Résumé
La lutte d’occupation de la zone à défendre (ZAD) de Notre-Dame-des-Landes contre l’aéroport se déploie depuis 2008 sur une zone rurale dans laquelle le mode de vie adopté par les occupants du site entend faire la démonstration in situ qu’un autre monde est possible. En miroir de ce type de mouvement qui dénonce une conception pyramidale logocentrique du politique (fondée sur des discours en assemblée) ou spectaculaire (établissant un ordre d’importance entre événements dits de « haute » et de « basse » intensité, événements majeurs et mineurs), on s’est par conséquent intéressé à la vie ordinaire : alors que, dans le monde marchand, ses fondements ne sont pas interrogés, s’opère au contraire à la ZAD une politisation du moindre geste ici et maintenant. La critique de la vie quotidienne à la ZAD prend de fait la forme de l’action directe (la pratique l’emporte sur les discours théoriques), de la simplicité (dans les échanges informels, les techniques en usage), de l’autogouvernement dans la répartition des tâches et de l’accès libre et gratuit aux ressources de base. La ZAD présente cependant une diversité d’arrangements dont on explore ici les points de convergence et de divergence.
Les luttes d’occupation se fondent sur l’installation illégale sur un site et sa transformation en lieu de vie – condition sine qua non de ce mode d’action politique. Un pas supplémentaire est franchi lorsque le mode de vie qui se déploie sur la zone occupée entend faire la démonstration in situ qu’un autre monde est possible, en proposant un renversement complet des normes (en termes de prise de décision, de rapports sociaux de sexe, de modèle économique, d’organisation domestique). Ainsi fonctionnent les Camps climats qui ont émergé à partir de 2006 en Grande-Bretagne : visant à alerter sur le changement climatique, ce type de rassemblement tient le pari d’occuper un lieu emblématique pendant une semaine en montant en quelques heures chapiteaux, stands, cantines, toilettes sèches sur le mode de l’autogestion, avec une empreinte écologique minimale. Un autre pas est encore franchi quand la lutte d’occupation s’installe dans la durée.Lire la suite »