André Pichot, Sur la notion de programme génétique, 2002

D’un point de vue théorique, la notion de programme génétique est fondée sur la proposition de Schrödinger (1944) d’expliquer l’hérédité c’est-à-dire la transmission d’une organisation biologique par la transmission d’une substance dotée d’un ordre physique stable et strictement défini (un « cristal apériodique »), qui joue comme un « modèle à quatre dimensions » de l’être vivant et, de son développement [Schrödinger 1951].

Chez Schrödinger, cette substance n’est pas encore l’ADN, car à l’époque on pensait que le substrat de l’hérédité était de nature protéique. La notion d’information, a fortiori celle de programme, n’apparaît pas non plus chez lui (la théorie mathématique de la communication de Shannon et Weaver date de 1948) [Shannon 1948 ; Shannon & Weaver 1949]. Sa conception est complètement abstraite (indépendante de la nature chimique de la substance porteuse de l’hérédité) et classiquement physique (sans recours à la théorie de l’information).

Schrödinger reprend quasiment telles quelles les considérations de F.-G. Donnan (1918) sur la situation thermodynamique des êtres vivants, principalement celles relatives à la nature statistique des lois de la chimie. Ce caractère statistique (les lois portent sur des « populations » comprenant un grand nombre de molécules en désordre, et non sur le comportement individuel de chacune de ces molécules) est opposé à l’ordre des êtres vivants (la cellule contient un petit nombre de molécules se comportant individuellement de manière très précise, avec un déterminisme quasi mécanique) [Donnan 1918].

Schrödinger en tire la conception d’une hérédité par transmission d’une substance rigidement ordonnée, à partir de laquelle peut se développer un organisme non moins rigidement ordonné. Une telle conception est alors une quasi-nouveauté en biologie. Une idée proche avait certes été formulée (dans une perspective tout autre que la thermodynamique) par Weismann à la fin du XIXe siècle [Weismann 1892 ; Weismann 1893], mais elle était quelque peu noyée dans les diverses considérations de cet auteur. En effet, si la théorie weismannienne d’un plasma germinatif a eu une grande postérité, toute sa dimension physiologique a disparu rapidement, tant elle était fantaisiste et incompatible avec ce que les progrès de l’analyse biochimique révélaient. Or, l’idée d’une hérédité inhérente à l’architecture d’un plasma germinatif était partiellement liée à cette dimension physiologique, notamment à l’explication du développement et de la différenciation cellulaire.

Par ailleurs, durant la première moitié du XXe siècle, deux facteurs ont contribué à gommer cette idée de la transmission d’une organisation biologique par la transmission d’une substance ordonnée. Tout d’abord la croyance que le substrat de l’hérédité était, de nature protéique. Les protéines, en raison de leurs propriétés enzymatiques, ont longtemps été considérées comme les molécules caractéristiques des êtres vivants (voire comme des molécules vivantes). Elles étaient invoquées à tout propos, et notamment dans le cas de l’hérédité. Celle-ci était alors envisagée sous une forme essentiellement enzymatique, une activité chimique plutôt qu’une transmission de structure. C’est également cette conception protéique qui explique pourquoi en 1944 les travaux d’Avery sur la transformation du pneumocoque [Avery, MacLeod & McCarty, 1944] ne furent pas immédiatement compris comme signifiant que l’ADN était le support de l’hérédité [Gros, 1991] (l’ADN était, alors souvent, considéré comme ayant un rôle énergétique, par analogie avec l’ATP déjà connu).

Un autre facteur de la disparition de l’idée weismannienne d’une hérédité par transmission d’une substance ordonnée vient de la nature très particulière de la génétique de Morgan qui domina la première moitié du XXe siècle et qui était axée sur une cartographie localisant les gènes (en fait, les mutations) le long des chromosomes [Morgan, Sturtevant. Muller & Bridges 1972 ; Morgan 1926]. Cette localisation renvoie certes à une structure du matériel héréditaire, mais elle diffère radicalement de la conception weismannienne d’une architecture du plasma germinatif en ce que, contrairement à celle-ci, elle n’a pas de rôle physiologique. On ignorait alors tout de la nature et du fonctionnement des gènes, et cette cartographie servait juste à les concrétiser eu les assimilant à des loci, mais sans que les positions relatives de ces loci se voient attribuer une signification physiologique, par exemple dans l’organisation des caractères phénotypiques correspondants (à, quelques exceptions près, comme l’effet de position pour la mutation bar de la drosophile).

L’idée de Schrödinger d’expliquer l’hérédité par la transmission d’une substance ordonnée était donc une quasi-nouveauté. Son intérêt ne fut d’ailleurs pas tout de suite compris, et il fallut attendre la découverte de la structure de l’ADN (1953) pour que les généticiens commencent à voir comment ils pourraient l’utiliser. Ce qui débouchera, au début des années 1960, sur ce qu’il est convenu d’appeler la théorie du « programme génétique ».

La manière dont cette théorie s’est mise en place est loin d’être claire. Elle a nécessité à la fois le passage d’une hérédité-protéine à une hérédité-ADN (après 1944), l’interprétation de la structure de cet ADN dans le cadre de la conception de Schrödinger (après 1953), et l’interprétation de celle-ci en termes d’information (après 1948). Ces trois processus ont, dû s’entremêler, mais personne ne semble très bien savoir comment cela s’est fait. Le caractère embrouillé de son élaboration a manifestement eu des conséquences sur la théorie elle-même, car celle-ci a toujours été assez floue et incertaine.

Quoi qu’il en soit de cette obscure généalogie, on trouve au début des années 1960 des formulations à peu près complètes d’une théorie du programme génétique, et notamment, comme l’indique H. Atlan [Atlan, 1999], en 1961 dans un article de E. Mayr [Mayr, 1961]. Cet article, où il y a encore une certaine confusion entre programme et code génétiques, ne mentionne même pas le nom de Schrödinger : l’origine et les fondements physiques de la théorie étaient déjà sinon oubliés, du moins négligés. Et ils le seront encore plus par la suite, au point d’être à peu près ignorés aujourd’hui par la plupart des généticiens.

Le programme génétique, tel qu’il va régner dans les années 1960, diffère sensiblement de la conception de Schrödinger, mais il en conserve le principe et les lignes générales. Il en est la forme vulgarisée et assouplie.

Chez Schrödinger, comme chez Weismann, l’ordre du matériel génétique commande l’ordre de l’être vivant de manière stricte. Chez eux, il y a une relation étroite, nécessaire et biunivoque entre l’architecture du matériel génétique et l’organisation de l’être vivant. Le déterminisme héréditaire est omnipotent.

Dans la théorie du programme génétique des années 1960, l’ordre de l’ADN ne commande directement que l’ordre interne des protéines. Il y a une lecture séquentielle de l’ordre des nucléotides du gène, avec une commande subséquente de l’ordre des acides aminés de la protéine correspondante (une colinéarité entre le gène et la protéine), mais sans qu’il y ait une lecture séquentielle de l’ordre des gènes, avec une commande subséquente du développement et de l’organisation de l’être vivant (une sorte de « colinéarité » entre l’ordre des gènes et l’ordre de l’être vivant). Le code génétique régit la relation entre acides nucléiques et protéines, alors que chez Schrödinger (qui a inventé cette expression de « code ») il touchait plus généralement la relation entre le matériel génétique et la structure de l’être vivant.

Le programme génétique revient donc partiellement à la conception pré-schrödingerienne qui associait hérédité et enzymes. Dans cette conception très vague et très implicite, le matériel transmis était fait de gènes-protéines, dont l’activité enzymatique assurait la construction de la structure vivante. Maintenant, ce sont des gènes-ADN qui sont transmis et qui commandent la synthèse de protéines dont l’activité va assurer la construction de la structure vivante. Il y a juste une étape supplémentaire dans le processus, celle de la synthèse de protéines à partir des gènes-ADN transmis (alors qu’auparavant, c’étaient directement les protéines qui étaient transmises, sans que rien ne soit dit sur leur synthèse). La génétique tend alors à se concentrer sur cette seule étape (c’est celle qu’on sait le mieux étudier), tandis que l’armature théorique de Schrödinger passe au second plan : elle n’est plus guère qu’une sorte de cadre général, le fond sur lequel est brodée l’explication par les protéines (autrement dit : l’hérédité-transmission-d’un-ordre-physique s’estompe pour laisser la place à une synthèse de protéines qui, grâce à leurs propriétés enzymatiques, vont donner à l’être ses caractères héréditaires).

Ainsi compris, le programme génétique est sans doute un progrès par rapport à la conception pré-schrödingerienne, mais c’est un recul par rapport à Schrödinger, du moins si l’on se place dans une perspective « structurale » et physique de l’hérédité, et en supposant que cette perspective soit la bonne (ce qui n’est pas certain). En effet, tout l’aspect rigide inhérent à l’ordre quasi cristallin postulé par Schrödinger (et indispensable au fonctionnement de son modèle), cet aspect rigide est considérablement amoindri. Cependant, comme on persiste à considérer que, d’un point de vue théorique, l’ordre du matériel génétique commande l’organisation de l’être vivant, on doit supposer que les protéines, via les régulations, compensent la perte d’ordre inhérente à la disparition de la relation biunivoque qu’il y avait chez Schrödinger entre la structure du matériel génétique et celle de l’être vivant.

Le programme génétique est donc beaucoup moins directif et beaucoup plus souple que la conception de Schrödinger. Il laisse la place à une multitude de régulations qui pourront éventuellement donner un rôle à des facteurs externes à l’être vivant. C’est-à-dire qu’il ouvre la possibilité d’une épigenèse, notion absente chez Schrödinger et très restreinte chez Weismann (pour qui tout caractère acquis n’est acquis que parce que l’être a une prédisposition héréditaire à l’acquérir ‑ ce qui limite étroitement les possibilités d’action du milieu extérieur sur l’organisation de l’être vivant).

Un tel assouplissement est indispensable pour que la conception de Schrödinger quitte le niveau de la pure spéculation et devienne utilisable dans une biologie « concrète ». Il a néanmoins un inconvénient, c’est qu’il s’éloigne des conditions physiques que Schrödinger avait posées, notamment celles nécessaires pour que la structure du matériel génétique puisse se développer en une organisation biologique sans (trop) de perte d’ordre, à savoir une rigidification extrême, une quasi-solidification de l’être vivant (Schrödinger a d’abord pris comme modèle le cristal ; puis, par nécessité d’assouplissement, il s’est replié sur un autre modèle : l’horloge qui, en tant que solide articulé, est déjà un peu moins rigide ; ici l’assouplissement va encore plus loin).

Ces nécessités physiques (et notamment celles inhérentes au développement de l’ordre du matériel génétique en un être vivant ordonné) disparaissent dans la théorie du programme génétique grâce au remplacement de l’ordre par l’information, notion très vague qui est le plus souvent comprise comme une sorte d’instruction. Le flou ainsi créé permet de conserver le principe de Schrödinger en oubliant ses conditions physiques de mise en œuvre. Tout juste cette question des possibilités physiques affleure-t-elle dans l’importance accordée par la biologie moléculaire aux nombreuses structures qui rigidifient la matière cellulaire et font d’elle une sorte de machinerie chimique où les différentes molécules sont chacune à leur place et exercent leur fonction comme les rouages d’une horloge (loin du désordre inhérent aux lois statistiques de la chimie ; lequel, rappelons-le, est le point de départ de Donnan et de Schrödinger).

Au cours des années 1970, la conception de Schrödinger va connaître un nouvel assouplissement. Des parties entières du matériel génétique ne correspondent plus à aucun gène et l’ordre interne de ceux-ci est perturbé (par leur morcellement en exons et introns). La colinéarité entre le gène et la protéine disparaît comme la « colinéarité » entre l’ordre du matériel génétique et l’ordre de l’être vivant avait disparu dans les années 1960 (comparativement à la correspondance biunivoque existant entre eux chez Schrödinger). Aux régulations propres au programme génétique des années 1960, s’en ajoutent de nouvelles destinées à compenser cette perte d’ordre interne au gène. La conception structurale laisse donc encore un peu plus la place à la conception protéique, ce qui ouvre encore plus la porte aux facteurs épigénétiques et rend encore moins appropriée la notion de programme (même lorsqu’on ne la prend pas en son sens étymologique de « pré-écrit »).

Dans une de ces comparaisons linguistiques chères aux biologistes, on pourrait dire que le matériel génétique selon Schrödinger est une phrase où chaque lettre et chaque mot est à sa place. Dans le programme génétique des années 1960, chaque lettre est à sa place à l’intérieur des mots, mais les mots eux-mêmes sont en désordre dans la phrase. À la fin des années 1970, non seulement les mots sont en désordre, mais il y a, en eux et entre eux, des suites de lettres sans signification, ces mots peuvent se chevaucher, ils ont des sens de lecture différents, etc.

Un mauvais esprit dirait que le matériel génétique selon Schrödinger est Phèdre de Racine. Le programme génétique des années 1960 est Phèdre récitée par un dyslexique (le texte est encore compréhensible, grâce à quelques « régulations » effectuées par l’auditeur ‑ le principe de Schrödinger est assoupli mais encore à peu près respecté). Au début des années 1980, le génome commence à ressembler à la production d’un singe dactylographe.

On est en tout cas très loin de l’ordre rigide schrödingerien, très loin de son « cristal apériodique ». Ce qui n’empêche pas la génétique de continuer à se réclamer de son principe fondamental, à savoir la transmission d’un ordre physique par la transmission d’une substance physiquement ordonnée. En fait, une substance de moins en moins ordonnée, ou, plus exactement, une substance dont l’ordre est de moins en moins strictement signifiant, et dont la relation à l’organisation de l’être vivant est de plus en plus vague et incertaine ; une part de plus en plus importante de l’ordre revenant aux régulations et aux facteurs épigénétiques ‑ d’où un déplacement de plus en plus marqué de l’hérédité vers les protéines qui reprennent ainsi peu à peu le rôle essentiel qu’elles avaient dans la conception pré-schrödingerienne.

Ajouté à l’oubli des conditions physiques de sa mise en œuvre, cela signifie que le principe de Schrödinger, déjà bien affaibli, est aujourd’hui à peu près complètement « démantibulé ». Et cela, alors même qu’on conserve la théorie du programme génétique qui est fondée sur lui.

D’un point de vue théorique, les progrès de la génétique réalisés depuis 1944 ont donc progressivement amoindri la portée du principe explicatif schrödingerien au point de quasiment l’annihiler, en même temps que les généticiens s’efforçaient de le sauver en lui ajoutant régulations sur régulations, un peu comme les astronomes du Moyen Âge empilaient les épicycles sur les épicycles pour sauver le modèle géocentrique que les observations rendaient de plus en plus improbable. Avec cette particularité supplémentaire : c’est que cet affaiblissement du modèle de Schrödinger et cette augmentation du rôle des régulations diminuent de plus en plus l’importance de l’hérédité au profit de l’épigenèse. Ils réduisent le déterminisme génétique et le diluent dans les facteurs épigénétiques au point qu’il devient difficile de les différencier (en même temps, par une sorte de compensation, l’hérédité est valorisée à l’extrême par la vulgarisation et le discours médiatique).

Il est vrai que la notion d’information, telle qu’elle est utilisée en biologie, est suffisamment vague pour que l’on puisse considérer l’ordre des régulations comme inhérent au programme, sans trop se soucier de l’ordre du matériel génétique proprement dit. Moyennant quoi, et quitte à se contenter d’une explication qui tend de plus en plus au verbalisme, on peut évidemment continuer à parler de programme génétique. Cependant, si l’on veut garder un minimum de rigueur, la « déstructuration » du matériel génétique est quand même un peu gênante dans une théorie fondée tout entière sur l’ordre de ce matériel, sur sa transmission à travers les générations, et sur sa capacité à contrôler l’organisation (structure et développement) de l’être vivant. Et cela, indépendamment de toute considération sur la pertinence du mot « programme ».

Il ne semble pas que les généticiens s’inquiètent de la situation théorique ainsi créée. À quelques exceptions près, comme H. Atlan qui déplace la notion de programme, en considérant que celui-ci se trouve dans la structure même de l’être vivant (à commencer par celle de l’ovule), tandis que le génome devient une « banque de données » alimentant ledit programme [Atlan, 1999]. La conception d’Atlan a le mérite de la cohérence et, si les généticiens étaient un peu plus rigoureux, c’est la forme qu’aurait dû avoir le programme génétique dès les années 1960. Ce n’est toutefois pas un hasard si c’est seulement au moment où le génome se « déstructure » qu’elle est formulée : le défaut d’ordre induit par cette « déstructuration » est compensé par le recours à l’ordre d’une autre substance transmise, le cytoplasme, et d’abord le cytoplasme ovulaire. Grâce à quoi, on reste dans une stricte « orthodoxie schrödingerienne ». Avec quelque malice, on pourrait même objecter à Atlan que, s’il remet en cause la notion habituelle de programme génétique, c’est pour mieux sauver la conception de Schrödinger (ou, du moins, son interprétation en termes d’information). Reste à savoir si un tel sauvetage est suffisant et si le problème n’est pas plus compliqué, car la théorie schrödingerienne n’est pas elle-même sans défauts (le premier d’entre eux étant qu’elle est inutilisable en biologie à moins d’un assouplissement qui finit par la dénaturer complètement, fondée qu’elle est sur la rigidité) [Pichot, 1999].

En tout cas, ce faisant, Atlan manifeste une certaine audace théorique, car la perte d’ordre du génome n’a pas amené les généticiens à minimiser son rôle au profit de l’épigenèse, mais bien au contraire, et de manière assez paradoxale, à le valoriser en tant que programme génétique. Un peu comme si cette perte d’ordre, qui rend encore plus vague et improbable cette notion de programme, devait être compensée par un discours exaltant le génome, qui devient quasiment « l’essence de la vie », le texte sacré dont le décryptage va tout éclaircir.

Le généticien attaché à sa paillasse trouvera sans doute que ces quelques considérations sont de vaines finasseries qui tiennent fort peu devant l’expérience et les merveilleuses réalisations de la génétique moderne. Peut-être. Mais il n’empêche que c’est au moment où ces difficultés théoriques sont apparues que la génétique s’est massivement repliée vers des questions où l’aspect théorique est subalterne : le génie génétique et le décryptage des génomes.

Le génie génétique fait l’économie de telles considérations théoriques parce qu’il est largement empirique (en outre, il mériterait plutôt le nom de « génie protéique », car il consiste pour l’essentiel à faire synthétiser une protéine par un être vivant qui en serait autrement incapable, que cette incapacité soit naturelle ou pathologique).

Quant au décryptage des génomes, il a l’avantage de mettre en suspens les difficultés théoriques pour laisser la place à des problèmes surtout techniques. L’avantage aussi de laisser entrevoir une solution à ces difficultés : confrontés au désordre apparent du matériel génétique, les généticiens ont entrepris d’en « établir le texte lettre à lettre » pour confier à la puissance d’analyse de l’informatique le soin d’y découvrit un ordre fonctionnel (ce qui témoigne, finalement, d’une grande fidélité à Schrödinger). En quelque sorte, retrouver Phèdre dans une dactylographie simiesque. L’interprétation des textes est certes sans limites et sans fin (c’est ce qui fait son charme) ; mais il reste à savoir si on peut encore considérer cela comme de la science.

André Pichot

chercheur au CNRS en épistémologie

 et histoire des sciences

Article paru dans la revue Philosophia Scientiae en 2002.

Bibliographie

Atlan, H. 1999, La fin du « tout génétique » ? Vers de nouveaux paradigmes en biologie, Paris : INRA éditions.

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Donnan, F.-G. 1918, La science physico-chimique décrit-elle d’une façon adéquate les phénomènes biologiques, Scientia 24, 282-288.

Gros, F. 1991, Les secrets du gène, éd. O. Jacob/Points-Seuil, 48-49.

Mayr, E. 1961, Cause and Effect in Biology, Science 134, 1501-1506.

Morgan, T.H. 1926, The Theory of the Gene, New Haven : Yale University Press, 1928 (2e éd.).

Morgan, T.JI.; Sturtevant, A.H. ; Muller, H. J. ; & Bridges; C.B. 1972, The Mechanism of Mendelian Heredity (1915), New York/ Londres : Johnson Reprint Corporation.

Pichot, A. 1999, Histoire de la notion de gène, éd. Flammarion.

Schrödinger, E. 1951, Qu’est-ce que la vie? L’aspect physique de la cellule vivante (1944), traduction de Léon Keffler, Bruxelles-Genève : éditions de la Paix.

Shannon, CE. 1948, A mathematical theory of communication, Bell System Technical Journal 27, 379-423, 623-656.

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Weismann, A.

1892, Essais sur l’hérédité et la sélection naturelle, traduction de H. de Varigny, Paris : Reinwald

1893, The Germ-Plasm, a theory of heredity, 1892 (date de l’édition allemande) ; traduction anglaise de W. Newton Parker et Harriet Rönnfeldt, Londres : Walter Scott Ltd, 1893.

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