Radio: Mathieu Amiech, La gestion sanitaire de la covid-19, 2023

Mathieu Amiech, membre des éditions La Lenteur et du collectif Écran total (résister à la gestion et l’informatisation de nos vies), revient sur la gestion de l’épidémie de Covid-19 due a la diffusion du virus SARS-Cov-2 durant les années 2020-2022.

Émission issue de « L’actualité des luttes » diffusée sur Radio Fréquence Paris Plurielle le 2 janvier 2023.

Afin de resituer le contexte dans lequel Matthieu Amiech fait cette émission, il faut préciser qu’elle est en quelque sorte une mise au point par rapport à une autre émission qui a été diffusée également sur les ondes de Radio FPP. Il s’agit de « Zoom Ecologie » intitulée « Bilan critique du courant anti-industriel » du 18 octobre 2022, où Matthieu Amiech était accusé de « covido-négationniste », en même temps qu’étaient mise en cause les positions du collectif Écran total (résister à la gestion et l’informatisation de nos vies) sur la crise sanitaire et l’obligation vaccinale.

« Le point essentiel que je voudrais souligner, c’est que considérer le Covid-19 comme un danger absolu, radicalement nouveau, qui change totalement notre situation personnelle et collective, cela n’est possible que si l’on refoule profondément le caractère pathogène de notre société capitaliste et industrielle. C’est-à-dire que l’on occulte le fait que l’on est déjà, en temps ordinaire, dans une situation où l’on est environné de dangers, de nuisances, qui viennent de beaucoup de nos habitudes de consommation quotidiennes déjà très ancrées. »

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Racine de moins un
Une émission
de critique des sciences, des technologies
et de la société industrielle.

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Émission Racine de Moins Un n°84,
diffusée sur Radio Zinzine en mars 2023.

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Retranscription partielle

Janvier 2023

Actualité des Luttes : Bonjour, aujourd’hui nous recevons Matthieu Amiech. Nous continuons à nous interroger sur la technologie qui semble pour le gouvernement la seule réponse aux désastres engendrés par la technologie. Le gouvernement et ses valets nous affirment à longueur d’antennes que la pandémie de corona a été bien gérée. Et nous allons revenir avec Matthieu sur la gestion du covid et les positions que tu avais pris avec ton collectif. On va commencer par te présenter.

Mathieu Amiech : Bonjour, je m’appelle Mathieu Amiech. Je fais partie des éditions La Lenteur qui documentent depuis une quinzaine d’années le divorce entre le progrès technique et le progrès humain. A travers tout un ensemble de publications, de petits bouquins, parfois plus gros, de textes anciens, de textes sur les luttes d’aujourd’hui. Et d’un point de vue politique militant je fait partie du collectif Ecran Total, résister à la gestion et à l’informatisation de nos vies, qui se veut une plateforme, un espace dans lequel des personnes de » toute la France, de tous milieux professionnels viennent s’exprimer pour dire leur malaise par rapport à l’évolution de leur travail, et notamment par rapport à l’informatisation et à la bureaucratisation de leur boulot. On essaie d’organiser à la fois du soutien aux personnes qui sont le plus en difficulté, et puis des formes de désobéissance civile, concertées, coordonnées pour faire reculer cette vague informatique qui bouleverse en permanence notre vie quotidienne, notre travail. Ce collectif Ecran Total, était jusqu’ici surtout intervenu par rapport à des enjeux dans le travail, sur le puçage des animaux d’élevage, sur la numérisation de l’école, sur l’évolution du travail social, et il y avait déjà des éléments sur l’hôpital, et ensuite il y a eu les compteurs Linky qui regardent plus la vie quotidienne en tant qu’habitant des villes et des campagnes.

La crise du Covid nous a bouleversé, comme tout le monde et cela nous a amené à prendre des positions sur un champ élargi face à la gravité de la situation. Je vais revenir sur ces positions, en précisant ce qui relève du collectif et ce qui relève d’écrits personnels, de prises de positions assumées en nom propre. En essayant de distinguer aussi clairement que possible les deux, même si en fait c’est profondément lié.

AdL : Dans les collectifs il y a des débats, il y a des sensibilités différentes, et dans le votre il y a visiblement différentes positions, donc c’est intéressant que tu nous fasse part des questionnements qui agitent ce collectif. Toi tu a écrit plusieurs petites brochures durant la pandémie ou « syndémie » du coronavirus, entre autre…

MA : Ceci n’est pas une crise sanitaire, pourquoi s’opposer au passe sanitaire et à l’obligation vaccinale, c’est une brochure signée en nom propre et qui date de septembre 2021. Elle a été publiée le 15 septembre, c’est-à-dire le jour de l’annonce de la suspension des soignants non vaccinés, qui marquait l’affaissement d’un mouvement dans lequel ont avait placé des espoirs de refus coordonné du passe sanitaire et de la vaccination de fait obligatoire. Voilà, ça c’est un écrit personnel, mais sinon le reste ce sont des textes collectifs ; certains auxquels j’ai contribué et d’autres non.

Je peux commencer par une sorte de chronologie, puisque cette affaire a été longue. Le texte que je signe, Ceci n’est pas une crise sanitaire, qui me vaut parfois quelques coup de pieds d’âne sur les réseaux sociaux [Twitter : Cabrioles], dans des publications ou sur des ondes de radio [radio FPP : Zoom écologie], ce texte est assez tardif puisqu’il est publié le 15 septembre 2021. Pendant le confinement, il y a eu une première prise de position d’Ecran Total. Malgré notre répulsion, alors que l’on est un collectif qui fonction presque entièrement sans internet dans notre quotidien, malgré le fait que l’on est dispersé, là on est passé par internet dans une situation exceptionnelle, qui était celle du confinement total et relativement respecté au sens où comme tout le monde on était médusé par les évènements. Et je pense ne pas trop m’avancer en disant qu’à Ecran Total ont a été relativement prudents, on s’est tous demandé ce qui se passait. On pouvait être d’emblée choqué par des mesures, par une rhétorique de guerre qui semblait hallucinante – et sur laquelle je veut bien revenir par la suite, sur ce qu’elle signifie avec le recul, mais il y avait déjà un choc par rapport à ça. Et puis il y a eu très vite, il y a eu un choc par rapport au fait de sentir que cet état de crise et de guerre et cet état de « catastrophe sanitaire » spécifique – qui était présentée comme telle – était saisie comme une opportunité par tout un ensemble d’acteurs sociaux, économiques et politiques pour faire avancer leur agenda. Et donc, c’est par rapport à cela que nous avons pris position, pour commencer, à la date du 26 avril 2020 – donc au moment où le premier confinement n’est pas terminé – et on réagit au fait que déjà depuis plusieurs semaines il y a un débat dans les médias sur l’opportunité de créer une application StopCovid, de créer une application de traçage par Smartphone ou par BlueTooth des contagions. Evidement, en quelques semaines on passe d’un discours au sommet de l’Etat qui est : « Vous savez, en France, on ne peut pas vraiment envisager quelque chose comme ça, ce serait trop contraire à notre tradition de liberté, les gens ne le supporteraient pas » et en 15-20 jours on passe à une situation où il est dit : « On va le faire, là c’est nécessaire et on a que cet outil là pour sortir du tunnel ». Séquence qui va se répéter par la suite.

Je lis l’introduction du texte [Ne laissons pas s’installer le monde sans contact, appel au boycott de l’application StopCovid] que l’on écrit à ce moment là, dans le courant d’avril. Où on a à la fois une réaction nette politiquement par rapport à cet opportunisme des élites politiques et économique sur l’épidémie, et en même temps on a une position prudente sur la maladie elle-même, sur sa gravité, sur la gravité de ce qui se passe au niveau sanitaire, parce qu’on est pas en mesure de le décoder à ce moment là, de manière complètement claire et avec du recul. Donc du coup, on est prudent.

« Du point de vue sanitaire, l’épidémie de COVID-19 mettra du temps à livrer tous ses mystères. Le brouillard qui entoure l’origine de la maladie, sa diffusion et sa létalité ne pourra se dissiper que lorsqu’elle cessera de frapper dans autant de pays à la fois. A ce jour, personne n’a l’air de savoir quand une telle accalmie se produira. D’ici là, pour continuer de vivre, nous ne devons ni sous-estimer, ni surestimer cette épidémie en tant que telle. »

Donc on a déjà cette prise de distance, qui sans doute n’est pas commune à l’époque, mais enfin qui reste relativement prudente.

« Par contre, ce que nous sentons très clairement, c’est que la crise sanitaire a des chances importantes de précipiter l’avènement d’un nouveau régime social : un régime basé sur une peur et une séparation accrues, encore plus inégalitaire et étouffant pour la liberté. Si nous prenons la peine de lancer cet appel, c’est que nous pensons que cela n’est pas joué d’avance et que des possibilités vont se présenter, pour les populations, de l’empêcher. Mais alors que nous, simples citoyens, ressentons violemment la fragilité de nos existences face à la menace du virus et d’un confinement long, l’ordre politique et économique en vigueur semble, lui, à la fois ébranlé et renforcé par la secousse en cours. Il paraît en même temps fragile, et très solide sur ses bases les plus « modernes », c’est-à-dire les plus destructrices socialement. »

Et un peu plus loin :

« Ce qui est tout à fait frappant, c’est que les mesures de distanciation interpersonnelle et la peur du contact avec l’autre générées par l’épidémie entrent puissamment en résonance avec des tendances lourdes de la société contemporaine. La possibilité que nous soyons en train de basculer vers un nouveau régime social, sans contact humain, ou avec le moins de contacts possibles et régulés par la bureaucratie, est notamment décelable dans deux évolutions précipitées par la crise sanitaire : l’aggravation effrayante de l’emprise des Technologies de l’information et de la communication (TIC) sur nos vies ; et son corollaire, les projets de traçage électronique des populations au nom de la nécessité de limiter la contagion du COVID-19. »

Donc, ça c’est ce que nous disions en avril 2020, dans une unanimité d’ailleurs complète au niveau de ce collectif. Le texte est signé pour ainsi dire par tout le monde, toutes les personnes impliquées dans notre cheminement et notre combat depuis plusieurs années.

AdL : Vous parlez, et nous aussi on en a parlé au cours de nos émission, puisque nous avons décidé pendant le confinement de poursuivre nos émissions, et on a été surpris par la contradiction des discours institutionnels : une fois c’était grave, une autre ce n’était pas important ; il n’y a pas besoin de masques, après il y avait besoin de masques ; etc. Les hôpitaux privés pas réquisitionnés, etc. Des tas de choses contradictoires. Des critiques très intéressantes sur la délocalisation, le fait que les productions se passent à l’autre bout de la planète… Enfin, il y avait tout un tas de réflexions, une critique des grosses métropoles, qui justement font que dans les quartiers comme le 93 ou des quartiers où il y a énormément de gens, le virus circule plus, que c’est un virus qui touche plus particulièrement les classes les plus populaires… Mais c’était dit, tout ça était dit, et puis parallèlement un discours, comme tu dit, la guerre et l’état d’urgence… Et puis, au lieu d’arrêter toutes les réformes – ce qui aurait été logique puisqu’il n’y avait plus de débat « démocratique » – au contraire une accélération, notamment sur les questions du numérique, les antennes 5G, une accélération de cette quatrième révolution industrielle et numérique… et que la crise sanitaire était un bon moyen de la mettre en place sans débat et d’e manière très rapide. C’est aussi ce que vous dénonciez dans vos écrits…

MA : Oui d’emblée nous avons repris le vocable de Naomi Klein sur la stratégie du choc, puisque à propos de ce que l’on vivait en Europe c’était tout à fait frappant. Profiter d’un moment de stupeur, de vulnérabilité, de mise en suspend des conditions de vie normales, pour faire avancer un agenda de numérisation, quelque part une sorte de sélection dans le tissu économique qui s’est opérée à ce moment là de manière très claire, c’est-à-dire des mesures du type que celles que l’on a pu voir pour notre maison d’édition par exemple. On est une maison d’édition qui a fait le choix de ne pas passer par le numérique, on a pas de site internet, et donc – même si c’est anecdotique notre maison d’édition – il y a avait des mes mesures pour n’importe quel domaine, pour n’importe quelle entreprise française : « si vous faites passer votre activité par internet, si vous mettez en place un certain nombre de choses qui numérisent à la fois le procédé de production et le procédé de distribution, de mise sur le marché, Bercy ouvre le tiroir-caisse ; on vous subventionne de manière massive ». C’est forcément quelque chose auxquels ont recouru plein de boites face à leurs difficultés, le télétravail, l’école numérique… ça a été un moment déterminant. Jusqu’ici l’agenda avançait doucement, avec des petits sauts, et là ça a été l’avancée massive et brutale, où l’école ne fonctionne plus comme avant, etc. Cela semble aujourd’hui inenvisageable de revenir en arrière pour plein d’habitudes qu’on prises les gens, avec une absence totale de regard critique de la part des enseignants, de beaucoup de parents, sur la place prise par un certain nombre de logiciels dans la vie des écoles, des collèges. Où finalement, comme le montre Renaud Garcia, professeur de philosophie dans un lycée à Marseille, dans un livre qui est publié à La Lenteur intitulé La Déconstruction de l’école, aujourd’hui, à la limite, ce qui se passe sur ces logiciels, Pronote par exemple, cela à plus de conséquences que ce qui se passe dans la réalité, dans les interactions physiques entre les gens. C’est ce qui est inscrit dans le logiciel qui fait autorité. Tout ça date de ce moment là, c’est un envol qui est pris à ce moment là, qui est dénoncé immédiatement à ce moment là. Il y a d’autres textes d’un collectif qui est inscrit dans Ecran total qui s’intitule L’Appel de Beauchastel qui sont des enseignants en résistance contre l’école numérique depuis des années, qui ont aussi écrit plusieurs textes importants publiés dans la presse pendant les confinements pour essayer d’éveiller l’attention sur le mouvement d’accélération qui était en train de se produire et ses aspects catastrophiques. Et qui ne sont malheureusement pas assez entendus.

AdL : Ce qui était compliqué pendant ce moment incroyable […]

MA : Pour continuer ce fil chronologique, a partir de l’automne 2020, à Écran total, nous nous sommes dit qu’il fallait prendre position, faire entendre notre voix. Nous n’étions n’était pas seuls à nous exprimer, mais justement nous avions un angle, un ton et des nuances qui nous sont spécifiques. Pour dire que nous n’avions pas l’impression d’être face à une défense intelligente – et même face à une défense tout court – de la santé publique. Et qu’on commençait à avoir l’impression que les mesures prises dans le cadre de l’opération militaire « résilience » à partir du 16 mars 2020 ne relevaient pas de la santé publique, qu’il y avait un problème qui éventuellement était lié à une forme de surestimation de l’épidémie de Covid, à une forme de mise en exergue excessive qui était là pour écraser la réflexion. Et pour empêcher de penser la situation réelle de la santé publique dans un pays hyperindustrialisé comme la France.

A ce moment là ont été écrites trois brochures. L’une d’abord – c’est important de la dire parce qu’il y a cette image, qui m’est associée notamment, de prises de position venant d’une ruralité un peu insouciante – c’est Où est passée la colère ? La politique prétendument sanitaire et ses conséquences, et là c’est le point de vue du groupe Ile-de-France, produit par des assistantes sociales, des infirmiers psychiatriques, des personnes qui sont dans l’enseignement, aussi bien à l’école de la maternelle à la fac de Saint-Denis, des gens qui sont en entreprise, etc. Une diversité et des gens qui sont ancrés dans la réalité sociale, y compris celle de la métropole. Ces personnes ont écrit ce texte en affirmant le fait que pendant le deuxième confinement, elles ont repris l’habitude de se réunir physiquement – car bien sûr nous sommes un collectif pour qui il est inenvisageable de faire des réunion via Zoom – avec le sentiment que c’était vital de partager des choses humainement et physiquement. Mais aussi tout en faisant attention : si je suis malade, avec 40° de fièvre et que je tousse, je ne vais bien sûr pas aller à la réunion et je vais rester chez moi, comme c’est normal de le faire pour n’importe quelle maladie avant.

[…]

MA : Alors, le point essentiel que je voulais souligner, c’est que considérer le Covid-19 comme un danger absolu, radicalement nouveau, qui change totalement notre situation personnelle et collective, ma position c’est que cela n’est possible que si l’on refoule profondément le caractère pathogène de notre société capitaliste et industrielle. C’est-à-dire que l’on occulte le fait que l’on est déjà, en temps normal – avant le Covid, après le Covid ou en attendant qu’il revienne –, dans une situation où il y a des dangers partout, et qui viennent de beaucoup de nos habitudes de consommation quotidiennes déjà très ancrées.

AdL : On va les citer. Que ce soit entre les pesticides, l’alimentation agro-industrielle, etc.

MA : C’est aussi tout un ensemble d’usines aujourd’hui. Quelques mois avant la crise du Covid-19, il y a eu la catastrophe de Lubrizol à Rouen dans la vallée de la chimie normande. Ce genre de catastrophe devrait attirer l’attention sur le fait qu’il y a des usines qui devraient arrêter de fonctionner. Mais c’est difficilement audible, y compris par beaucoup de gens qui ont été très alarmistes sur l’épidémie à gauche ou à l’extrême gauche, pour qui c’est inenvisageable de dire qu’il faut fermer des usines parce que les ouvriers qui travaillent dedans sont en danger, les habitants qui sont autour sont menacés, et qui plus largement engendrent pour la société un ensemble de pathologies et de nuisances. Cela n’est pas entendable…

AdL : C’est évident que les syndicats ne sont pas du tout clairs par rapport à ces questions là. Je pense à la résistance ouvrière qui pourrait, qui devrait plus exister dans les entreprises.

MA : Tu as cité les pesticides, je ne développe pas ce point là. On est dans une situation où on sait que les cancers en France sont liés aux pesticides, ceux que l’on ingère avec les aliments, ceux que l’on respire. J’ai envie aussi de parler des antennes relais. Un des facteurs d’immunodéficience sur lequel travaillent aujourd’hui un certain nombre de chercheurs, il y a le nucléaire et puis aussi les rayonnements non-ionisants, c’est-à-dire les ondes électro-magnétiques.

Il y a un site qui est excellent là-dessus, il y a les travaux du professeur Belpomme, cancérologue et chiraquien, mais qui a pris un certain nombre de positions courageuses depuis qu’il était amis de Chirac, sur l’origine environnementale de la majorité des cancers, et y compris sur les ondes électro-magnétiques : un des rares savant de premier plan qui n’a pas de conflits d’intérêts avec la téléphonie mobile. Et puis enfin, il faut revenir sur le nucléaire : on est un des pays le plus nucléarisé au monde, on vit sur un volcan en permanence, et il y a aussi des effets permanents, à bas bruit, du fonctionnement des centrales sur tout un ensemble d’aspects de santé publique. Donc, lorsqu’on additionne ces quatre facteurs, on est déjà sur énormément des comorbidités du Covid-19, d’une part, et puis on est dans une situation où la santé publique est en danger du fait du fonctionnement normal de la société. Donc, ce qui me choque, c’est que beaucoup de gens ont renoncé à faire quelque chose par rapport à tout ça. Il n’y a pas d’effort permanent, coordonné pour dénoncer cela, pour s’en soucier en temps normal. Et là d’un seul coup, avec le Covid-19, on a à l’inverse un surinvestissement de cette maladie qui entre visiblement en résonance avec tous les facteurs de fragilité préalables, et quant il est dit dans une émission récente de Radio FPP [Zoom écologie] que les gens comme moi et comme nous à Écran Total ne se soucient pas des immunodéprimés, des gens qui sont affaiblis, etc. Non au contraire, on est les personnes – et je pense que tout notre engagement politique, nos publications et nos actions le prouvent – qui n’avons pas renoncé à changer tout ça, qui pensons que c’est possible d’aller mieux, globalement, collectivement, de supprimer un certain nombre de ces facteurs, sinon tous.

Et donc, dans ce cadre là, nous disons : en effet, le Covid pose problème, comme j’essayais de le dire dans l’introduction de ma brochure, les classes dirigeantes de la société industrielle mondialisée profitent d’un problème sanitaire qui existe, qui s’est ajouté et conjugué aux nombreux autres déjà existants, pour promouvoir une nouvelle organisation sociale.

[…]

 


Lettre à radio Fréquence Paris Plurielle

18 décembre 2022

Bonjour,

Sur les conseils d’un ami, je viens d’écouter votre émission « Zoom écologie » du 18 octobre 2022, consacrée aux courants anti-industriels et à leur critique, émission animée par les dénomés Chaffouin et Fernand. Membre du collectif Ecran total, mis en cause à plusieurs reprises au cours de l’émission, je tiens à apporter quelques rectifications quant à certains propos inexacts et, plus généralement, engager la discussion avec vous, si vous le souhaitez, sur un certain nombre de points.

Vous adressez également des critiques à Pièces et Main d’œuvre, mais je leur laisse le soin de vous répondre, s’ils le souhaitent, même si au passage j’aborderais certaines critiques que vous leur adressez.

Dans la première partie de l’émission, vous reconnaissez l’apport anti-industriel, même si, comme vous l’indiquez, d’autres voix aujourd’hui alimentent la critique. Effectivement le critique de l’industrialisme (je préfère ce terme qui prête moins à certaines confusions), ou disons la technocritique, est aujourd’hui davantage répandue, nourrit une importante activité éditoriale, irrigue nombre de luttes et gagne même certaines composantes de la gauche critique, non sans limites et ambiguïtés.

Tant mieux, nous ne prétendons à aucune hégémonie ni droit de propriété en la matière.

Vous notez fort justement que nombre de parcours politiques empruntent ou ont emprunté les sentiers parfois sinueux des courants technocritiques. Pour ma part, j’ai été au PSU puis à la LCR (11 années), à Ras l’Front, à Sud tout en cheminant politiquement jusqu’à rejoindre Ecran total pour sa lutte contre « l’informatisation et la gestion de nos vies » – intitulé de sa plateforme politique que vous avez sûrement lue.

C’est ensuite que ça se gâte, si je puis dire, lorsque vous accusez Ecran total de « covido-négationnisme » et de « covido-relativisme »…

Le 27 avril 2020, Écran total publiait un premier appel intitulé Ne laissons pas s’installer le monde sans contact dont le premières phrases étaient les suivantes :

« Du point de vue sanitaire, l’épidémie de COVID-19 mettra du temps à livrer tous ses mystères. Le brouillard qui entoure l’origine de la maladie, sa diffusion et sa létalité ne pourra se dissiper que lorsqu’elle cessera de frapper dans autant de pays à la fois. A ce jour, personne n’a l’air de savoir quand une telle accalmie se produira. D’ici là, pour continuer de vivre, nous ne devons ni sous-estimer, ni surestimer cette épidémie en tant que telle. »

Vous avez dit « covido-négationnisme » ?

Plusieurs publications ont suivi, de statut différent, certaines provenaient de réflexions collectives et des collectifs locaux en étaient signataires. D’autres étaient des prises de position individuelles et traduisaient des débats parfois animés, se déroulant dans Ecran total.

En effet, les discussions furent nombreuses, des divergences voire des désaccords s’y sont exprimés, ce qui n’est pas étonnant compte-tenu de la diversité qui compose notre collectif, lequel voit cohabiter des cultures politiques, des modes de vie, des cheminements multiples.

Les qualificatifs que vous employez à notre encontre sont donc factuellement inexacts.

Au-delà des débats que nous avons eu à propos de la gravité de la pandémie, des mesures pour y faire face, de la vaccination… nous nous sommes retrouvés unis pour nous opposer à l’application « Tous anti-covid » et au pass sanitaire. A cette occasion nous aurions apprécié de voir la « gauche critique » venir renforcer cette opposition, ce qui aurait permis, soit dit au passage, de minimiser la présence de l’extrême droite et des courants réellement complotistes.

Je voudrais maintenant aborder deux autres points.

Ciblant PMO, vous leur reprochez ce que vous nommez la « fétichisation du corps naturel ». Affirmer que la modernité rend faible, propos que vous attribuez sans distinction aux courants anti-industriels, serait selon vous une « essentialisation social-darwiniste ». Sans m’étendre sur le sujet, tout le monde peut tout de même constater les formes de dépendance et d’impuissance totalement construites par la société industrielle. La pandémie en a offert une démonstration éclatante lorsque la grande distribution est apparue dans sa toute puissance nourricière. Il y a bien là, me semble-t-il, un affaiblissement, si ce n’est la disparition de toute forme d’autonomie, de capacité de subsistance, etc.

L’autre point touche aux relations entre courants technocritiques et mouvement ouvrier. Selon vous, nous en serions restés aux luddites et dédaigneront toutes les améliorations présentes, tous les liens avec les organisations syndicales ou autres du mouvement ouvrier.

Si je vous accorde qu’il existe bien des tendances cultivant un splendide isolement qu’ils assimilent à la radicalité, Ecran total, rappelons-le, est né d’une volonté de fédérer des résistances s’inscrivant dans des réalités professionnelles, des situations de travail. Il y eut parfois des soutiens syndicaux, mais ils furent rares, et cela renvoie sans doute à leur difficulté à appréhender de manière critique le « progrès technique ». Toutefois, chaque fois que cela est possible, nous essayons de trouver des alliances qui élargissent les seules possibilités d’Ecran total.

Lorsque Ecran total envahit la gare de Toulouse-Matabiau, il le fait avec des Gilets jaunes, des paysans, etc. pour protester contre la disparition des guichets au profit de la numérisation.

En résumé, si la rencontre entre courants technocritiques et mouvement ouvrier et/ou les gauches s’avère si difficile, la responsabilité ne saurait en être attribuée aux courant technocritiques. L’ouvrage de Serge Audier, L’Âge productiviste, illustre de manière très érudite et fouillée ces rendez-vous ratés.

En fin, et pour conclure, je me souvient que dans ma jeunesse, nous luttions « contre les méthodes staliniennes dans le mouvement ouvrier » (c’était la formule en usage). Il s’agissait alors d’imposer le droit de nous exprimer face aux intimidation, aux calomnies, aux violences physiques qui étaient le plus souvent le fait du PCF et de la CGT – certaines organisations d’extrême gauche n’étant cependant pas en reste.

Si j’évoque cette période, c’est qu’il me semble retrouver aujourd’hui certaines similitudes lorsqu’on interdit de parole Alexis Escudero, PMO, le journal La Décroissance. On peut être en désaccord avec les positions exprimées par ces personnes ou courants, mais ont devrait admettre que les questions complexes touchant à l’artificialisation du vivant, les théories du genre, etc. ne peuvent être seulement envisagées sous le seul angle de l’égalité des droits.

Ce sont là quelques réserves qui devraient trouver place dans le débats d’idées.

Pour l’heure, je vais en rester là et vous adresse mes sincères salutations.

Claude Carrey
10, la rivière
50 480 St Germain de Varreville

 


Pourquoi nous sommes contre la société industrielle et capitaliste

Février 2023

Écran total est un groupe qui s’est créé il y a une dizaine d’années, à l’initiative de différents corps de métier luttant contre le numérisation de leur métier vue comme aliénante (puçage des animaux, gestion numérisée des élèves dans l’éducation, des patient dans le système de santé, des chômeurs à pôle emploi). C’est un groupe informel, regroupant des personnes très différentes, avec des avis très différents et luttant de manière générale contre la gestion et l’informatisation de tous les pans de la vie, jusqu’aux plus intimes, par la société techno-industrielle. Ce groupe travaille la critique de la société industrielle sans avoir bien sûr le monopole de cette critique. Une émission de radio Fréquence Paris Plurielle à propos des « anti-indus », étiquette que nous manions avec prudence, en octobre 2022, et qui émettait un certain nombre de critiques, notamment à notre égard, a motivé la rédaction de ce texte. Il ne s’agit pas tant d’une réponse que d’une tentative d’expliciter notre pensée, sans trahir sa diversité et le fait qu’elle n’est en rien figée.

 

Tout d’abord, le courant anti-industriel est, comme vous le notez, assez divers. Ainsi, il n’y a pas de consensus sur tout. Par exemple, tout le monde ne partage pas certains avis tranchés de PMO (Pièces et Main d’œuvre), notamment sur les questions « sociétales » ; ce qui n’empêche pas, par ailleurs, d’apprécier à leur juste valeur leur travail et la profondeur de leur réflexion sur des sujets majeurs analysant les structures et rapports sociaux qui en découlent. Ainsi, chez des penseurs, certains aspects de leur réflexion nous intéressent et d’autres ne nous parlent pas. Par exemple, Ellul dans La nature du combat a pu avoir des réflexions sur le couple très hétéronormées et même homophobes, que nous ne partageons pas, sans que cela n’invalide toute sa pensée. Tant que nous partageons certains grands principes communs (de respect de l’humain notamment), nous pouvons être en désaccord sur certaines choses et d’accord sur d’autres avec n’importe qui, ou presque. De fait, il n’est pas dans nos intentions de diviser le mouvement écologiste. Nous utiliserons donc le « nous » par commodité, sans avoir la prétention d’englober toute la pensée de ce courant.

Ainsi, le courant qui critique la société industrielle n’est pas une sorte de secte ou un groupe fermé. Au contraire, il s’agit de construire une réflexion constante mais qui va au bout, soit à la racine ou radicale, tout en préservant une grande diversité d’approches. L’idée de départ est que le système techno-industriel est mortifère en soi, pour les humains comme pour la planète, car il nous aliène, nous dépossède de tout et nous met entre les mains des grosses entreprises dont le but est de faire de nous des consommateurs passifs et des travailleurs machinisés. D’autre part, ce système détruit les populations et notre seul habitat (nous ne fantasmons pas de coloniser Mars, qui devrait d’ailleurs rester une fable hors sol). Cette approche n’est pas centrée sur l’Occident. La techno-science ou Mégamachine asservit et anéantit des millions de personnes à l’autre bout de la planète. Cela se fait par l’extractivisme, l’exploitation forcenée des ressources, les déchets, la fabrication des objets et cela, aucun usage de la quincaillerie moderne, à commencer par le numérique, aussi « neutre » soit-il, ne peut l’empêcher. Si la techno-science sauve des vies en Occident (encore faudrait-il se demander d’où proviennent les nouvelles maladies de notre civilisation), combien en sacrifie-t-elle ailleurs ? Pour un scanner qui va sauver des vies, combien auront été sacrifiées pour concevoir et fabriquer la machine ? Celui-ci utilise en outre le nucléaire, que nous ne maîtrisons en rien et pour lequel il n’y a aucune réappropriation possible ; nucléaire dont le legs empoisonné durera un temps inter-minable.

Partant de là, nous aspirons à nous passer au maximum du complexe techno-scientifique, et donc en tirer les conséquences. La voie est difficile car cela implique de renoncer à beaucoup de choses pour retrouver une vie digne. Cela signifie renoncer à  quantité d’objets qui nous facilitent le quotidien, à Internet, aux réseaux sociaux, à beaucoup de confort et à une partie des pratiques médicales adossées à cette techno-industrie. De fait, il ne s’agit pas de vendre du rêve sur une transition facile et rapide ou de se compromettre dans des demi solutions qui en réalité ne questionnent pas vraiment le système, en se disant que la technique industrielle n’est pas neutre mais ambivalente, et que nous pourrions la réorienter à notre profit. Il s’agit bien plutôt de retrouver l’autonomie et la convivialité au sens d’Illich et de ne conserver donc que les techniques conviviales, que l’on peut maîtriser. D’autre part, nous partons du principe qu’il n’y a pas d’anti-capitalisme conséquent sans anti-industrialisme, et vice versa, l’un s’adossant à l’autre. Par exemple, dans une société non capitaliste (qu’il s’agisse d’un capitalisme d’entreprises ou du capitalisme d’État), il n’y aurait sans doute pas eu les infrastructures et l’organisation du travail nécessaires à la construction de la bombe atomique.

La difficulté principale réside dans l’aliénation, qui est si puissante et rarement identifiée comme telle. Sans compter que la coercition est de plus en plus redoutable. Et pourtant, nous ne renonçons pas à nous réapproprier nos capacités à décider ensemble et les savoir-faire perdus. Cela ne sera pas simple, mais elle nous semble être la seule voie désirable et possible. Plusieurs d’entre nous ont un smartphone, beaucoup ont une voiture et utilisent les mails dans leur vie de tous les jours, car nous avons bien conscience qu’il ne s’agit pas que de décisions individuelles, nous sommes pris dans un système qui nous contraint fortement. Le monde a par exemple été redessiné par l’usage de la voiture.

Par opposition à la techno-science, et non pas à la technique, le mouvement qui critique la société industrielle peut avoir recours au terme de « nature ». L’idée n’est pas de défendre un retour à une sorte de vie naturelle fantasmée et idyllique, qui aura pu amener à taxer le mouvement de « réactionnaire » ou « passéiste » ou « amish ». Cette notion de nature peut permettre de qualifier certaines conditions inhérentes au vivant, donc à l’humain et que la techno-science prétend dépasser : la mort, le vieillissement, l’imperfection. En effet, la technique prétend rectifier la nature parce qu’elle serait imparfaite risquant ainsi de nous faire perdre ce qui fait justement de nous des humains, ce qui fait que la nature n’est pas une machine. Cela nourrit en outre le fantasme prométhéen d’une maîtrise totale du corps et de l’environnement. La nature désignerait donc, dans ce contexte, ce qui préexiste à la techno-science.

Cela pose un certain nombre de questions éthiques. Ainsi, a-t-on avancé l’idée que nous aurions le « fétichisme du corps sain ». Mais, dans notre société actuelle, ne semblerait-il pas que le concept d’égalité s’est étendu de l’égalité des droits à une égalité en tout que l’on pourrait réclamer notamment au nom de la liberté : égalité d’un « droit à l’enfant » (ou « reproductifs » de façon euphémisée), liberté de corriger son corps via la techno-médecine comme chacun l’entend ? Autant, chacun est bel et bien libre de se vivre comme il l’entend, en terme de sexualité et de genre notamment (il n’y a pas de sexe, de sexualité ou de genre, fût-il intermédiaire, plus « naturel » qu’un autre), autant tout recours aux techniques industrielles au prétexte d’une pseudo-égalité n’est-il pas le contraire de la liberté et de l’autonomie ? Ne s’agirait-il pas plutôt d’une dépendance accrue au système techno-scientifique ? N’est-ce pas confondre égalité dans la diversité et égalité par l’identité (réduite à notre physiologie) ? Ainsi prôner le recours à la technoscience pour « corriger les erreurs de la nature » ne nous fait-il pas sortir de notre condition et ne nous aliène-t-il pas puisqu’il nous remet entre les mains de ceux qui ont la main sur la technoscience, à savoir le complexe science-capital-industrie-État sans autre éthique que le profit et la recherche de puissance ? La question de la santé est également épineuse, car si nous devons travailler à notre propre subsistance sans les ersatz techno-scientifiques, alors effectivement cela redessinerait certaines choses. La question de pose notamment concernant les personnes en situation de handicap, comment s’en occuper en particulier si le handicap nécessite pour la survie de la personne de recourir aux technologies ? Pour ces pratiques, qui relèvent de l’industrialisation du corps humain, y a-t-il une réappropriation possible ? La question est donc sociale, politique, éthique et philosophique.

Peut-être peut-il sembler facile d’écrire cela lorsque l’on a un « corps sain » et fonctionnel, que notre genre correspond à notre sexe, et sans doute est-ce cela qui nous est reproché. Mais, encore une fois, prendre en compte ce que l’on perd et ce que l’on gagne semble primordial : être dépendant et aliéné par le système techno-industriel pour nous libérer semble incompatible. D’autre part, dans une société dé-industrialisée, il y aurait moins de maladies industrielles. Quant aux plus « faibles », ils pourraient être pris en charge par le groupe, autant que les exigences de la subsistance le permettent, comme c’est le cas dans les sociétés plus ancestrales. Enfin, le système capitaliste industriel sacrifie bien les plus « faibles », qu’ils soient faibles physiquement, socialement, économiquement… mais le mirage médiatique attire l’attention sur ceux qui sont sauvés au mépris de tous les sacrifiés loin de nos yeux.

Cette question du corps sain, de la nature, du sort des plus « faibles » trouve de nouvelles réponses avec l’événement COVID. Pour remettre les choses à leur place, nous n’avons pas nié l’existence d’une épidémie, nous avons critiqué l’appréciation délirante de sa gravité (nos sociétés semblent d’ailleurs commencer à apprendre à vivre avec), cela justifiant une gestion toujours plus autoritaire et une accélération de la dématérialisation de la vie sociale (à l’instar de l’utopie cybernétique). Qui y a-t-il eu pour questionner les origines du virus, les confinements, couvres-feux, masques, tests, gestes barrières et distanciations sociales (dont l’isolement des personnes en fin de vie), traçages numériques, pass sanitaires ou vaccinaux renouvelables par injections régulières… soit la vie à distance ou la mise à distance de la vie ? Nous avons aussi questionné ce que cette épidémie révélait, tant au niveau politique qu’au niveau de la santé globale de la population, prise dans le mode de vie industriel. En effet, la gestion autoritaire, absurde et inefficace du COVID nous a fait plonger plus avant dans un monde livré aux experts, aux chiffres et à la quantification, aux industries pharmaceutiques, aux fantasmes d’une maîtrise totale des virus et de l’immunité, à l’artificialisation des processus naturels, au numérique. Il préfigure l’entrée dans une gestion autoritaire des crises qui s’annoncent, dont la crise écologique, apportant de surcroît sans cesse des pseudo-réponses techniques à des problèmes profondément humains, générés par la techno-science elle-même.

Nous avons ainsi été nombreux et nombreuses à participer aux mouvements anti-pass et contre les suspensions hallucinantes des soignantes, dans lequel il y avait aussi des personnes d’extrême droite. Cela a pu conduire certains à estimer que le courant critique de la société industrielle se rapprochait trop de cette même extrême droite, qu’il y avait « collusion ». Pourtant, les Résistants communistes qui ont pu combattre aux côtés des gens d’extrême-droite n’ont pas basculé dans cette idéologie, les Gilets Jaunes non plus. Au contraire, nous ne voulions pas leur laisser le monopole de la critique de la gestion de la crise sanitaire, en portant un discours systémique, nécessitant une riposte collective plutôt que des affirmations individualistes. D’ailleurs, cette crise permet de questionner les limites du clivage droite/gauche, alors que de nombreuses personnes de la gauche dite radicale ont encore voté Macron (droite industrielle capitaliste), contre Le Pen (extrême droite capitaliste industrielle).

La réflexion anti-industrielle, dans toute sa diversité est politique. Elle questionne aussi quel type de société nous voulons. Des pistes de réflexion ont été lancées, mais il est impossible de prédire ce que deviendrait une société sortie de l’ère industrielle, car elle serait à reconstruire ensemble. Une préoccupation récurrente est celle de l’échelle. Il semblerait pourtant que la réappropriation de nos vies ne puisse passer par un système étatique de planification, mais seulement par des communautés à taille humaine.

Pour conclure, la prochaine fois qu’une émission sur les personnes qui s’opposent à la société industrielle, sera faite peut-être faudrait-il les inviter pour dissoudre les malentendus. Et évitons de nous coller des noms d’oiseaux qui sont également ceux du pouvoir et font son jeu, de nous juger à l’emporte pièce, là encore faisant le jeu du pouvoir.

Écran Total Groupe Grand Est, février 2023.

 

 


Retranscription des commentaires de fin d’émission

Mars 2023

Vous écoutez Radio Zinzine, c’est l’émission « Racine de Moins Un », et nous venons d’entendre Matthieu Amiech des éditions La Lenteur et membre du collectif Ecran Total qui revenait sur la gestion de la crise sanitaire due à l’épidémie de SARS-Cov-2 durant les années 2020-2022.

Les références complètes à tous les textes qu’a cité Matthieu Amiech sont dans le descriptif de l’émission sur le site de Radio Zinzine, ou dans le livret qui accompagne cette émission et que vous pouvez me demander en écrivant à Racine de Moins Un, Radio Zinzine, 04 300 Limans. […]

Il faut préciser également un certain nombre de points par rapport à ce qu’a dit Matthieu Amiech et le contexte dans lequel il fait cette émission.

D’abord, il me faut préciser que lorsque Matthieu Amiech mentionne Laurent Mucchielli et son ouvrage La Doxa du Covid, eh bien, comme dans tout groupe humain, il y a des divergences d’opinion sur un certain nombre de choses… Et pour ma part j’ai de sérieux doutes sur la pertinence de ce qu’a écrit ce monsieur qui admire beaucoup Didier Raoult et pense que l’HCQ est un remède efficace contre la Covid-19. Sans entrer plus dans le détail de cette polémique, signalons que la revue L’Inventaire n°12, publiée par les éditions La Lenteur, contient une recension élogieuse de La Doxa du Covid. J’ai donc fait une réponse critique à cette recension, dont vous trouverez les références dans le descriptif de l’émission [ce texte a été publié sur ce blog].

Et enfin, pour resituer le contexte dans lequel Matthieu Amiech fait cette émission, il me faut ajouter que cette émission « L’Actualité des luttes » diffuée sur Radio FPP est en quelque sorte une mise au point a une autre émission qui a également été diffusée sur les ondes de Radio FPP. Il s’agit de l’émission « Zoom Ecologie » intitulée « Bilan critique du courant anti-industriel » du 18 octobre 2022. Là aussi, les références et liens sont dans le descriptif de l’émission.

Ce « bilan critique » qui dure une heure est divisé en 3 parties de 20 mn chacune.

1er partie : les « Aspects positifs de la critique anti-indutrielle ».

2nd partie : dénonce la prétendue « transphobie » du groupe grenoblois PMO et le prétendu « covido-négationnisme » des éditions La Lenteur en la personne de Matthieu Amiech, qui est nommément cité.

Et enfin la 3e et dernière partie : prétend dénoncer les « impasses théoriques et politiques du courant anti-industriel ». Rien que ça !

Et là, c’est juste du délire complet !

C’est du délire parce que dans cette émission, on nous parle de « les anti-industriels » comme si c’était un parti politique officiel avec des membres enregistrés et avec une doctrine bien définie. La réalité c’est qu’il y a beaucoup de groupes très différents qui se réclament de la « critique anti-industrielle », ou « technocritique » comme dirait François Jarrige dans son ouvrage du même nom. Et donc ces militants, qui pourchassent avec raison les clichés essentialistes qui circulent encore trop dans la société – du genre, « les petites filles s’habillent en rose » –, dès qu’il s’agit de gens qu’ils n’apprécient guère, eh bien, ils essentialisent leurs adversaire à bloc. De même que les noirs sont des feignants, les arabes des voleurs, les « zanti-industriels » sont tous de fieffés réactionnaires, c’est bien connu !

A partir de là, ils nous attribuent toutes les tares qu’il leur plait, et il y en a un sacré paquet ! Mais puisque jamais ils ne précisent de qui ils parlent ni a quels textes ou prises de position ils se réfèrent, leurs critiques ne font que refléter leur ressentiment à l’égard de personnes dont ils ne comprennent pas les idées, mais dont ils sentent bien que ces idées remettent radicalement en question certains aspects de la société industrielle auxquels ils se sont habitués et auxquels ils ne voudraient pas renoncer.

En bref, on constate que nos donneurs de leçons sont eux-mêmes bien incapables de formuler une critique argumentée et référencée, et donc d’appliquer à eux-mêmes ce qu’ils exigent des autres. D’ailleurs, la grande majorité de leurs critiques ont été réfutées par avance par des ouvrages publiés aux éditions La Lenteur ces dernières années. Celui d’Aurélien Berlan, Terre et liberté et celui de Bertrand Louart, Réappropriation, jalons pour sortir de l’impasse industrielle. Le premier est sorti il y a un an et le second six mois avant leur émission.

Mais bon, on ne peut pas être au courant de tout et parfois les bouquins, c’est difficile à lire, n’est-ce pas ?!

Et sur ce, je vous dis « à la prochaine ! »

Bertrand Louart

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