Norbert Wiener ou les déboires d’une pensée [pseudo-]subversive
Dans son dernier ouvrage L’utopie de la communication [1], Philippe Breton affirme que nous sommes soumis aujourd’hui à une nouvelle utopie, celle de la communication, qui s’appuie sur la promotion d’un homme « sans intérieur », réduit à sa seule image, dans une société rendue elle même « transparente » par la grâce de la communication. Si la communication a pris autant de place dans nos sociétés, ce n’est pas seulement à cause de la prolifération des machines à communiquer, mais parce que, pour Breton, cette communication a été théorisée dès la fin de la Seconde guerre mondiale par le mathématicien Norbert Wiener (1894-1964).
Le père de la cybernétique serait le promoteur d’une utopie de la transparence qui inspirerait ce que notre société actuelle a de plus réducteur. Non pas qu’il ait été mal intentionné, il aurait au contraire conçu son utopie de la communication « comme une arme absolue contre le retour de la barbarie », estimant naïvement que « la communication effacerait le secret, qui seul rendit possible le génocide nazi, Hiroshima et le Goulag ». Ce rêve généreux aurait des effets pervers dont Breton énonce les principaux traits : apologie systématique du consensus, identification de l’information médiatique à la connaissance des faits et une vision du futur étroitement déterminée par les nouvelles technologies. Lire la suite »