplacement des corps « naturels » par des corps « artificiels » correspond à un rituel qui repose sur la croyance en la supériorité de l’artifice technologique sur la nature et vise à contrôler ce qui, a priori, est incontrôlable. Ce rituel consiste à créer des dysfonctionnements dans les éléments naturels par l’intervention technologique, puis à leur substituer des doubles technologiques [43].

Il en est ainsi de la maternité, que la biomédecine déconstruit en tant que fait naturel et reconstruit en tant que processus technologique. La déconstruction est à la fois pratique, par l’accroissement de la stérilité masculine, et symbolique, du fait que, « dans le cadre du modèle technocratique, le corps de la femme est considéré comme une machine anormale, imprévisible et intrinsèquement défectueuse » [44]. La reconstruction, de son côté, suit le modèle de la perfection mécanique, par la décomposition médicale de la gestation et de l’accouchement, ou, plus radicalement, par le remplacement du ventre maternel par un ventre-machine.

Le capitalisme, à la fois le moyen et la fin de la technocratie, est un techno-capitalisme. Sa dynamique est une fuite en avant perpétuelle, afin d’ouvrir des débouchés rentables aux capitaux excédentaires par l’élargissement continu du domaine de la marchandise : par l’abolition du gratuit, du spontané et du divers, que la technologie peut reconditionner rituellement en monnayable, programmé et uniforme. Les biotechnologies (l’ingénierie génétique, la médecine régénératrice, la biologie de synthèse, la bio-impression), qui promettent de dépasser les limites naturelles des êtres vivants, sont le moyen pour le techno-capitalisme de repousser les limites de son développement en faisant du vivant une matière première indéfiniment exploitable.

Comme l’écrit Céline Lafontaine :

« Perçus comme ressource renouvelable et non polluante, les organismes vivants incarnent l’espoir d’échapper à l’entropie et de poursuivre une croissance économique illimitée. […] Ce sont les processus biologiques qui deviennent l’enjeu de la bioéconomie puisque ce n’est qu’à partir d’une décomposition, d’une manipulation et d’une transformation technoscientifique que ces organismes acquièrent une plus-value économique. » [45]

L’emprise biomédicale sur la reproduction humaine s’intègre dans ce processus général de marchandisation de la vie et de la constitution d’une « civilisation in vitro », dans laquelle les ovules, le sperme, les cellules souches, les cellules hybridées ou génétiquement modifiées et les embryons deviennent des bio-objets à disposition de la technocratie et de l’industrie. Au prix d’une dé-symbolisation du corps humain [46].

La technicisation de la gestation et de l’accouchement participe à ce nihilisme actif, l’objectivation biotechnologique dissolvant le symbole de la naissance. Pour Hannah Arendt, la faculté d’agir, fondée sur la pluralité humaine et les rapports humains médiatisés par le langage, se caractérise par une irréductible imprévisibilité. Et cette faculté d’agir, qui s’identifie à la liberté humaine, n’existe que grâce à la « naissance d’hommes nouveaux, [au fait] qu’ils commencent à nouveau l’action dont ils sont capables par droit de naissance. Seule l’expérience totale de cette capacité peut octroyer aux affaires humaines la foi et l’espérance » [47]. La maladie n’est pas la grossesse, l’accouchement ou le vieillissement et la mort. La maladie est le nihilisme technocratique. Non seulement parce que, comme l’affirmait Nietzsche, il existe une joie de vivre plus profonde que les souffrances inhérentes à la condition humaine, et qui peut les transcender sans chercher à s’en délivrer. Mais aussi parce que la répétition des générations n’est le « retour du même » qu’en abstraction et que la mort, complémentaire de la naissance, est ce qui rend possible la liberté de réinventer sans cesse des modes de vie.

Étant donné ce sens de la naissance, la démesure technocratique contemporaine apparaît comme intrinsèquement totalitaire. Les nouvelles technologies, de l’intelligence artificielle aux biotechnologies, ont pour même origine la cybernétique (la science du contrôle). D’un côté, la numérisation intégrale de l’existence favorise le renforcement de la surveillance et du conditionnement au sein de la société-machine. D’un autre côté, l’organisation biomédicale des naissances, et la reprogrammation génétique potentielle des nouveaux nés, anéantit la faculté d’agir. Le totalitarisme, écrit Arendt, « a le devoir d’éliminer, non seulement la liberté, […] mais encore la source même de la liberté que le fait de la naissance confère à l’homme et qui réside dans la capacité qu’à celui-ci d’être un nouveau commencement » [48]. Et c’est bien la finalité, aujourd’hui, du totalitarisme technologique qui, tout en faisant miroiter la délivrance de la condition humaine, cherche à prédestiner (génétiquement) et à conditionner (numériquement) afin de se prémunir de toute imprévisibilité politique.

Les êtres humains ont dépassé leurs conditionnements biologiques en s’instituant comme des êtres culturels à partir de trois interdits majeurs : le meurtre, l’anthropophagie et l’inceste. Les réflexions précédentes amènent à considérer la société industrielle comme une anti-culture, qui échappe à l’anomie et la violence uniquement par la survivance des cultures traditionnelles. Cette société se nourrit, vis-à-vis de ces cultures, de transgressions perpétuelles, et taxe d’obscurantistes, de réactionnaires et d’inefficaces les tentatives de lui imposer des limites. Elle est permissive pour tout ce qui favorise les avancées techno-marchandes, quitte, dans le cas de la reproduction, à détruire les liens de filiation, de parenté et de soins maternels. Mais elle est inflexible sur tout « commencement nouveau » en matière d’organisation sociopolitique. Pourtant, l’eugénisme négatif, quand il est imposé de manière coercitive, est un meurtre. L’eugénisme positif, de son côté, est un anthropocide assimilable à de l’anthropophagie, consistant à « manger » ce qu’il considère comme le « cœur » du vivant (les gènes) afin, après « digestion » technologique, de tendre vers le divin. Enfin, le clonage est, davantage encore que l’inceste, la manifestation du fantasme de toute-puissance.

Or, c’est bien la volonté d’interdire ces pratiques, pour défendre la faculté d’agir, qui passe aujourd’hui pour intolérable [49]. Et la terreur est inutile pour imposer aux populations des nations industrialisées la dépossession de leur autonomie et leur intégration à la Mégamachine cybernétique, tant elles paraissent enchaînées à leur « liberté répressive » (Marcuse). Ces populations adorent les technologies qui les délivrent de la peine de penser, et marchent ainsi, « d’un pas de somnambule, vers les mines meurtrières, conduit par le chant des inventeurs » [50].

Conclusion

Pour Francis Galton, cousin de Darwin, l’eugénisme « était censé poursuivre le progrès industriel sur le plan biologique en améliorant l’humanité dans sa nature même » [51]. Le bio-capitalisme est la tentative contemporaine de réaliser ce projet. Rien n’indique qu’il soit réalisable, tant le dogme de la biologie moléculaire ignore le système complexe et aléatoire formé par les gènes, l’organisme et l’environnement [52]. En pratique, le bricolage génétique, sans fondement théorique solide, risque principalement de provoquer des bavures, ajoutant des pollutions génétiques aux pollutions déjà existantes [53].

Ce scepticisme n’implique pas d’en négliger les effets idéologiques, car le gène est devenu une « icône culturelle », dont les fonctions sont multiples. Outre qu’il sert le biomarketing permettant la poursuite des recherches sur la reproduction artificielle et la marchandisation des bio-objets, le gène justifie « une certaine idée de la nature humaine, solide, immuable et qui refléterait parfaitement les rapports sociaux et politiques actuels », que ce soit au sein des nations industrielles ou de la société mondiale [54].

En outre, dans un contexte associant les inégalités nationales et planétaires, les déséquilibres démographiques et la poursuite de la destruction industrielle de la nature, l’idéologie du gène éloigne les esprits de l’idée d’une autorégulation démographique accompagnée d’une égalisation des conditions et d’une réinvention des modes de vie. Et les prédisposent à consentir à l’escalade de la violence. Personne ne pourra dire que certains n’ont pas prévenu :

« La pression de milliards de personnes affamées et désespérées n’est pas encore assez forte pour que les puissants envisagent la solution de Kurtz comme la seule humaine, la seule possible, la seule profondément logique. Mais ce jour n’est pas tellement éloigné. Je le vois venir. » [55]

Jacques Luzi,
maître de conférences à l’université de Bretagne-Sud.
Dernier ouvrage paru, Au rendez-vous des mortels. Le déni de la mort dans la culture occidentale, de Descartes au transhumanisme (2019, La Lenteur).

 

 

Article publié dans la revue
Ecologie & politique n°65,
« Les enfants de la Machine »,
novembre 2022.

 


[1] C. Darwin, La descendance de l’homme et la Sélection sexuelle, 1876, p. 751.

[2] T. Duster, Retour à l’eugénisme, Kimé, 1992, p. 15 (la citation a été mise au présent).

[3] P. Valéry, Regards sur le monde actuel, Gallimard, 1945 (1931), avant-propos, p. 21.

[4] F. Braudel, La dynamique du capitalisme, Arthaud, 1985, p. 83-84.

[5] T.-R. Malthus, Essai sur le principe de population, Garnier Flammarion, tome I et II, 1992 (établi à partir de la cinquième édition, 1817, la première édition datant de 1798).

[6] Ibid., tome II, p. 67.

[7] T.-R. Malthus, On the State of Ireland, 1809, cité par D. Rutheford, « Les trois approches de Malthus pour résoudre le problème démographique », Population, 2007/2, Volume 62, p. 262.

[8] Voir le documentaire de R. Peck, Exterminez toutes ces brutes, Arte éditions, 2021.

[9] Z. Bauman, Vies perdues. La modernité et ses exclus, Rivages Poche, 2009, p. 18.

[10] Ibidem, p. 73.

[11] Z. Corbyn, « Shanna Swan: “Most couples may have to use assisted reproduction by 2045” », interview, The Guardian, 28 mars 2021, theguardian.com.

[12] K. Yansae et.al., « The new population bomb. For the first time, humanity is on the verge of long-term decline », Nikkei Asia, 22 septembre 2021 (traduit par Courrier international, n°1628, janvier 2022). Dans cet article, la perspective de dépeuplement des pays industrialisés sert à défendre l’extension de l’automatisation, censée contrebalancer la baisse de la population active.

[13] Z. Bauman, Vies perdues, op.cit., p. 86.

[14] On estime que, dans les vingt ans qui viennent, la population de migrants s’élèvera au moins à cinq cent millions d’âmes, en ajoutant aux déplacements « volontaires » (…) ceux qui sont liés aux conflits armés, à la pauvreté et aux dégradations environnementales », E. Pestre, La vie psychique des réfugiés, Payot, Paris, 2014, p. 29-30.

[15] N. Klein, « The rise of the fortress continent », 15 janvier 2003, naomiklein.org.

[16] S. Graham, La militarisation de l’espace urbain : la ville sous contrôle, La Découverte, 2012.

[17] R. Kurz, Impérialisme d’exclusion et état d’exception, Divergences, 2018, p. 30.

[18] J. Harlow, « Billionaire club in bid to curb overpopulation », The Times, 24 mai 2009, thetimes.co.uk.

[19] F. Ioannou, « La sinistre histoire des stérilisations contraintes en Inde (ou ailleurs) », 20 nombre 2014, slate.fr.

[20] R. Oas, « Les féministes de battent contre le lobby du contrôle démographique », Center for Family & Human Right, 1er juillet 2014, c-fam.org.

[21] H. Arendt, Les Origines du totalitarisme. Le système totalitaire, Seuil, 1972 (1951), p. 278-279.

[22] G. N. Amzallag, L’homme végétal. Pour une autonomie du vivant, Albin Michel, 2003, p. 54. L’auteur y montre la présence, dans le monde vivant, d’une multitude de mécanismes de modération autorégulatrice et d’association mutualiste, qui invalide le darwinisme.

[23] A. Pichot, La société pure. De Darwin à Hitler, Flammarion, 2000, p. 78 sq.

[24] D. Le Breton, « Le gène comme patient : une médecine sans sujet », Les Cahiers du Centre Georges Canguilhem, PUF, Paris, 2007, n°1, p. 20.

[25] C. Lafontaine, « La bioéconomie ou le marché sans limite », dans M. Flis-Trèves et al., Mesure et démesure… Peut-on vivre sans limites ?, PUF, Paris, 2015.

[26] S. Martin, Le désenfantement du monde. Utérus artificiel et effacement du corps maternel, Liber, Montréal, 2011, p. 174 & 85. Sur l’opposition entre la liberté-délivrance et la liberté-autonomie, A. Berlan, Terre et liberté. La quête d’autonomie contre le fantasme de délivrance, éditions de la Lenteur, Saint-Michel-de-Vax, 2021.

[27] C. Lasch, Les femmes et la vie ordinaire, Flammarion, 2018 (1997), p. 232.

[28] R. E. Davis-Floyd, « The Technocratic Body : American Childbirth as Cultural Expression », Social Science and Medecine n°38, 1994, p. 1138 (ma traduction).

[29] M. Vacquin, Main basse sur les vivants, Fayard, p. 194.

[30] B. Hirschler, « Chinese scientists break key barrier by cloning monkeys », 24 janvier 2018, reuters.com.

[31] Jasea, « Production de sperme artificiel », 16 juillet 2015, iatranshumanisme.com.

[32] 20 Minutes, avec AFP, « Reproduction : Des souris créées sans ovule, pour la première fois », 14 septembre 2016.

[33] D. Le Breton, « Le gène comme patient : une médecine sans sujet », op.cit., p. 31.

[34] S. Martin, Le désenfantement du monde, op.cit., p. 96 sq.

[35] C. Lafontaine, Le corps-marché. La marchandisation de la vie humaine à l’ère de la bioéconomie, Seuil, 2014, p. 102 sq.

[36] N. Athéa, « Médicalisation de la vie reproductive des femmes : quelques aspects », Revue française des affaires sociales, 2020/3, p. 141.

[37] M.-J. Bonnet, La maternité symbolique. Être mère autrement, Albin Michel, 2020, p. 64, 192 & 218.

[38] A. Schopenhauer, Le monde comme volonté et comme représentation, PUF, 1966 (1818), p. 671.

[39] F. Nietzsche, La naissance de la tragédie, Gallimard, 1977 (1872), p. 92.

[40] C. Castoriadis, « Voie sans issue ? », Le monde morcelé. Les carrefours du labyrinthe III, Seuil, p. 123.

[41] C. Merchant, La mort de la nature. Les femmes, l’écologie et la révolution scientifique, Wildproject, 2021 (1980), p. 62, 32 & 284. B. Louart, Les êtres vivants ne sont pas des machines, La Lenteur, 2018.

[42] C. Darwin, La descendance de l’homme et la Sélection sexuelle, op.cit., p. 683.

[43] P. C. Reynolds, Stealing Fire. The Mythology of Technocracy, Iconic Anthropology Press, Palo Alto, 1991.

[44] R. E. Davis-Floyd, « The Technocratic Body : American Childbirth as Cultural Expression », op.cit., p. 1127.

[45] C. Lafontaine, « Le corps cybernétique de la bioéconomie », Hermès, n°68, p. 32-33.

[46] C. Lafontaine, Bio-objets. Les nouvelles frontières du vivant, Seuil, 2021.

[47] H. Arendt, L’Humaine condition, Quarto Gallimard, 2012 (1961), p. 259.

[48] H. Arendt, Les Origines du totalitarisme. Le système totalitaire, op.cit., p. 291 & 312.

[49] En France, PMO font partie des rares à clairement plaider en faveur de l’abolition de « toute reproduction artificielle de l’humain », Alertez les bébés !, Service compris, 2020, p. 133-143.

[50] R. Char, « Feuillets d’Hypnos » (1943-1944), Œuvres complètes, Gallimard, 1983, p. 204 & 205.

[51] A. Pichot, La société pure, op.cit., p. 176.

[52] Par exemple, E. Fox Keller, Le siècle du gène, Gallimard, 2003.

[53] André Pichot : « La valeur médicale de la génétique est surestimée », Le Temps, 25 avril 2020.

[54] D. Nelkin et S. Lindee, « Sommes-nous pilotés par nos gènes ? », La Recherche, n°331, juillet 1998.

[55] S. Lindquist, Exterminez toutes ces brutes. L’odyssée d’un homme au cœur de la nuit et les origines du génocide européen, Le Serpent à plumes, 1998 (1992), p. 152.

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