François Jarrige, Smart city, 2021

Les impasses d’un outil de transition

Alors que la croissance urbaine s’accélère en inaugurant des défis gigantesques, les smart cities ne cessent d’être présentées comme l’outil majeur de la transition énergétique et socio-écologique. Pour nombre d’industriels et de politiques en effet, la smart city est l’infrastructure indispensable de la politique de transition qui doit remodeler les manières de produire et de consommer l’énergie et d’organiser la ville. Elle doit permettre des gains d’efficacité énergétique, en assurant notamment une meilleure intégration des énergies renouvelables intermittentes, comme le solaire et l’éolien, ou en permettant d’ajuster la production énergétique en fonction des besoins. Le gestionnaire du réseau électrique Enedis a d’ailleurs lancé un programme de démonstrateurs « smart grids » dans plusieurs communes pour préparer leur phase d’industrialisation, alors que les inaugurations de smart cities se multiplient un peu partout dans le monde depuis 2010. Lire la suite »

Publicité

Radio: Aurore Stephant, Ruée minière au XXIe siècle, 2022

Aurore Stephant ingénieure et géologue minier, spécialiste des activités minières et de leurs impacts humains, sanitaires, sociaux et environnementaux, membre de l’association SystExt (Systèmes extractifs et Environnements), donne une conférence sur le thème « Ruée minière au XXIe siècle : jusqu’où les limites seront-elles repoussées ? ».

Le monde fait face à une demande croissante en ressources minérales dans tous les secteurs, en particulier ceux de la construction, du transport, de la défense, de l’approvisionnement en énergie ou encore des technologies de l’information et de la communication. Si la mine a servi toutes les révolutions industrielles, il est désormais attendu qu’elle soit plus que jamais sollicitée pour l’avènement de la Révolution 4.0, celle de la « dématérialisation », des énergies « propres » et des technologies « vertes ». Ce modèle de développement repose sur l’intensification de l’industrie minière, qui est l’une des activités les plus prédatrices et dangereuses. Le secteur est ainsi le plus important producteur industriel de déchets solides, liquides et gazeux, ou encore responsable du plus grand nombre de conflits socio-environnementaux. Dans un contexte de diminution des teneurs et de raréfaction des gisements facilement exploitables, il en résulte une augmentation exponentielle de la consommation d’eau et d’énergie, ainsi que des impacts environnementaux et sociaux. Jusqu’où toutes ces limites seront-elles repoussées pour répondre à une consommation de métaux démesurée ?

.

Racine de moins un
Une émission
de critique des sciences, des technologies
et de la société industrielle.

.
Émission Racine de Moins Un n°83,
diffusée sur Radio Zinzine en février 2023. Lire la suite »

F. Jarrige & T. Le Roux, Pollutions industrielles, 2022

Histoire d’une contamination globale

La généralisation croissante des pollutions à l’échelle globale a contribué à imposer l’urgence des transitions dans le débat contemporain. C’est pour lutter contre leur expansion que s’impose la nécessité d’engager des actions et des politiques pour réduire les émissions toxiques dans l’air, les sols ou les eaux. Depuis les années 1970, la pollution est en effet devenue une catégorie d’analyse et d’action fondamentale des sociétés contemporaines, au moment où l’écologie politique s’est affirmée dans le champ intellectuel et médiatique. Depuis cinquante ans, les pollutions sont l’un des principaux moyens par lesquels la question écologique s’invite dans les médias : le sujet occupe une part importante des alertes à destination du public, il symbolise les impasses et dégradations environnementales du modèle industriel dominant [1]. Lire la suite »

François Jarrige, Pétrole, 2021

L’or noir entre nuisances, dégâts et transitions

Depuis que la « transition » s’est imposée au cœur des imaginaires contemporains, les grands groupes pétroliers sont de plus en plus présentés comme des acteurs majeurs du processus. Certains éditorialistes n’hésitent pas à proclamer que « La transition écologique passera en grande partie par les compagnies pétrolières » [1]. Celles-ci investissent en effet massivement dans les énergies dites « renouvelables » comme le solaire et l’éolien, et s’apprêtent à devenir des fournisseurs majeurs d’électricité prétendument décarbonée. La « transition » est même devenue un élément essentiel de leur communication auprès des autorités et du public. Ainsi, parmi de multiples annonces, le groupe Total a indiqué en septembre 2020 qu’il transformait sa raffinerie de Grandpuits en une « plateforme zéro pétrole de biocarburants et bioplastiques ». Alors que les compagnies pétrolières apparaissaient de plus en plus, au début du XXIe siècle, comme responsables des crises écologiques en poussant sans cesse à accroître les consommations, cette vaste opération de green washing vise à les propulser en acteurs décisifs et incontournables de la réorientation de nos systèmes énergétiques et de la transition à venir. Lire la suite »

François Jarrige, Charbon, 2021

Généalogie d’une obsession

Les discours et politiques dites de transition prétendent réduire la consommation de charbon minéral, cette substance solide qui a soutenu la croissance industrielle du monde depuis deux siècles et généré une grande partie du CO2 rejeté dans l’atmosphère. En septembre 2020, le président chinois Xi Jinping prononçait ainsi un discours remarqué à l’Assemblée générale de l’ONU dans lequel il annonçait que son pays atteindrait la neutralité carbone d’ici 2060. Pour cela, la production et la consommation de charbon devaient diminuer drastiquement, alors que la part de l’éolien, du solaire, et du nucléaire devait croitre grâce à des investissements gigantesques. Si certains ont vu dans ces annonces un grand basculement annonçant la possibilité d’un développement économique et d’une politique de puissance non fondés sur les énergies fossiles, beaucoup d’autres soulignent le caractère irréaliste de ces annonces et promesses alors que le pays continue d’ouvrir d’immenses centrales à charbon [1]. Lire la suite »

Jean-Baptiste Fressoz, La « transition énergétique », de l’utopie atomique au déni climatique, 2022

USA, 1945-1980

Résumé

Le climato-scepticisme et les stratégies de production d’ignorance des compagnies pétrolières ont déjà fait l’objet d’importants travaux. Cet article contribue à cette question mais en décalant le regard. Il s’intéresse moins au climatoscepticisme qu’à une forme plus subtile, plus acceptable et donc beaucoup plus générale de déni du problème climatique : la futurologie de « la transition énergétique », au sein de laquelle l’histoire, un certain type d’histoire de l’énergie, a joué un rôle fondamental. La force de conviction de la transition tient de son caractère ambigu, ambidextre, à cheval entre histoire et prospective, dans cette manière de projeter un passé imaginaire pour annoncer un futur qui pourrait l’être tout autant. Lire la suite »

Jean-Baptiste Fressoz, Pour une histoire des symbioses énergétiques et matérielles, 2021

Avec l’urgence climatique, l’expression « transition énergétique » a acquis un tel prestige que les historiens en sont venus à l’employer pour décrire toutes sortes de processus, y compris ceux qui furent, à rigoureusement parler, des additions énergétiques. Le problème de la « transition énergétique » est qu’elle projette un passé qui n’existe pas sur un futur pour le moins fantomatique. Cet article propose une nouvelle façon d’aborder l’histoire de l’énergie en tant que dynamique d’accumulation symbiotique.

 

Ces dernières années ont vu paraître de nombreux ouvrages portant sur l’histoire de l’énergie. On peut se réjouir de ce renouveau d’intérêt, on peut aussi regretter que ces ouvrages se soient placés sous la bannière de la « transition ». Avec l’urgence climatique, ce mot a acquis un tel prestige, une telle centralité, que les historiens en sont venus à l’employer pour décrire toutes sortes de processus, y compris ceux qui furent, à rigoureusement parler, des additions énergétiques [1].

La révolution industrielle est ainsi présentée comme une « transition » du bois vers le charbon, comme le passage d’une « économie organique » à une « économie minérale ». On peut lire dans un ouvrage de référence récent que le pétrole et l’électricité au XXe siècle furent des « transitions énergétiques » – alors que l’électricité accroît la consommation de houille et que le pétrole ne la réduit pas forcément [2]. La vision « phasiste » du monde matériel est si profondément ancrée que des historiens opposent un XIXe siècle du charbon à un XXe siècle du pétrole – et en tirent des conclusions hasardeuses sur l’histoire et la nature du pouvoir [3]. La prodigieuse lenteur de l’actuelle « transition énergétique » n’a pas non plus annulé les présomptions sur celles qui sont supposées avoir eu lieu par le passé [4]. Lire la suite »

Philippe Bihouix, Des limites de l’économie circulaire, 2011

la question des métaux

« Au fil du temps, même l’or et les métaux se désagrègent,
les plus hautes montagnes s’érodent,
toute chose qui a forme se détruit facilement »

Zhang Zai, philosophe chinois (1020-1078).

La sagesse orientale oubliée, les métaux sont réputés recyclables à l’infini, donc futurs champions de l’économie circulaire à venir.

La réalité est moins rose, car les métaux sont malheureusement, au même titre que les énergies fossiles, des ressources non renouvelables, dont nous faisons un gâchis immense au détriment des générations futures. En faire le constat nous oblige à repenser de manière fondamentale notre société industrielle et son avenir. Lire la suite »

Low-Tech Magazine, Aveuglés par l’efficacité énergétique, 2018

Se concentrer sur l’efficacité énergétique, c’est rendre indiscutables nos modes de vie actuels. Pourtant, changer nos modes de vie est essentiel pour atténuer le changement climatique et réduire notre dépendance aux énergies fossiles.

 

Politiques d’efficacité énergétique

L’efficacité énergétique est une pierre angulaire des politiques visant à réduire les émissions de carbone et la dépendance vis-à-vis des combustibles fossiles dans le monde industrialisé. L’Union européenne (UE) s’est par exemple fixé comme objectif de réaliser 20 % d’économies d’énergie grâce à des améliorations sur le plan de l’efficacité énergétique d’ici 2020, et 30 % d’ici 2030. Les mesures de l’UE visant à atteindre ces objectifs de l’UE comprennent des certificats d’efficacité énergétique obligatoires pour les bâtiments, des normes minimales d’efficacité énergétique et l’étiquetage de divers produits tels que les chaudières, les appareils ménagers, l’éclairage et les téléviseurs, et des normes de performance en matière d’émissions pour les voitures [1]. Lire la suite »

Radio : Jarrige, Amiech, Izoard, Contre le totalitarisme numérique, 2021

Une critique du numérique et de la société qu’il fait advenir d’un point de vue écologiste et libertaire. Un critique du capitalisme et de son accélération, du colonialisme et de l’extraction des métaux comme des données. L’industrie électronique analysée comme un programme extra-terrestre qui sacrifie la planète, la vie sociale et la liberté. Lire la suite »