François Jarrige, Sabotage, un essai d’archéologie au XIXe siècle, 2020

Résumé

Si le sabotage émerge, s’étend et se théorise comme mode d’action à la fin du XIXe siècle, il renvoie cependant à des logiques plus anciennes qui n’ont cessé d’accompagner l’installation des sociétés industrielles, ses nouveaux équipements et ses infrastructures. Dans ce bref essai, il s’agit d’explorer certains traits de ce répertoire d’actions protestataires en examinant brièvement la généalogie du sabotage et des actions destructrices au XIXe siècle, révélant par là la diversité de ses formes et l’ingéniosité des groupes subalternes. Le mot « sabotage » désigne une action qui vise à détériorer et mettre hors d’usage, de façon volontaire et plus ou moins clandestine, du matériel, des machines, des installations ou équipements, afin de désorganiser une activité productive ou sociale et faire pression sur les décideurs économiques et politiques. Mais le terme recouvre un ensemble d’actions très diverses qui varient selon les groupes et les périodes. Lire la suite »

Dominique Pinsolle, Du ralentissement au déraillement, 2015

le développement du sabotage en France (1897-1914)

Résumé

Le sabotage, c’est repousser, arracher ou briser les crocs du capitalisme

Adopté par la CGT en 1897, le sabotage est au départ conçu comme une dégradation volontaire et clandestine de la qualité du travail, du matériel ou de la production elle-même, afin de nuire uniquement aux intérêts de l’employeur. Aux yeux de certains militants, il devient à partir de la grève des Postes de 1909, et plus encore après celle des cheminots de 1910, un mode d’action susceptible de paralyser le pays tout entier, avant d’occuper une place centrale dans les plans de « sabotage de la mobilisation » élaborés au sein des milieux anarchistes. Cet article vise à comprendre comment une pratique au départ marginale et cantonnée au lieu de production a pu constituer une menace d’ampleur nationale dans les années précédant le premier conflit mondial. Lire la suite »

Jérôme Baschet, Un Moyen Âge rebelle, 2010

L’occultation du Moyen Âge est l’une des caractéristiques de la généalogie que l’Occident s’est donnée à lui-même (aussi bien du reste dans les versions les plus conventionnelles de celle-ci que dans des œuvres plus singulières, comme celle de Michel Foucault). Balloté entre le goût pour le merveilleux et le mépris pour une époque de repli, d’immobilisme et de désordre, le Moyen Âge demeure le trou noir de l’histoire européenne : un millénaire négligeable à l’heure de comprendre la formation de l’Occident et de sa puissance. C’est pour l’essentiel aux Lumières que l’on doit cette vision d’un Moyen Âge obscurantiste avec, en contrepoint, la construction d’un référent illusoire, situé dans l’Antiquité romaine, et la radicalisation de la fausse coupure entre Moyen Âge et Renaissance. Et il faut se résoudre à constater que le schéma historiographique qui s’est mis en place à partir de la fin du XVIIIe siècle domine encore de nos jours, tant les efforts pour se débarrasser des lieux communs sur les ténèbres moyenâgeuses semblent se heurter à des habitudes de pensée indéracinables. Lire la suite »

Editions de la Roue, De la démocratie villageoise à la démocratie directe, 2014

« Nous les pouvons donc bien appeler barbares,
eu égard aux règles de la raison,
mais non pas eu égard à nous,
qui les surpassons en toute sorte de barbarie. »

Michel de Montaigne, Essais.

Nous n’avons pas la prétention d’établir une généalogie de la liberté, ni de faire de celle-ci un absolu, un invariant dans l’histoire : le combat pour la liberté est forcément modifié par les conditions matérielles comme par l’organisation politique de son développement, de sa captation ou de sa répression. Nous cherchons à ramener dans le présent les éléments universels constitutifs du fil jamais rompu de toutes les tentatives d’organisation directe de l’existence. Lire la suite »

Wu Ming 1, Q comme Qomplot, 2022

« Quand la gauche ne fait pas son travail, le conspirationnisme remplit l’espace »

 

L’un des membres du collectif bolognais Wu Ming revient pour Mediapart sur les élections italiennes et le livre décisif qu’il a écrit sur le complotisme en général et QAnon en particulier.

En 1999, « Luther Blissett », un pseudonyme collectif subversif militant et artistique publie, chez l’éditeur italien Einaudi, un livre intitulé Q, qui devient rapidement un best-seller. L’intrigue du roman, traduit en français au Seuil l’an dernier, se déroule entre 1517 et 1555 et tisse un long duel à distance entre un hérétique aux multiples noms et un agent provocateur papiste répandant de fausses informations au moyen de lettres signées du nom biblique Qohélet.

Vingt ans plus tard, les premières traces du mouvement QAnon sont pétries de références à cet ouvrage. Au point que lorsque des adeptes de ce mouvement convaincu de lutter aux côtés de Donald Trump contre un complot pédocriminel et sataniste réussissent à pénétrer dans le Capitole le 6 janvier 2021, le collectif italien Wu Ming, héritier du Luther Blissett Project, croule sous les demandes d’entretien pour savoir :

« S’il était vraiment plausible que ce qui avait déclenché un processus culminant dans une attaque du Parlement de la plus grande puissance mondiale, ça pouvait avoir été une blague inspirée d’un roman ».

Tel est le point de départ de l’enquête généalogique menée par Wu Ming 1, Roberto Bui, l’un des membres du collectif Wu Ming, dans l’ouvrage Q comme Qomplot. Comment les fantasmes de complot défendent le système, que publient les éditions Lux. Lire la suite »

Jean-Baptiste Fressoz, L’inquiétude climatique, histoire politique d’un refoulement, 2012

 

Jean-Baptiste Fressoz,
L’Apocalypse joyeuse.
Une histoire du risque technologique,
Paris, Seuil, 2012, 312 p.

 

Notre connaissance des effets des activités humaines sur le climat est-elle récente ? Notre conscience écologique apparemment nouvelle est-elle le prélude à une transformation radicale de nos pratiques ? Pour Jean-Baptiste Fressoz, l’histoire politique du risque technologique et de sa régulation montre au contraire la réflexivité environnementale des sociétés passées. Mais cette histoire, si elle met à mal notre confiance dans l’inéluctabilité des transformations que cette conscience devrait entraîner, nous permet aussi de comprendre que d’autres chemins étaient possibles, et que certains sont peut-être encore praticables.
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Aurélien Berlan, L’opinion publique et ses élites, 2013

Recensé :
Ferdinand Tönnies,
Critique de l’opinion publique,
traduit de l’allemand par Pierre Osmo,
Gallimard, Paris, 2012. 784 p., 36, 90 €.

 

Dans sa Critique de l’opinion publique, parue en 1922 et récemment traduite en français, Ferdinand Tönnies analyse l’émergence dans les sociétés modernes de ce tribunal moral qu’est l’opinion publique, aussi puissant que l’était la religion. Mais ce rapprochement l’empêche de voir que cette expression collective est le plus souvent mise sous contrôle.

 

La réception française de l’œuvre de Ferdinand Tönnies (1855-1936), considéré outre-Rhin comme l’un des « pères fondateurs de la sociologie » (avec Georg Simmel et Max Weber, qui lui doivent nombre de problématiques et d’intuitions), a été assez sinueuse. Plus vite traduit et introduit en France que Weber [1] , il est ensuite tombé dans un oubli et un discrédit presque complet. Mais il connaît actuellement une sorte de seconde naissance : Communauté et société, son ouvrage majeur de 1887, a été retraduit en 2010 [2], et dans la foulée viennent d’être publiées sa monographie sur Marx [3] (1921) ainsi qu’une monumentale Critique de l’opinion publique (1922). Lire la suite »

Jean-Marc Lévy-Leblond, Objecteur de science, 2018

Entretien

Jean-Marc Lévy-Leblond occupe une place singulière dans le paysage intellectuel français. Physicien de formation, professeur à l’université de Nice Sophia Antipolis, il s’est également pris au jeu de la philosophie et de l’histoire des sciences, s’est investi avec une énergie considérable dans l’édition et, au fil d’un parcours iconoclaste et éclectique, a proposé des réflexions stimulantes sur les rapports entre science et culture. À l’occasion d’un entretien qu’il nous a accordé à l’automne 2017, à Nice, nous avons souhaité l’interroger sur sa trajectoire intellectuelle, ses prises de position critiques sur l’état de la science ainsi que sur son important travail d’éditeur scientifique. Il en résulte des développements éclairants sur la « mise en culture » d’une « critique de science », pour reprendre des expressions qui lui sont chères [1]. Lire la suite »

Cambourakis & Guérin, If you love this planet, 2020

Des femmes contre le nucléaire

 

Comment construire une position antinucléaire à partir des questionnements féministes ? Dans les années 1970, elles furent peu nombreuses à chercher cette articulation et leurs efforts ont été largement oubliés. Pourtant, ces positions méconnues et ces combats constituent aujourd’hui un héritage à réinvestir.

 

Au départ de cet article écrit à quatre mains, il y a des paysages traversés au détour de nos existences : les falaises du Nez de Jobourg près de La Hague pour l’une, les lumières électriques du laboratoire de l’Agence Nationale pour la gestion des Déchets RAdioactifs (ANDRA) éclairant tout Bure la nuit pour l’autre. Le souvenir de rochers au milieu desquels on rit, la mer avec laquelle on s’éclabousse, des corps déliés au soleil, une impression de vie sauvage loin des pavillons de banlieue. Et puis un jour, quelque chose se précise dans le paysage, une usine de retraitement de déchets nucléaires dans le lointain, des histoires de luttes bretonnes appartenant au passé, une photo eighties de femmes encerclant un camp militaire. C’est un paysage de science-fiction que l’on apprend à aimer puis une série policière qui nous lie, une prison à ciel ouvert. Au milieu des champs de monoculture, des rondes des gendarmes et de la valse infernale des procès. C’est là où nous avons tenté, où nous tentons encore, d’habiter les ruines, nous, enfants des déchets nucléaires. Lire la suite »

Radio : A. Berlan et F. Scheidler, Déboulonner la Mégamachine, 2021

Nous ressentons toutes et tous un sentiment d’impuissance face à la « mégamachine », le complexe capitaliste et industriel dans laquelle nos sociétés sont engluées, ainsi qu’à la difficulté à imaginer une alternative à ce système. Fabian Scheidler et Aurélien Berlan donnent à travers leurs ouvrages des pistes pour déboulonner cette « mégamachine ».

Aurélien Berlan, docteur en philosophie, auteur de Terre et liberté. La quête d’autonomie contre le fantasme de délivrance (La Lenteur, 2021, 220 pages). Lire un extrait sur le site de la revue Terrestre.

Fabian Scheidler, philosophe et dramaturge allemand, auteur de La Fin de la mégamachine. Sur les traces d’une civilisation en voie d’effondrement (Seuil, 2020, 620 pages). Lire la présentation de l’ouvrage par son traducteur Aurélien Berlan.

Une conférence organisée par l’Atelier d’écologie politique (Atecopol) de Toulouse le 22 octobre 2021.

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Racine de moins un
Une émission
de critique des sciences, des technologies
et de la société industrielle.

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Émission Racine de Moins Un n°72,
diffusée sur Radio Zinzine en décembre 2021.

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Radio Zinzine
2021: 40 ans de Radio Zinzine