Groupe Grothendieck, Bio-objets, les nouvelles frontières du vivant, 2022

Après l’Empire cybernétique (2004), la Société postmortelle (2008) et le Corps-marché (2014), la sociologue des technologies, Céline Lafontaine continue sur la même lancée avec un livre de sociologie critique sur les dernières avancées des biotechnologies humaines.

Dans un essai mêlant philosophie des sciences, sociologie, critique politique, analyse économique, enquête de terrain, la sociologue donne des outils de compréhension de la nouvelle modernité technologique liée aux transformations structurelles du vivant en ce qu’elle appelle des « bio-objets ». Une recension du groupe Grothendieck.
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Geneviève Pruvost, Vivre et travailler autrement, 2013

Résumé

Travailler dur
et penser mou…

Cet article se fonde sur une soixantaine de récits de vie ayant pour thème « vivre et travailler autrement », autrement dit les « alternatives écologiques au quotidien ». Les entretiens révèlent qu’emprunter les chemins de traverse permettant de vivre de telles alternatives en zone rurale relève de tâtonnements et d’une conquête perpétuelle, très réfléchie, que l’on soit ou non issu d’une famille déjà engagée dans cette démarche ou vivant à la campagne. À rebours de l’utopie communautaire des années 1970, on fait par ailleurs le constat d’un mode de vie en réseau organisé à partir d’une vie de couple dans des maisons individuelles. La conversion du travail en art de vivre et en action collective visant le « bien vivre ensemble » constitue la trame de témoignages qui se présentent comme des expériences à portée de main, à partir du moment où saute l’obstacle (présenté comme idéologique, non seulement matériel) de l’accès à l’autoproduction. Cet article entend mettre en évidence le continuum entre travail domestique, labeur, œuvre, activité professionnelle et militance, qui caractérise ces formes d’engagement écologique contemporaines.Lire la suite »

Geneviève Pruvost, Chantiers participatifs, autogérés, collectifs, 2015

la politisation du moindre geste

Résumé

Travailler dur
et penser mou…

Des partisans de l’utopie concrète, engagés dans la recherche de cohérence entre théories et pratiques écologiques, interrogent les notions de « participation » et de « travail » dans une perspective critique du développement industriel. Le travail est alors appréhendé comme une prise de position politique (écologique, libertaire). Dans le monde militant de l’écoconstruction, on étudiera les variantes de l’organisation des tâches dans des chantiers participatifs, autogérés et collectifs, que ce soit dans le cadre légal du bénévolat et d’une société coopérative et participative (SCOP) ou dans un contexte de lutte à Notre-Dame-des-Landes. Lire la suite »

Thomas S. Kuhn, La vérité scientifique n’a pas besoin d’être unique, 1995

Thomas S. Kuhn (1922-1996) a enseigné successivement aux universités Harvard, Berkeley et Princeton, avant de terminer sa carrière au Massachusetts Institute of Technology de Cambridge (Massachusetts). Après avoir consacré en 1957 un travail à La Révolution copernicienne (le Livre de poche, Biblio Essais, 1992), il a publié en 1962 un livre, La Structure des révolutions scientifiques (Flammarion, 1983), qui a durablement marqué l’histoire et la philosophie des sciences. Lire la suite »

Naïké Desquesnes, Nandini Sundar et les (nouveaux) rois de la jungle, 2012

Elle a parcouru les forêts du centre de l’Inde de long en large, d’abord pour travailler à son anthropologie historique et économique des révoltes tribales à l’époque coloniale, puis pour dénoncer les exactions d’une milice financée par le gouvernement sous prétexte de combat contre la guérilla maoïste. Nandini Sundar est l’une des rares intellectuelles à avoir une réelle compréhension de ce qui se joue sur un territoire meurtri où se cristallisent les grands enjeux à venir pour le pays. En procès contre l’État du Chhattisgarh depuis cinq ans, elle a choisi d’utiliser les armes du système pour lutter contre l’impunité du pouvoir.
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Radio: Geneviève Pruvost, Quotidien politique, 2021

Quelles sont les alternatives concrètes proposées par l’écoféminisme ? Quelle autre organisation politique de la vie et des rapports à la nature est possible ? Comment le travail de subsistance peut-il devenir un facteur d’émancipation ? La sociologue Geneviève Pruvost qui a publié Quotidien politique – Féminisme, écologie, subsistance aux éditions de La Découverte en septembre 2021 montre que la fabrique du quotidien peut être un enjeu révolutionnaire.

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Racine de moins un
Une émission
de critique des sciences, des technologies
et de la société industrielle.

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Émission Racine de Moins Un n°75,
diffusée sur Radio Zinzine en avril 2022. Lire la suite »

Sylvaine Bulle, Une politique d’émancipation doit mettre l’État à distance, 2020

Entretien avec la sociologue Sylvaine Bulle, autrice d’une enquête sur des expériences d’autonomie politique. Elle explique comment la pandémie peut renforcer le désir de ne pas être gouverné, et inciter à la recherche d’autres formes de vie.

 

S’il est actuellement beaucoup question du retour de l’État et de la restauration de la souveraineté, à droite comme à gauche du spectre politique, d’autres traditions militantes et intellectuelles se situent aux antipodes de cette logique. Au contraire, elles portent une critique radicale de l’État, qui n’en vise pas seulement les aspects les plus autoritaires et coercitifs, mais tout bonnement la prétention à gouverner les populations.

Pour évoquer cette mouvance, Mediapart s’est entretenu avec Sylvaine Bulle, professeure de sociologie à l’ENSA Paris Val de Seine (Université de Paris) et autrice d’Irréductibles. Enquête sur des milieux de vie de Bure à Notre-Dame-des-Landes (UGA Éditions, collection Écotopiques, 2020). Elle décrit les principes et les réalisations des « zones autogouvernées », et met en avant leurs atouts en temps de crise sanitaire. Elle répond aussi aux objections traditionnellement soulevées par ces expériences, comme celles qui moquent leur caractère localement circonscrit. Lire la suite »

Geneviève Pruvost, Critique en acte de la vie quotidienne à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, 2017

Résumé

La lutte d’occupation de la zone à défendre (ZAD) de Notre-Dame-des-Landes contre l’aéroport se déploie depuis 2008 sur une zone rurale dans laquelle le mode de vie adopté par les occupants du site entend faire la démonstration in situ qu’un autre monde est possible. En miroir de ce type de mouvement qui dénonce une conception pyramidale logocentrique du politique (fondée sur des discours en assemblée) ou spectaculaire (établissant un ordre d’importance entre événements dits de « haute » et de « basse » intensité, événements majeurs et mineurs), on s’est par conséquent intéressé à la vie ordinaire : alors que, dans le monde marchand, ses fondements ne sont pas interrogés, s’opère au contraire à la ZAD une politisation du moindre geste ici et maintenant. La critique de la vie quotidienne à la ZAD prend de fait la forme de l’action directe (la pratique l’emporte sur les discours théoriques), de la simplicité (dans les échanges informels, les techniques en usage), de l’autogouvernement dans la répartition des tâches et de l’accès libre et gratuit aux ressources de base. La ZAD présente cependant une diversité d’arrangements dont on explore ici les points de convergence et de divergence.

 

Les luttes d’occupation se fondent sur l’installation illégale sur un site et sa transformation en lieu de vie – condition sine qua non de ce mode d’action politique. Un pas supplémentaire est franchi lorsque le mode de vie qui se déploie sur la zone occupée entend faire la démonstration in situ qu’un autre monde est possible, en proposant un renversement complet des normes (en termes de prise de décision, de rapports sociaux de sexe, de modèle économique, d’organisation domestique). Ainsi fonctionnent les Camps climats qui ont émergé à partir de 2006 en Grande-Bretagne : visant à alerter sur le changement climatique, ce type de rassemblement tient le pari d’occuper un lieu emblématique pendant une semaine en montant en quelques heures chapiteaux, stands, cantines, toilettes sèches sur le mode de l’autogestion, avec une empreinte écologique minimale. Un autre pas est encore franchi quand la lutte d’occupation s’installe dans la durée.Lire la suite »

Francis Chateauraynaud, Des prises sur le futur, 2012

Regard analytique sur l’activité visionnaire

En l’an 2010, Frank Fenner, microbiologiste historique de l’Université nationale australienne, n’a nul besoin d’invoquer les cycles du calendrier Maya pour annoncer la disparition de l’Humanité d’ici une centaine d’années [1]. Selon lui, « l’espèce humaine va s’éteindre » car elle est incapable de surmonter son « explosion démographique » et la consommation « débridée » qu’elle implique. Faire machine arrière est impossible car « il est déjà trop tard ».

Face à une telle prédiction, il y a plusieurs interprétations en concurrence : on peut évidemment qualifier cette annonce de prophétie de malheur et la discréditer d’autant plus facilement que peu de survivants en éprouveront la validité ; on peut aussi la considérer sous l’angle de l’heuristique de la peur (Hans Jonas) et l’entendre comme un type d’injonction paradoxale, aujourd’hui banalisée, visant à faire craindre le pire pour obtenir un réveil des consciences, Fenner rejoignant ainsi les adeptes du catastrophisme éclairé [Dupuy, 2002] ; il est également possible de la poser comme la borne haute d’un espace de conjectures au centre duquel figure une pluralité de scénarios élaborés à partir de modèles compatibles avec le raisonnement scientifique, dès lors que les paramètres sont réalistes et discutables. Si le scepticisme est de mise quant à la possibilité de fonder toute vision du futur de grande ampleur, il y a moyen de se placer en amont en examinant les modalités de l’activité visionnaire. Lire la suite »

J.B. Fressoz et D. Pestre, Risque et société du risque depuis deux siècles, 2011

Les sociologues qui, depuis trente ans, pensent la crise environnementale et les risques technologiques – et dont Ulrich Beck est l’un des représentants les plus éminents et stimulants – réfèrent à une série d’oppositions entre modernité et postmodernité (voire modernité réflexive), entre société du progrès et société du risque. En faisant du risque l’objet central de la situation présente, ils proposent une image – et un système d’oppositions – qui, nous semble-t-il, servent d’abord à faire valoir notre supériorité, la nouveauté radicale et exemplaire de nos attitudes.

Les risques ne seraient pas seulement devenus notre nouvelle condition, ils auraient aussi changé de nature. Ils ne sont en effet plus d’abord naturels mais issus de la modernisation elle-même ; ils ne sont plus circonscrits mais ont mué en incertitudes globales ; ils ne sont plus des effets secondaires du progrès mais constituent le défi premier de nos sociétés. Les savoirs multiples qui font connaître les risques invisibles mais globaux que produit la technoscience se retrouvent ainsi au cœur du politique et doivent devenir nos guides. On peut alors dire de la modernité qu’elle est devenue réflexive, qu’elle est capable de questionner sa propre dynamique, voire de la maîtriser [Beck, 2001]. Lire la suite »