Geneviève Pruvost, Entretien avec Veronika Bennholdt-Thomsen, 2023

La perspective de la subsistance

Alors que l’écoféminisme connaît un regain en France depuis les années 2010-2020, il est resté centré sur un corpus principalement anglophone et n’est pas immédiatement rattaché aux études intersectionnelles et décoloniales. Or il existe un versant allemand du féminisme matérialiste des années 1970-1990 qui a pour singularité d’avoir placé le travail paysan, le travail domestique et l’appropriation du monde vivant au cœur des exploitations patriarcales. Lire la suite »

Veronika Bennholdt-Thomsen, Maria Mies : une écoféministe de la subsistance, 2023

Travaux des champs dans la ferme de ses parents, pédagogie alternative, découverte du féminisme en Inde, lutte contre la centrale nucléaire de Whyl (Allemagne), réflexion théorique sur le patriarcat capitaliste, dénonciation de la guerre planétaire menée contre la subsistance, programme de recherche mettant sur un pied d’égalité femmes du Sud et femmes du Nord, manifestations altermondialistes, création de la commission « femmes » d’ATTAC, retour à la vie villageoise : voici quelques-uns des engagements racontés par la sociologue et activiste écoféministe allemande Maria Mies dans son autobiographie intellectuelle [1]. Elle s’est éteinte le 15 mai 2023 à l’âge de 92 ans. Décoloniale et écologique avant l’heure [2], les partis pris de cette pionnière sont saisissants d’actualité. Lire la suite »

Grain, L’élevage industriel sous l’emprise des pandémies en série, 2020

Les multinationales de la viande industrielle créent les conditions de pandémies, telle celle de la peste porcine qui a entraîné la mort de millions de porcs, et d’autres maladies qui peuvent se propager aux humains. Or, les solutions préconisées pour y faire face pénalisent les petites exploitations et permettent aux grandes entreprises de tirer profit de ces crises sanitaires et de renforcer leur contrôle sur l’approvisionnement mondial en viande.

Une vague de foyers de peste porcine africaine a infligé d’énormes ravages à la production mondiale de porc au cours de la dernière décennie, avec des répercussions dans l’ensemble de l’industrie de la viande. Heureusement, cette maladie animale ne présente pas une menace directe pour la santé humaine, mais un quart du cheptel porcin mondial a peut-être déjà été anéanti et les coûts économiques se chiffrent en centaines de milliards de dollars. Pourtant, si les petits élevages ont été décimés, les épidémies sont une aubaine pour les multinationales de la viande et les entreprises qui les fournissent. Lire la suite »

André Gorz, Le grand complot éco-fasciste, 1973

Ne sous-estimez pas les capitalistes, leurs capacités d’adaptation et leurs ruses. S’ils s’intéressent aujourd’hui à l’écologie, c’est pour mieux nous récupérer et nous vendre un monde apparemment nouveau dont, en fait, ils garderont le contrôle. N’attendons pas l’avènement des éco-fascistes pour promouvoir une société « libre et non marchande ».

Quand ont paru le mémorandum Mansholt et le rapport Meadows au Club de Rome, la première réaction, chez beaucoup d’entre nous, était jubilante : enfin, le capitalisme avouait ses crimes. Il avouait que la logique du profit l’avait conduit à produire pour produire ; à rechercher la croissance pour la croissance ; à gaspiller des ressources irremplaçables ; à ravager la planète ; à rendre de plus en plus compliquée et onéreuse la satisfaction de besoins élémentaires (respirer, récupérer, se tenir propre, se loger, se mouvoir, etc.) ; à accroître la frustration des gens en même temps que la masse des biens marchands venus remplacer ce qui avait été gratuit jusque-là : l’air, le soleil, l’espace, les forêts, les mers… Il avouait que ça ne pouvait pas continuer ainsi sous peine de catastrophes menaçant d’extinction les formes supérieures de vie sur terre. Il reconnaissait que toutes les valeurs de la civilisation capitaliste devaient être réexaminées : il fallait changer la façon de vivre, de consommer, de produire. Voilà le sens que, sans trop forcer, on pouvait trouver au mémorandum Mansholt et au rapport Meadows : ils apportaient de l’eau au moulin de tous ceux qui refusaient le capitalisme parce qu’ils en refusaient la logique, les prémisses et les conséquences. Lire la suite »

Renaud Garcia, La révolte, l’autre loi de l’entraide, 2020

Parmi les jalons du succès éditorial et médiatique de la « collapsologie », l’ouvrage de Pablo Servigne et Gauthier Chapelle, L’Entraide, l’autre loi de la jungle, occupe une place centrale. Paru en 2017, succédant aux constats scientifiques énoncés dans Comment tout peut s’effondrer (2015), ce texte plaide pour la constitution d’une culture de la coopération indispensable pour endurer les inévitables chocs d’un futur immédiat envisagé à l’ombre de l’effondrement. Dans ce que les auteurs appellent leur « trilogie », il opère la transition vers les enseignements pratiques contenus dans Une autre fin du monde est possible (2018), livre avant tout préoccupé par le soin à apporter à notre intériorité. Lire la suite »

Radio: Fabien Locher, Le climat dans l’histoire, 2023

Buffon, Christophe Colomb ou Chateaubriand : depuis des siècles, les grands esprits du monde discutent des impacts de l’Homme sur son climat. D’où cette question, quelle est la place des débats climatiques dans l’histoire ? Pour y répondre nous recevons Fabien Locher, historien de l’environnement, chercheur au CNRS. Il est co-auteur avec Jean-Baptiste Fressoz de l’ouvrage Les Révoltes du ciel, Une histoire du changement climatique XVe-XXe siècle, publié au Seuil en octobre 2020.

Une émission réalisée par Greenletter Club – la chaine vidéo qui décortique les grands sujets écologiques. Interview réalisée par Maxime Thuillez le 14 novembre 2023.

 

Téléchargez le livret de l’émission :
Le climat dans l’histoire

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Racine de moins un
Une émission
de critique des sciences, des technologies
et de la société industrielle.

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Émission Racine de Moins Un n°88,
diffusée sur Radio Zinzine en décembre 2023. Lire la suite »

Bennholdt-Thomsen & Mies, Postmodernisme féministe, 1997

L’idéologie de l’oubli et de la dématérialisation

La tendance de certains groupes à oublier ou à « tuer » leurs origines n’est pas du tout un cas isolé et spécifique à l’Allemagne. La même chose s’est produite aux États-Unis et en Grande-Bretagne, pays d’où, sous la bannière du postmodernisme, cette tendance s’est répandue au monde entier. Le féminisme postmoderne est devenu le courant théorique dominant dans la plupart des départements universitaires d’études féministes, en particulier dans le monde anglo-saxon. Les chercheuses féministes qui ne suivent pas ce courant rencontrent beaucoup de difficultés pour trouver un poste dans un programme d’études féministes.Lire la suite »

Bennholdt-Thomsen & Mies, Feminist postmodernism, 1997

The ideology of oblivion and dematerialisation

The tendency of groups to forget or “kill” their origins is by no means an isolated case, specific to Germany. We find the same in the USA and in the UK, from where under the banner of postmodernism this tendency spread throughout the whole world. Postmodern feminism has become the dominant theoretical stream in most Women’s Studies departments, particularly in the Anglo-Saxon world. Feminist scholars who do not follow this stream experience problems in finding a position in Women’s Studies programmes.Lire la suite »

Bennholdt-Thomsen & Mies, Postmodernismus, 1997

die Ideologie des Vergessens und die Entmaterialisierung der Frau

Was wir in der deutschen Frauenbewegung über die Abkehr von den Anfängen beobachtet haben, ist keine Einzelerscheinung. Dieser Trend ist vor allem in den USA verbreitet, von wo er sich seit etwa 1980 unter dem Banner des postmodernen Feminismus als die neue theoretische Grundlage über die ganze Welt verbreitet hat.

Wie 1996 auf dem internationalen Frauenkongreß „Radical Feminist Politics“ in Melbourne berichtet wurde, ist der Postmodernismus inzwischen die herrschende Theorie an fast allen Frauenforschungs- und -studienschwerpunkten in der Welt, vor allem der angelsächsischen Welt. Frauen, die diese Theorie ablehnen, finden kaum mehr eine Stelle in den Women’s Studies. Lire la suite »

Thomas Jodarewski, L’Apocalypse selon Nolanheimer, 2023

Critique du film Oppenheimer de C. Nolan.

Il aura quand même fallu 3h30 au réalisateur britannique Christopher Nolan pour rendre sympathique le directeur scientifique du programme nucléaire qui fit 200 000 morts civiles, les 6 et 8 août 1945, à Hiroshima et Nagasaki. Sa recette : un acteur sexy joue un honnête physicien persécuté, rongé par des problèmes de conscience.

Nous, qui ne sommes pas responsables d’un crime de masse, avons d’autres problèmes. Et d’abord celui de rétablir la biographie du « Père de la bombe atomique », puisque les critiques cinéma s’empêchent de le faire. Question de salubrité intellectuelle. Lire la suite »