Un récit de lutte de Chooz, 1998

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En 1977, quand arrive à Chooz la rumeur de projet d’une nouvelle centrale nucléaire, c’est dans l’optimisme que s’organisent les opposants. Deux ans plus tard, un référendum local exprime un « non » clair et net à ce projet.

Mais d’impérieuses raisons politiques et économiques exigent qu’un « petit village des Ardennes n’arrête pas la marche de la France ».

Par la persuasion et par la force, EdF et l’État vont donc imposer la construction de Chooz-B. Par delà alternance virtuelle et fausses promesses, le giscardisme et le “socialisme de gouvernement” montreront le vrai visage de la démocratie nucléaire : propagande, matraques, gaz et blindés.

Des affrontements de l’enquête d’utilité publique à la liaison avec les ouvriers de la Chiers, ce récit évoque les péripéties d’une lutte qui marqua la Pointe des Ardennes et de nombreux Ardennais.

 

Le nucléaire créera des emplois
Dans les cimetières, on aura besoin de bras
Le nucléaire créera des emplois
Dans les cimetières et les commissariats !

 


Avant propos

Il ne faut pas attendre de cette brochure un argumentaire contre l’énergie nucléaire en général, cette question de fond n’y est pas abordée. De même, ce n’est pas l’histoire exhaustive de la lutte Chooz B. Une importante documentation a été laissée de côté, un livre suffirait à peine à restituer les différents aspects de la lutte.

Il s’agit plus simplement du récit de la lutte vue par des personnes y ayant participé à différents niveaux. Elles revendiquent donc un parti pris sans pourtant exclure l’honnêteté. C’est un récit de la lutte dont les matériaux (souvenirs directs et documents) ont été recoupés avec d’autres sources et mis en forme.

Ce texte éclairera les jeunes générations sur des événements qu’elles n’ont connus que par ouï-dire. Il remotivera peut-être un peu ceux qui, isolés dans leurs convictions, assistent avec une rage impuissante à la poursuite de diverses destructions au nom de la “rationalité économique”. Dans notre époque où un événement chasse l’autre et où les modes (idées, vêtements, comportements…) prennent le pas sur des valeurs devenues obsolètes (la solidarité, la volonté de se battre, par exemple), il rafraîchira la mémoire de certains. Ce qui permettra, aux uns, d’éviter de se faire berner à nouveau et, à d’autres, de mesurer l’ampleur de leurs reniements. Enfin, à toutes les franches crapules qui s’étonnent d’une hostilité constante à leur égard, cette brochure signifie que certains n’oublient pas leurs abjections et leurs turpitudes.

Autant que possible, les noms des divers protagonistes de la lutte sont tus dans ce récit. Certains ont évolué et préfèrent oublier. Il n’est pas non plus souhaitable d’attirer l’attention sur certaines personnes. Mais cette démarche exprime surtout la volonté de fondre des actes parfois individuels dans ce qui fut une ample dynamique collective.

Il est utile d’évoquer les événements de Chooz quand nous sommes aujourd’hui confrontés une nouvelle fois aux conséquences du programme électronucléaire. La presse parle des convois contaminés qui s’acheminent vers la Hague, elle évoque parfois les pollutions de ce centre de retraitement et de stockage. Elle parle peu de la pollution ordinaire des centrales en fonctionnement ou en phase de démantèlement (Brennilis) ; elle filtre une partie des informations en provenance de Tchernobyl. En France, les projets de laboratoires souterrains (dont deux deviendront certainement des sites d’enfouissement des déchets radioactifs les plus nocifs) avancent ; dans la région, l’ANDRA fait la pluie et le beau temps aux limites de la Meuse et de la Haute-Marne, à Bure. Le sud de la province belge de Namur était (est toujours ?) dans les dossiers de l’ONDRAFF, équivalent belge de l’ANDRA : projet de Baronville à côté de Beauraing, à seulement une quinzaine de kilomètres de Chooz.

Malgré les défaites, la lutte antinucléaire continue…

Ardennes, mai 1998.

 


Chooz, légitime violence…

 

Déclaration faite par le comité de Chooz le quatrième jour de la deuxième enquête d’utilité publique concernant l’expropriation des terrains. Il s’ensuivra de violents affrontements avec les casqués jusqu’à leur retrait du village. Des pierres contre des fusils, évidemment ! Mais aussi des cocktails Molotov et du savon noir pour le patinage des cars de gardes mobiles, judicieusement placé par des habitantes du village. Car Chooz n’a pas été, contrairement à la propagande du journal Le Monde, « le Plogoff du pauvre ».

 

Gendarmes mobiles, vous avez déjà reçu et vous recevrez encore des pavés sur la figure. Il faut que vous sachiez pourquoi. Ceux que vous avez en face de vous ne sont ni des voyous, ni des terroristes, ni des agitateurs professionnels, mais des travailleurs, ouvriers, cultivateurs, étudiants, commerçants, enseignants retraités, mères de familles, chômeurs, qui ne demandent qu’à vivre en paix dans la dignité. Mais ces hommes et ces femmes sont en colère parce qu’ils sont menacés dans leur vie physique et par les procédés fascistes de l’Etat ; et en colère parce que leur dignité humaine est bafouée.

Ce que je dis est vrai et je peux le prouver. Vous-même, vous êtes trompés et manipulés, à moins que vous soyez vendus ! La construction de quatre nouvelles centrales menace directement nos vies : la sécurité est illusoire et le plan Orsec Rad est inapplicable, la promesse d’emploi une mystification. Les arguments pour cette centrale sont faux : l’indépendance nationale n’a rien à gagner, nous serons tout aussi dépendants des autres nations qu’auparavant.

Savez vous pour qui vous travaillez ?

Vous ne travaillez pas pour les habitants de cette région, vous travaillez pour les nouveaux maîtres du monde, les capitalistes, les multinationales, les banquiers, les fabricants d’armes.

Le droit des gens est bafoué !

Ce droit de vivre en sécurité digne et libre dans son pays. N’êtes-vous donc que des mercenaires sans âme ? On vous fait jouer un rôle qui détruit votre humanité. Vous n’êtes rien que des marionnettes manipulées par des gens qui vous méprisent. Refusez de vous engager dans ce combat douteux.

On nous trompe et on vous trompe

Quand on dit que le nucléaire est le remède à tous nos maux ! Acceptez-vous d’être trompés ? Un homme peut-il encore avoir le sens de l’honneur quand il accepte de n’être qu’un pion ? En conclusion, nous sommes là pour protester de toutes nos forces et même avec nos pavés. Vous, vous avez des casques, des boucliers, des matraques, des pistolets, fusils et grenades. Vous êtes pour nous une force purement négative, froide et impersonnelle et vous ne comptez pour rien pour ceux qui vous paient. Et nous, nous réclamons la justice, c’est-à-dire toute la vérité et la sécurité, toute la liberté : nous réclamerons justice, même avec des pavés, symboles des révolutions.

Notre colère est profonde et notre détermination absolue

Vous savez maintenant pourquoi vous aller recevoir des pavés sur la figure. Nous en sommes tristes, mais nous ne pouvons pas faire autrement. Les sangliers sont paisibles, tant qu’on ne les embête pas, mais ils deviennent terribles quant on veut les mettre au pas.

Le 4 avril 1981.

 


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Un récit de lutte de Chooz

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 Avant-propos

Cartes de situation

Un récit de la lutte contre la centrale nucléaire de Chooz-B

Avant les luttes contre Chooz-B

Annexes

Discussion de la mise en service annoncée de deux nouveaux réacteurs à la centrale nucléaire de Chooz

par Cédric De Queiros

Bibliographie

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Brochure n°9 des

Publications périodiques de la “Question Sociale”

Nouvelle édition, revue et augmentée, 2011.

60 pages au format A5.

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