Dernières nouvelles d’Écran total Occitanie, 2023

Vendredi 10 mars, le groupe Écran total Occitanie a investi l’agence postale du centre de Montauban, pour y dénoncer le rôle actif du groupe La Poste dans l’informatisation de la société et dans l’attribution d’identités numériques aux personnes humaines. Plusieurs d’entre nous ont feint de demander la création de leur identité numérique, et sont entrés en discussion avec la préposée à cette tâche. Quand le débat et la cohue ont pris assez d’ampleur, les autres ont distribué le tract ci-dessous (La Poste, avant-poste de la start-up nation) aux usagers et aux autres salariés présents. Une banderole a été déployée dans l’agence : « Numérise-toi, embrigade-toi ». Nous avons quitté l’agence après une cinquantaine de minutes, quand le directeur de celle-ci a voulu la fermer, notre but n’étant pas d’empêcher l’accès des Montalbanais aux derniers services postaux à peu près disponibles.

Nous nous sommes ensuite rendus à la CPAM pour tracter contre l’Espace numérique de santé. Comme lors de nos actions à Albi, nous avons pu interpeller des cadres de l’institution, en leur demandant d’informer les usagers que l’ouverture de l’Espace numérique de santé peut être refusée, et en dénonçant l’évolution générale vers une médecine déshumanisée et à distance.

Le samedi 11 mars, au centre de Toulouse, nous avons participé à la manifestation dite des « Jeunes pour le climat », où nous avons trouvé une majorité de vieux (vingt-cinq ans et plus). Nous y avons distribué le tract joint, Balance ton smartphone, accompagné d’une invitation à venir discuter avec nous à la réunion publique que nous tenions en fin d’après-midi, au Centre de recherche pour l’alternative sociale (CRAS). Une soixantaine de personnes sont venues à cette réunion, où notre groupe a exposé les raisons de son opposition au déploiement de l’identité numérique – que ce soit sur les serveurs de France Connect, à La Poste ou sous la forme du Portefeuille d’identité numérique. Une discussion stimulante s’en est suivie, sur les moyens qu’il nous reste pour résister à la numérisation intégrale de nos existences et aux différentes formes d’identification numérique. Notre campagne contre l’identité numérique va se poursuivre, à Toulouse et ailleurs.

Du côté de Grenoble et sa technopole, Le Postillon, journal de Grenoble et sa cuvette entretien l’agitation autour des quantités faramineuses d’eau utilisées par des entreprises de fabrication de puces électroniques : 12 piscines olympiques par jour de la bonne eau potable de nos vallées dilapidées par les industries de la microélectronique du Grésivaudan pour produire des machins connectés, c’est la triste réalité…

STMicroelectronics et Soitec, les deux producteurs locaux de puces sont en train de s’accaparer nos ressources avec la complicité des pouvoirs publics qui se plient en quatre pour permettre aux industries de pomper toute notre flotte… À une époque où en période sécheresse les usines de puces taïwanaises sont alimentées par camion citerne et l’eau à usage domestique est rationnée il n’y a plus vraiment de quoi rire et l’avenir du Grésivaudan pourrait être en train de se jouer maintenant.

Depuis nos articles sur le pillage de l’eau par les industriels de la microélectronique (voir Ultra-méga bassine de ST Micro, Seule la contestation est sobre et Les élus prêts à nous assécher), on a eu plusieurs retours s’interrogeant sur le sort réservé à ce bien commun par STMicro ou Soitec. William trouve notre parallèle avec les méga bassines agricoles malvenu et nous demande : « C’est sûr que ce sont de grosses quantités d’eau, mais si ST s’en sert avant de la rejeter dans l’Isère, quel est le problème ? »

Le « problème », c’est que ST ne s’en « sert » pas comme d’une simple force motrice. L’eau qui arrive à ST subit de multiples maltraitances et pollutions avant d’être rejetée dans l’Isère. Et de récentes actualités laissent craindre que ces rejets n’aillent encore plus polluer les nappes phréatiques du coin. Voyons voir ça en détail dans le dossier « Comment la chimie et la microélectronique polluent l’eau » dans Le Postillon n°68 de printemps 2023 (voir Comment STMicro pollue l’eau).

Pour nourrir la réflexion et la contestation sur ce sujet, nous venons également de publier un recueil de tous nos articles autour de STMicro & l’eau [Y z’en avaient précédemment fait un sur la privatisation des services de La Poste]. Ce livret de 32 pages est disponible pour 4 euros négociables dans nos locaux (Le Postillon, 42 avenue Jean Jaurès, 38 600 Fontaine [je ne boirais pas de ton eau !]). Idéal pour faire réfléchir votre cousine salariée à STMicro ou votre voisin défendant mordicus l’industrie de la microélectronique…

Matt et Tranbert

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Balance ton smartphone !

Pour le climat, pour la liberté, pour la dignité de tous les êtres vivants…

Les groupes qui critiquent « l’inaction climatique » des décideurs remettent rarement en cause un des partis pris fondamentaux de ces derniers: le développement du numérique serait un atout pour faire face aux dérèglements du climat et maîtriser l’impact des activités humaines sur nos milieux de vie. La numérisation semble aller dans le sens de la « décarbonation » de nos sociétés développées, donc elle serait un processus globalement positif. Et d’ailleurs, les activistes qui luttent pour la « défense du climat » utilisent tout naturellement les réseaux sociaux, les messageries et les smartphones, pour faire circuler leurs idées, donner des rendez-vous, etc.

Il y a méprise. Il est temps de prendre en compte tous les éléments qui nous indiquent que la numérisation galopante est un facteur d’accélération du désastre écologique provoqué par notre mode de vie. À la fin de la décennie 2010, le système numérique dans son ensemble consommait déjà entre 10 et 15% de l’électricité mondiale, et sa consommation d’électricité doublait tous les quatre ans. La consommation d’énergie globale du système numérique augmentait chaque année de 9%. La part prise par le numérique dans les émissions de gaz à effet de serre avait rejoint celle du transport aérien (4% du total. Joli, pour un secteur réputé « immatériel »). Toutes ces tendances n’ont pu que s’emballer, avec l’injonction à travailler, consommer et se fréquenter à distance, pendant la période du Covid et des confinements.

Avant 2020, on estime qu’il y avait, à chaque minute, de par le monde : 1,3 million de connexions à Facebook; 4,1 millions de recherches sur Google; 4,7 millions de vidéos consultées sur Youtube. Et les vidéos en ligne représentaient déjà 80% du trafic de données numériques, en croissance continue.

Le plus gros de l’impact écologique du numérique se joue pourtant lors de la fabrication des appareils, des écrans tactiles, des serveurs des datacenters, des antennes-relais, des câbles, des puces, etc. Cette production de milliards de composants est à l’origine d’un extraordinaire boom minier. Au nom de la soi-disant transition énergétique, l’humanité connectée compte extraire, en quelques décennies, autant de métaux de la croûte terrestre que ce qui s’est fait entre l’Antiquité et l’an 2000. Il faut multiplier par deux, par cinq, parfois par trente, les quantités de cuivre, d’argent, de nickel, de lithium, de terres rares… Il faut ouvrir de nouvelles mines partout dans le monde, y compris en Europe, et creuser toujours plus profond pour fabriquer en masse des voitures électriques bardées d’électronique, des objets connectés et des semi-conducteurs. Or, l’industrie minière consomme des quantités effroyables d’eau, souille les cours d’eau et les nappes phréatiques avec des produits chimiques hyper-toxiques, aggrave donc les sécheresses sur de nombreux territoires… Et elle est une des industries qui émet le plus de gaz à effet de serre.

Pour ne rien arranger, les conditions de travail dans les usines qui produisent notre quincaillerie électronique, en Asie principalement, sont dignes des bagnes ouvriers du XIXe siècle en Europe. Et nos appareils à obsolescence programmée terminent dans des décharges à ciel ouvert, au Ghana notamment, où ils ont encore le pouvoir d’empoisonner des animaux, des paysans, des enfants.

Le numérique n’est une solution à rien, il est un accélérateur et multiplicateur de tous les problèmes sociaux et écologiques. Le smartphone est une de nos attaches les plus importantes à un système de prédation, de guerres, de mort. Débranchons-nous, au plus vite.

Écran total Occitanie, 11 mars 2023

A lire sur le sujet:

Rapport du Shift Project, Climat : l’insoutenable usage de la vidéo en ligne (2019) ;

Fabien Lebrun, On achève bien les enfants (Le Bord de l’eau, 2020) ;

Jenny Chan, Xu Lizhi et Yang, La Machine est ton seigneur et ton maître (Agone, 2020) ;

Groupe MARCUSE, La Liberté dans le coma (La Lenteur, 2019) ;

Hervé Krief, Internet ou le retour à la bougie (Quartz, 2018).

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La Poste, avant-poste de la start-up nation

Amis postiers, créer des identités numériques ne fait pas partie de vos missions.

Écran total est un collectif national qui regroupe des personnes refusant l’informatisation de leur travail et de leur quotidien. Nous pensons que l’envahissement de tous les domaines de la vie par les technologies numériques pose de graves problèmes : sanitaires, relationnels, psychologiques, politiques, écologiques… Nous voulons libérer les paroles critiques du numérique qui n’osent pas se faire entendre, aux différents étages de la société; nous documentons les nombreuses situations qui montrent que la numérisation est synonyme de régression plutôt que de progrès ; et nous nous opposons aux politiques publiques qui accélèrent cette numérisation, au prétexte d’épouser les habitudes déjà prises par les gens.

Par exemple, nous sommes choqués par le choix de l’entreprise La Poste d’accompagner la numérisation du mode de vie, en décourageant la circulation du courrier postal. L’objectif des dirigeants semble même de le faire disparaître, selon le principe autoréalisateur : de moins en moins de gens envoient des lettres, donc on augmente massivement le prix des timbres et on dégrade le service postal, et du coup… de moins en moins de gens envoient des lettres (on vous l’avait bien dit!).

Non seulement La Poste sabote sa raison d’être, mais elle se veut pionnière de l’identité numérique. L’identité numérique, c’est la création, pour celles et ceux qui le veulent, d’un identifiant et d’un mot de passe uniques, pour une grande partie des services de base (publics comme privés) que l’on trouve aujourd’hui sur Internet. C’est une manière de faciliter – et donc généraliser – les démarches administratives en ligne, la « délocalisation » des services publics dans « le monde virtuel », le paiement par Internet… Le but est qu’absolument tout puisse être fait devant un écran. Avec pour résultats, s’étalant sous nos yeux : l’affaiblissement des collectifs de travail, l’atomisation des salariés et des citoyens, l’emprise des géants du numérique et du marketing sur nos esprits, la privatisation des services publics et la désertification des espaces communs – au mieux, il y a du monde autour de nous, dans le train ou le centre commercial, mais chacun est sur son smartphone, « seul ensemble ».

Qu’en pensent les salariés de La Poste ? Pourquoi donc leur entreprise est-elle à la pointe de cette régression sociale et culturelle ? Y a-t-il des moyens de s’y opposer ?

Comment faire, salariés et usagers, pour rétablir un service public de courrier postal digne de ce nom ?

SOLIDARITÉ avec les postiers victimes de la précarité, de l’automatisation et de la destruction des retraites.

HALTE à la numérisation-privatisation des services publics.

NON à l’identité numérique et à l’obligation smartphonale.

Le groupe Écran total Occitanie, à Montauban le 10 mars 2023.

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