Guy Lacroix, Cybernétique et société, 1993

Norbert Wiener ou les déboires d’une pensée [pseudo-]subversive

Dans son dernier ouvrage L’utopie de la communication [1], Philippe Breton affirme que nous sommes soumis aujourd’hui à une nouvelle utopie, celle de la communication, qui s’appuie sur la promotion d’un homme « sans intérieur », réduit à sa seule image, dans une société rendue elle même « transparente » par la grâce de la communication. Si la communication a pris autant de place dans nos sociétés, ce n’est pas seulement à cause de la prolifération des machines à communiquer, mais parce que, pour Breton, cette communication a été théorisée dès la fin de la Seconde guerre mondiale par le mathématicien Norbert Wiener (1894-1964).

Le père de la cybernétique serait le promoteur d’une utopie de la transparence qui inspirerait ce que notre société actuelle a de plus réducteur. Non pas qu’il ait été mal intentionné, il aurait au contraire conçu son utopie de la communication « comme une arme absolue contre le retour de la barbarie », estimant naïvement que « la communication effacerait le secret, qui seul rendit possible le génocide nazi, Hiroshima et le Goulag ». Ce rêve généreux aurait des effets pervers dont Breton énonce les principaux traits : apologie systématique du consensus, identification de l’information médiatique à la connaissance des faits et une vision du futur étroitement déterminée par les nouvelles technologies. Lire la suite »

Joëlle Zask, La communication virtuelle : le nouvel opium du peuple ?, 2020

Il ne s’agit pas de mégoter sur les services réels que rendent les échanges à distance mais fonder un projet de société sur des relations virtuelles par l’intermédiaire de l’internet, c’est détruire la société. Analogue à la cité construite dans les airs dont se moquait Aristophane dans Les Oiseaux, celle que nous construisons dans les « nuages » est une anti-société. Les relations en face-à-face, dont l’importance est de fait relativisée, sont absolument essentielles. Il faut y revenir. Lire la suite »

Hans Magnus Enzensberger, L’industrie culturelle, 1965

Chacun, fût-il l’être le moins indépendant, se flatte d’être souverain dans le domaine de sa conscience. Depuis qu’il n’est plus question que de l’âme, qu’on fasse appel au confesseur ou au psychanalyste, la conscience passe pour le dernier refuge que le sujet, devant un monde catastrophique, cherche et croit trouver en lui- même, comme si c’était une citadelle capable de résister à un siège quotidien. Même dans les pires conditions, celles du pouvoir totalitaire, nul ne veut s’avouer à lui-même qu’il y a peut-être longtemps déjà que la citadelle est tombée [1]. Nulle illusion n’est plus tenace, tant est vaste et profonde l’influence de la philosophie, même sur ses détracteurs. Car la fausse croyance que l’individu, faute de l’être ailleurs, peut rester le maître dans sa propre conscience est le produit d’une philosophie qui n’a cessé de dégénérer de Descartes à Husserl, une philosophie essentiellement bourgeoise, un idéalisme en pantoufles, ramené à la mesure du particulier. Lire la suite »

Pour une journée de l’hypocrisie mondiale, 2019

une critique de la journée mondiale sans téléphone portable

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« Allô, c’est qui ? C’est toi ? Bon j’entends rien ! bon bah je voulais te dire que j’étais en retard mais j’arrive là en fait. »

France Télécom commercialise en 1991 le Bi-Bop, premier téléphone portable en France.

En 2007, Apple lance l’Iphone et 51% des Français ont un portable.

L’histoire très récente de cet outil de communication montre la pénétration exponentielle de ce gadget au sein de la population française et dans le monde. Il paraît dès lors urgent de s’interroger sur la question tant le téléphone et le smartphone sont en train de nous imposer une rupture brutale d’un point de vue social, psychologique, relationnel et organisationnel. Lire la suite »