Patrick Marcolini, Héritiers situationnistes, 2009

De l’Internationale Situationniste à L’Insurrection qui vient

En vingt-neuf numéros et plus de mille cinq cents pages publiées, Le Tigre avait réussi l’exploit de ne jamais se pencher sur l’œuvre de Guy Debord. Non sans raisons, l’invocation du mouvement situationniste étant devenue, dans les médias, un poncif. Dans le dossier du volume précédent du Tigre, consacré pour une part aux textes de Julien Coupat et de ses proches, il manquait une analyse précise de la filiation entre ces derniers et les situationnistes. La voici.
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Patrick Marcolini, Jeter l’ancre, 2022

Situationnistes et anti-industriels face à la destruction de la nature

Résumé

Durant la transition entre le mouvement situationniste et la mouvance anti-industrielle, frange radicale de l’écologie politique, s’est opéré un travail des imaginaires dans lequel la littérature a eu sa part. Cet article vise à le mettre en évidence en analysant l’évolution de l’œuvre de Guy Debord, à mesure que sa critique du capitalisme s’élargissait à une dénonciation de la civilisation technologique. D’abord marquée par la pratique de la dérive dans les grandes métropoles, se traduisant sur le plan des métaphores par la prégnance de l’élément liquide, son œuvre s’ouvre progressivement, dans les années 1970 et 1980, aux paysages de l’Auvergne et à une sensibilité nouvelle à la nature, dont l’imaginaire anti-industriel, caractérisé par la prédominance de l’élément terrestre, représente un prolongement contemporain. Lire la suite »

Radio: Renaud Garcia, Anti-industrialisme ou anticapitalisme ?, 2020

Renaud Garcia, professeur de philosophie dans un lycée à Marseille, fait un exposé dans le cadre des rencontres du groupe Ecran Total qui entend résister à la gestion et à l’informatisation de nos vies, en octobre 2020.

L’anticapitalisme ou la critique du capitalisme, sous les formes de la dénonciation du profit, des marchés, de la finance et des banques, aussi légitime soit-elle, peut ne jamais toucher au cœur de la dépossession universelle qui s’étend depuis plus de deux siècles, à savoir le mode de vie fondé sur le salariat et l’industrie qui permet la production en masse des marchandises.

Il est donc nécessaire d’élargir la critique sociale, en lui adjoignant une critique culturelle des grandes organisations, du machinisme et de la représentation scientifique du monde.

Le document PDF adjoint à l’émission sur le site Archive.org contient le texte de l’intervention de Renaud Garcia, un glossaire de la WertKritik et quelques argument pour une critique de la WertKritik (24 pages au format A5). Vous trouverez ces documents ci-dessous.

 

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Racine de moins un
Une émission
de critique des sciences, des technologies
et de la société industrielle.

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Émission Racine de Moins Un n°71,
diffusée sur Radio Zinzine en décembre 2021.

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Radio Zinzine
2021: 40 ans de Radio Zinzine

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Miguel Amorós, Sur Jaime Semprun, 2017

Miguel Amorós évoque la vie et les œuvres de Jaime Semprun (26 juillet 1947 – 3 août 2010) avec une mention spéciale à son ouvrage de 1997, L’Abîme se repeuple récemment traduit en espagnol par les éditions Pepitas de Calabaza.

Cazarabet est le nom d’une librairie du Mas de las Matas (Teruel), en Espagne, où à eu lieu l’interview.

 

Photo de Jaime SemprunCazarabet : En tant qu’ami de Jaime et proche de sa pensée, quelle a été l’influence de la figure de son père, Jorge Semprun ?

Miguel Amorós : Jorge Semprun était son père uniquement en un sens biologique. Dans les quelques moments qu’il a passés auprès de lui, l’adolescent non-conformiste qu’était Jaime a reproché à son père d’être stalinien, et donc d’avoir contribué à l’œuvre totalitaire du régime soviétique pseudo-communiste. La réputation de son père en tant qu’écrivain et ami des politiciens était pour lui vulgaire et obscène, construite sur un gros mensonge dont il a tiré beaucoup de profit.

Jaime était tout le contraire. Il cultivait la vérité avec sobriété et discrétion. Il n’a jamais mis ses qualités en vente et a tout fait pour échapper au monstre de la publicité ; ce dernier a joué le jeu avec lui, l’ignorant. Il savait si bien comment se cacher du spectacle que trouver une photo de lui dans les médias aujourd’hui est une mission impossible. Lire la suite »

Miguel Amorós, On Jaime Semprun, 2017

Miguel Amorós discusses the life and works of Jaime Semprun, with special emphasis on Semprun’s 1997 book, L’Abîme se repeuple (The Abyss Repopulates Itself).

“Cazarabet” is the name of a bookstore in Mas de las Matas, Spain.

 

Photo de Jaime SemprunCazarabet: As a friend of Jaime’s who shared his views, what impact do you think the figure of his father, Jorge Semprun, had on him?

Miguel Amorós: Jorge Semprun was his father only in the biological sense. On the few occasions that Jaime, a non-conformist adolescent, mentioned him, he accused his progenitor of having been a Stalinist and therefore of having contributed to the totalitarian work of the pseudo-communist Soviet regime. His father’s celebrity as a writer and a friend of politicians seemed vulgar and obscene to Jaime, as it was founded on a big lie from which he derived a good payoff. Lire la suite »

Miguel Amorós, Sobre Jaime Semprún, 2017

Cazarabet: Amigo en el pensamiento de este escritor y pensador, ¿qué peso crees que supuso la figura de su padre, Jorge Semprún…?

Miguel Amorós: Jorge Semprún fue su padre sólo en sentido biológico. En los escasos momentos de trato, el adolescente inconformista que fue Jaime reprochó a su progenitor haber sido estalinista, y, por consiguiente, haber contribuido a la obra totalitaria del régimen seudocomunista soviético. La fama de su padre como escritor y amigo de políticos le resultaba vulgar y obscena, edificada sobre una gran mentira de la que sacó buena tajada. Él fue exactamente lo opuesto. Cultivó la verdad sobria y discretamente. Nunca puso en venta sus cualidades e hizo todo lo que pudo por apartarse del monstruo de la publicidad; éste le siguió el juego, ignorándolo. Supo tan bien ocultarse del espectáculo que encontrar hoy en los medios una foto suya resulta misión imposible. Lire la suite »

Michel Barrillon, Faut-il refuser le progrès ?, 2004

Le mythe du progrès au regard de la critique sociale

Prélude

De la nécessité de sortir des faux dilemmes

Si nous étions un tant soit peu sensés, nous remiserions parmi les vieilleries éculées ces notions de progrès, tradition, développement, croissance…, abusivement traitées comme des concepts. Ou, si nous étions rigoureux, nous les considérerions comme des fictions chimériques constitutives de l’imaginaire capitaliste et de l’idéologie de la plupart des économistes, ses plus zélés propagandistes ; reconnues ainsi comme mythes fondateurs ou « significations imaginaires sociales » de la modernité, elles seraient assimilables à autant d’objets d’étude relevant de l’histoire des croyances ou de l’anthropologie culturelle.

Mais, comme le disait Serge-Christophe Kolm à propos de certains de ses collègues, il est difficile à un auteur très « engagé » dans sa discipline de « reconnaître avec égalité d’âme qu’il a perdu des années de sa vie, ou toute celle-ci, à pratiquer une activité stérile » [1]. La remarque s’applique à une communauté de spécialistes qui s’obstinent vainement depuis un demi-siècle à chercher « la » solution des problèmes de développement. Ils sont d’autant plus enclins à persévérer dans cette quête illusoire qu’ils y trouvent le moyen de « réaffirmer leur légitimité » [2], quand ce n’est pas un poste gratifiant, ou le statut honorifique et envié de conseiller du Prince, ou encore celui d’intellectuel organique de mouvements politiques. On n’abandonne pas aisément ce qui s’apparente à un fonds de commerce [3]. Lire la suite »

Jacques Philipponneau, Quelques éclaircissements sur le mouvement des Gilets jaunes, 2019

Les éclaircissements contenus dans cette lettre de Jacques Philipponneau, destinée, à l’origine, à quelques-uns de ses amis étrangers, nous ont paru mériter une plus large diffusion. La lettre était accompagnée de tracts et communiqués d’origines très diverses, parus tout au long du mouvement, que nous reproduisons dans le document téléchargeable en fin d’article.

 

Le mouvement des Gilets Jaunes, totalement imprévisible dans son prétexte, ses formes, sa durée et l’ébranlement qu’il a provoqué, est d’ores et déjà reconnu comme la plus grave crise sociale survenue en France depuis 1968 [1].

Je ne m’étendrai pas sur tout ce qui est communément admis sur ce mouvement et sa sociologie ou les spécificités typiquement françaises et aussi personnelles de l’exécutif actuellement au pouvoir (provocateur, bureaucratique, méprisant et particulièrement répressif), facteur contingent qui a largement contribué à exacerber le conflit [2]. Les quelques documents cités, assez éclectiques, en donnent globalement, malgré leurs limites ou leurs parti-pris, une vision assez claire. Il paraît plus important d’essayer de dégager, au-delà des clichés laudatifs ou critiques, ce qu’il signifie pour l’avenir des conflits et des enjeux de notre temps. Lire la suite »

Miquel Amorós, La technologie comme domination, 2004

La constatation que le cycle de luttes ouvrières inauguré par la révolte de Mai 68 s’était achevé dans les années 1980 par la défaite du prolétariat a conduit l’Encyclopédie des Nuisances (EdN), mon groupe de l’époque, à effectuer quelques déductions rapides. La première d’entre elles fut que la production moderne était uniquement production de nuisances, et par conséquent entièrement inutilisable (ou indétournable, comme l’auraient dit les situationnistes). La réappropriation de la société par la classe révolutionnaire ne pouvait se fonder sur l’autogestion du système productif, mais elle devait le démanteler. L’émancipation humaine ne pourrait jamais se réduire à une simple question de technique.

L’idée de trouver la liberté et le bonheur dans le développement des forces productives, à la façon du modèle progressiste bourgeois, était simplement une absurdité. Le développement de ces forces avait toujours été une arme contre la classe ouvrière et son projet d’émancipation; les racines de l’exploitation se trouvaient davantage dans ce développement (et les formes du travail et de survie qu’il imposait) que dans sa nature même. Après avoir produit un monde inutilisable, l’exploitation aspirait à devenir irréversible. Le groupe de l’EdN avait dit clairement que le dépassement historique de la société de classes passait par sa destruction complète et entière, et non par une autogestion de ses ruines, ou encore moins par un retour à un passé idyllique à l’abri de l’histoire. Cependant, la voie révolutionnaire pour la reconstruction d’une société libre posait des problèmes nouveaux que l’EdN avait à peine esquissés, comme celui de l’absence de sujet historique réel et celui de son contraire, le triomphe total de l’aliénation capitaliste ou, comme le disait l’Internationale Situationniste (IS), du spectacle.Lire la suite »

Arnaud Michon, Du nucléaire au renouvelable, critique du système énergétique, 2013

Pour dresser ce tableau critique sur le nucléaire et le renouvelable, je vais m’appuyer sur Le Sens du vent, le livre que j’ai publié il y a trois ans, qui portait précisément sur ce sujet. Je crois utile de commencer par quelques remarques élémentaires. D’emblée, il faut dire que quelles que soient les sources d’énergie renouvelable auxquelles je me suis intéressé (à savoir l’eau, le soleil et surtout le vent), je me suis avant tout attaché à leurs applications électriques, c’est-à-dire à leur capacité à produire, à l’aide de matériaux et de mécanismes divers, de l’électricité. Cette précision est nécessaire car l’énergie ne se résume pas, loin s’en faut, à l’électricité. Le soleil, comme on le sait, produit naturellement de la chaleur ; l’éolien lui-même a longtemps servi à produire de l’énergie mécanique (pour pomper de l’eau, par exemple).

Précisons par la même occasion qu’en France comme dans la plupart des pays industrialisés, l’électricité ne représente qu’à peu près un quart de l’énergie consommée (surtout constituée de pétrole, comme on s’en doute). C’est une distinction à bien garder en tête quand on se propose de critiquer le système énergétique. Une fois faite cette distinction énergie/électricité, je dois préciser que je ne vois aucun mal, sur le principe, à produire de l’électricité avec du soleil de l’eau ou du vent. J’irai même jusqu’à dire, si l’on me permet cette parenthèse « idéaliste », qu’au sein d’une organisation sociale qui serait parvenue à se libérer des conditions présentes et à considérer tout autrement la question de ses besoins d’énergie, il y aurait tout lieu de faire un usage abondant des énergies renouvelables (pas seulement pour produire de l’électricité). Mais nous n’en sommes pas là.Lire la suite »