Début mai 2017, un tunnel rempli de déchets radioactifs s’est effondré sur le site de Hanford, dans l’État de Washington, à 275 km de Seattle. Depuis 1943, les réacteurs nucléaires et les usines de retraitement de ce complexe ont généré soixante tonnes de plutonium, équipant les deux tiers de l’arsenal nucléaire américain. Cette production, extrêmement polluante, a créé d’immenses quantités de déchets chimiques et radiologiques qui empoisonnent encore aujourd’hui les rives du majestueux fleuve Columbia, si bien que ce gigantesque combinat, seize fois plus grand que Paris, où s’agitent aujourd’hui 9 000 décontaminateurs, est considéré comme le plus grand dépotoir nucléaire du continent américain. Lire la suite »
Étiquette : déchets radioactifs
Cambourakis & Guérin, If you love this planet, 2020
Des femmes contre le nucléaire
Comment construire une position antinucléaire à partir des questionnements féministes ? Dans les années 1970, elles furent peu nombreuses à chercher cette articulation et leurs efforts ont été largement oubliés. Pourtant, ces positions méconnues et ces combats constituent aujourd’hui un héritage à réinvestir.
Au départ de cet article écrit à quatre mains, il y a des paysages traversés au détour de nos existences : les falaises du Nez de Jobourg près de La Hague pour l’une, les lumières électriques du laboratoire de l’Agence Nationale pour la gestion des Déchets RAdioactifs (ANDRA) éclairant tout Bure la nuit pour l’autre. Le souvenir de rochers au milieu desquels on rit, la mer avec laquelle on s’éclabousse, des corps déliés au soleil, une impression de vie sauvage loin des pavillons de banlieue. Et puis un jour, quelque chose se précise dans le paysage, une usine de retraitement de déchets nucléaires dans le lointain, des histoires de luttes bretonnes appartenant au passé, une photo eighties de femmes encerclant un camp militaire. C’est un paysage de science-fiction que l’on apprend à aimer puis une série policière qui nous lie, une prison à ciel ouvert. Au milieu des champs de monoculture, des rondes des gendarmes et de la valse infernale des procès. C’est là où nous avons tenté, où nous tentons encore, d’habiter les ruines, nous, enfants des déchets nucléaires. Lire la suite »
Michel Claessens, ITER : une dérive systémique, 2022
Comme tous les grands projets technologiques, le réacteur expérimental de fusion nucléaire ITER a atteint son point de non retour : trop d’argent a déjà été investi pour arrêter le projet, les difficultés se multiplient et nécessitent de plus en plus d’argent pour simplement pouvoir continuer. Dans ces conditions, la direction, prise entre ces injonctions contradictoires, cherche à renforcer son emprise sur « l’image » et gratte des bouts de chandelle sur la sécurité… Voici le témoignage de l’ancien directeur de la communication d’ITER Organization.
[Résumé par Celia Izoard, « Stress, peur, pression : le difficile quotidien des salariés du réacteur nucléaire ITER », site Reporterre, 2 mars 2022.]
Mesdames et Messieurs les députés européens, chers collègues,
Je vous remercie de m’avoir invité aujourd’hui comme lanceur d’alerte. Nous avons vu des photos impressionnantes du chantier ITER. Elles reflètent le meilleur de la science et de la technologie. On prépare l’énergie du futur.
La réalité du projet est très différente.
Aujourd’hui, les collègues que je rencontre à Cadarache et à Barcelone me parlent, en tête-à-tête, d’un stress insupportable et d’une peur omniprésente – peur de perdre son emploi, d’être déplacé ou de devoir exécuter un ordre contraire à l’intérêt du projet, peur aussi de parler et d’être reconnu. Il y a, dans ce projet de pointe, une « omerta », une loi du silence scientifique. Lire la suite »
Michel Claessens, ITER: a systemic drift, 2022
Like all major technological projects, the experimental nuclear fusion reactor ITER has reached its point of no return: too much money has already been invested to stop the project, difficulties are multiplying and more and more money is needed to simply continue. In these conditions, the management, caught between these contradictory injunctions, seeks to reinforce its hold on « image » and scrape by on safety… Here is the testimony of the former director of communication of the ITER Organization.
Ladies and Gentlemen Members of the European Parliament, Dear colleagues,
Thank you for inviting me today as a whistleblower. We have seen beautiful photos of the ITER worksite. They show the best of science and technology. We are preparing the energy of the future.
The reality of the project is very different.
Today, the colleagues I meet in Cadarache and Barcelona talk to me, face-to-face, about unbearable stress and pervasive fear – fear of being displaced, fear of losing their job or fear to have to execute a decision against the interest of the project. They are afraid to speak and be recognized. There is, in this cutting-edge project, an “omerta”, a law of scientific silence. Lire la suite »
Thierry Ribault, Tchernobyl, les archives du malheur, 2020
À propos du livre Manual for Survival – A Chernobyl guide to the future
Alors que la catastrophe de Tchernobyl a commencé il y a 34 ans, qu’un feu de forêt incontrôlé menace le confinement de ses anciennes installations et que le discours officiel sur le contrôle de la situation rappelle les plus belles heures de l’URSS, nous publions cette recension de l’important ouvrage de Kate Brown, Manual for Survival – A Chernobyl guide to the future par Thierry Ribault. Il s’agit ici de contribuer à « une meilleure compréhension des processus de production d’ignorance en situation de catastrophe industrielle et sanitaire ».
Au printemps 2019, Kate Brown, historienne et membre du programme de recherche Science, Technologie et Société du Massachusetts Institute of Technology (MIT), a fait paraître Manual for Survival – A Chernobyl guide to the future [1]. Si ce volumineux ouvrage de référence a déjà fait l’objet d’une édition espagnole, en France, en revanche, il reste non seulement non traduit, mais aussi privé de tout compte rendu dans les revues scientifiques ou les médias. Seule la page Wikipédia en français de l’auteur en rend brièvement compte, avec toutefois cette singularité surprenante : alors que la version anglaise de cette page mentionne l’ensemble des critiques suscitées par l’ouvrage, dont de nombreuses appréciations positives, les auteurs de la version française ont opéré un tri sélectif aboutissant à faire figurer exclusivement les critiques émanant de ses détracteurs. Lire la suite »
De Cadarache à Bure, mettre fin au délire nucléaire!
«Pourquoi ce centre inoffensif n’a-t-il pas été installé tout simplement à Paris, et plus spécialement dans les jardins inutiles de l’Élysée? […] Si on me dit que, malgré son innocuité certifiée, ce centre nucléaire ferait courir quelque danger à Paris et aux hôtes de l’Élysée, je répondrai que notre sort et celui de nos enfants présents et futurs nous sont également très chers.»
Jean Giono, A propos de la construction de Cadarache, Provence, 1961.
En 70 ans, la filière nucléaire française a produit 1,62 million de m³ de déchets radioactifs, soit l’équivalent de 648 piscines olympiques de matériaux qui resteront hautement toxiques pour des centaines de milliers d’années (1). Chaque année, elle en produit 25 000 m³ de plus. A 30 km d’ici, 42 000 m3 de déchets nucléaires sont entreposés dans le gigantesque centre de Cadarache où, de l’aveu même des autorités, ils contaminent le sol et les eaux souterraines.
La « solution » décidée par l’État est l’enfouissement des plus dangereux de ces déchets à Bure, dans le nord-est de la France, une campagne sinistrée par les deux guerres mondiales et l’agro-industrie. Cette gigantesque poubelle nucléaire baptisée « Centre industriel de stockage géologique » (Cigéo), plongeant jusqu’à 500 mètres sous terre et comptant 300 km de galeries, devrait coûter au minimum 25 milliards d’euros d’argent public (2).Lire la suite »
From Cadarache to Bure, stop the nuclear madness immediately!
« Why was this harmless centre not simply installed in Paris, and especially in the useless gardens of the Elysee? […] If I am told that, despite its certified safety, this nuclear centre would cause some danger in Paris and the guests of the Elysée, I will answer that our fate and that of our children present and future are also very dear to us. »
Jean Giono, on the construction of Cadarache, Provence, 1961.
In 70 years, the French nuclear industry has produced 1.62 million cubic meters of radioactive waste, the equivalent of 648 Olympic-sized swimming pools full of matter that will remain highly toxic for hundreds of thousands of years (1). Each year, it produces 25,000 m³ more. At 30 km from here, 42,000 m 3 of nuclear waste are stored in the gigantic centre at Cadarache where, as the authorities themselves admit, they contaminate the soil and groundwater.
The « solution » decided by the state is to bury the most dangerous waste at Bure, in the north-east of France, a rural region that has suffered from the two world wars and the impact of agribusiness. This gigantic nuclear rubbish dump, dubbed « Industrial Geological Storage Center » (Cigeo), up to 500 meters underground and with 300 km of galleries, should cost at least 25 billion euros of public money (2) .Lire la suite »
François Jarrige, Bure, des hiboux face aux autruches, 2018
Le futur centre de stockage géologique des déchets les plus radioactifs du parc français de Bure (Meuse) est le théâtre de résistances que le gouvernement français tente d’étouffer par tous les moyens. Ces militants responsables ne font pourtant que répondre à l’injonction présidentielle de juin 2017 consistant à « make our planet great again ».
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La répression se déploie avec une force inédite autour du projet d’enfouissement des déchets nucléaire à Bure, témoignant des enjeux politiques considérables qui se jouent là-bas. Une cinquantaine de procès, 28 interdictions de territoire, deux ans de prison ferme et plusieurs centaines de mois avec sursis cumulés, voici le résultat d’une situation absurde qui se déroule sans que personne ou presque ne s’en offusque.
Depuis l’ouverture en juin 2017 d’une instruction judiciaire pour « association de malfaiteurs » et l’évacuation, en février 2018, du bois Lejuc, la police et la justice surveillent et tentent d’asphyxier la lutte locale dans un contexte où le projet doit entrer dans sa phase de réalisation concrète. Les premiers travaux pour construire une voie ferrée censée acheminer les déchets démarrent cet automne alors que la demande d’autorisation de construction n’a pas officiellement été déposée, prévue initialement mi-2018 elle le sera en 2019. Les autorités inquiètent vont tout faire pour que le calendrier soit respecté et que l’opposition reste confinée, il ne faut surtout pas que Bure devienne une grande cause comparable à Notre-Dame-des-Landes.Lire la suite »
Philippe Godard, Fukushima, le nucléocrate et le catastrophiste, 2011
La « gestion » de la crise nucléaire de Fukushima montre comment l’idéologie catastrophiste sert du mieux qu’il est possible les nucléocrates et tous les technolâtres qui contaminent le monde contemporain. Les écologistes catastrophistes, qui à longueur de textes et de conférences nous prédisent un monde invivable d’ici quelques décennies, au mieux un ou deux siècles, sont pris ici à leur propre piège. Il serait temps pour eux de reconnaître leur erreur et d’abandonner cette tactique politique qui confine à la démagogie, y compris chez les décroissants.
Les informations, les déclarations, les décisions prises au Japon et partout dans le monde dès les premières heures de l’emballement du réacteur n°1 de Fukushima et encore plus dans les jours qui ont suivi permettent de démonter comment fonctionne l’« administration d’un désastre ». En toute lumière, se met en place le mécanisme par lequel les nucléocrates peuvent être certains de récupérer en toute occasion et à tout moment le catastrophisme d’écologistes peu conscients des réalités politiques.Lire la suite »
Contribution à une Solution originale au Problème des déchets radioactifs, 1990
Contribution de quelques habitants de la Vienne et de la Charente à une Solution originale au Problème des déchets radioactifs
A Monsieur le Préfet,
Sincèrement émus par les difficultés que semble rencontrer l’Etat et ses services spécialisés pour imposer ses déchets radioactifs à des populations hostiles, nous nous sommes réunis en un petit groupe d’amis, afin de leur trouver une solution et se débarrasser du même coup du problème et de ses inventeurs.
Nous avons remarqué que le principal argument que l’on oppose aux adversaires de l’enfouissement des déchets est que, puisque ces déchets existent, il faut bien en faire quelque chose et qu’il vous semble donc naturel que nous acceptions de les voir enfouis sous nos pieds, alors qu’il nous semblerait beaucoup plus naturel de commencer par en supprimer la cause.
Nous n’insisterons pas non plus sur l’ironie qu’il y a à demander maintenant de la responsabilité et du civisme à des populations dont on ne s’est jamais soucié de demander l’avis lorsque cette funeste aventure nucléaire a commencé.
Mais, foin des rancunes. Vous voyant dans l’embarras, avec vos déchets sur les bras, et bien décidés à ne pas les accepter, nous n’avons pas d’autre choix que de vous enlever cette excuse embarrassée. Lire la suite »