Radio: Le Steampunk comme uchronie technologique, 2016

Lorsque les auteurs de steampunk imaginent des mondes alternatifs où la vapeur et le charbon se sont imposés comme énergies dominantes, ils mettent en place une esthétique mais aussi une technologie alternative. C’est l’occasion aussi de revenir sur l’histoire de l’industrialisation et d’évoquer d’autres trajectoires technologiques possibles. Avec François Jarrige, Sylvie Allouche, Alain Damasio et Olivier Gechter aux Utopiales à Nantes en octobre 2016.

Ensuite, une brève présentation de l’ouvrage Rétrofutur, une contre histoire des innovations énergétiques, éd. Buchet-Chastel, 2018 (voir aussi le site Paléo-énergétique).

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Racine de moins un
Une émission
de critique des sciences, des technologies
et de la société industrielle.
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Émission Racine de Moins Un n°50, diffusée sur Radio Zinzine en janvier 2019.

François Bott, Les situationnistes et l’économie cannibale, 1971

Au début de l’année 1968, un critique, traitant de la théorie situationniste, évoquait, en se moquant, une « petite lueur qui se promène vaguement de Copenhague à New York ». Hélas, la petite lueur est devenue, la même année, un incendie, qui a surgi dans toutes les citadelles du vieux monde. A Paris, à Prague, à Rome, à Mexico et ailleurs, la flambée a ressuscité la poésie, la passion de la vie dans un monde de fantômes. Et beaucoup de ceux qui, alors, ont refusé le sort qui leur était fait, la mort sournoise qui leur était infligée tous les matins de la vie, beaucoup de ceux-là – jeunes ouvriers, jeunes délinquants, étudiants, intellectuels – étaient situationnistes sans le savoir ou le sachant à peine.

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Hisashi Tôhara, Évocation de la bombe atomique, 1946

Après son décès, et grâce à son épouse Mieko Tôhara, nous pouvons aujourd’hui découvrir ce texte, traduit du japonais par Rose-Marie Makino et publié en juillet 2011.

Il y a tout juste un an, Hiroshima a été frappée par le malheur le plus épouvantable, le plus dramatique jamais expérimenté par l’humanité.

C’était le 6 août 1945, la vingtième année de l’ère Shôwa.

Il y a un an de cela. Au cours de cette année, c’est incroyable comme le monde a pu changer et s’agiter.

Avec cette bombe atomique, le grand Japon a tremblé sur ses bases avant de s’effondrer. Un pays de première grandeur au monde a été placé sous la botte de la huitième armée des États-Unis. Le support que jusqu’alors nous considérions avec confiance comme une base solide était si fragile qu’il s’est brisé d’un seul coup. Le Japon, pays de nos ancêtres dont nous sommes si fiers, le Japon dont il n’existe aucun pays comparable au monde, a perdu le combat.Lire la suite »

Samuel Butler, Le livre des machines, 1870

Introduction

Ce fut pendant mon séjour dans la Cité des Collèges de Déraison – cité dont le nom érewhonien est si cacophonique que j’en fais grâce au lecteur – que j’appris l’histoire de la révolution qui avait eu pour résultat d’anéantir un si grand nombre des inventions mécaniques en usage auparavant.

M. Thims m’emmena faire visite à un monsieur qui avait une grande réputation de savant, et qui était en même temps, à ce que me dit M. Thims, un homme assez dangereux, car il avait tenté d’introduire un adverbe nouveau dans le langage hypothétique. Il avait entendu parler de ma montre et il avait vivement désiré me voir, car il passait pour le plus savant archéologue de tout Erewhon en ce qui concernait l’ancienne mécanique. Notre conversation tomba sur ce sujet, et en partant il me donna un exemplaire d’une réédition du livre qui avait provoqué la révolution.

Elle avait eu lieu environ cinq cents ans avant mon arrivée, et il y avait beau temps que les gens s’étaient faits à ce changement, bien qu’au moment où il se produisit tout le pays se fût trouvé plongé dans la détresse la plus profonde et qu’une réaction qui s’ensuivit faillit presque réussir. La guerre civile fit rage pendant de nombreuses années et on dit qu’elle détruisit la moitié de la population. Les deux partis s’appelaient les Machinistes et les Antimachinistes, et à la fin, comme je l’ai dit, les Antimachinistes eurent le dessus, et traitèrent leurs adversaires avec une dureté tellement inouïe que toute trace d’opposition fut anéantie.Lire la suite »

Edmond Perrier, Hommage à Jean de Lamarck, 1909

Ce discours a été prononcé, le 13 juin 1909, à la cérémonie d’inauguration du monument de Jean de Lamarck, en présence du Président de la République, de S. A. S. Albert Ier, prince de Monaco, et de nombreuses notabilités.

Pour avoir rendu vraisemblable, à force d’arguments patiemment et habilement rassemblés, l’idée que les ressources de forces et de substances de notre globe ont été suffisantes pour créer l’infinie variété des formes vivantes, et maintenir séparées leurs lignées durant de longues suites de générations, Charles Darwin eut, en Angleterre, des funérailles nationales et fut inhumé à Westminster ; dans quelques jours, l’Université de Cambridge fêtera en grande pompe le centième anniversaire de la naissance de son glorieux élève. Par une remarquable coïncidence, cette même année 1909 est aussi le centième anniversaire de la publication d’une œuvre capitale : la Philosophie zoologique, où Jean de Lamarck proclame que les êtres vivants sont l’œuvre graduelle de la Nature ; qu’après avoir formé les plus simples d’entre eux, elle a su les modifier, les compliquer, suivant les temps et les lieux, et que le corps humain lui-même, en tant que forme matérielle, a été soumis aux lois qui ont dominé cette grandiose évolution.Lire la suite »

Étienne Geoffroy Saint-Hilaire, Quelques considérations sur la Girafe, 1827

Le pacha d’Égypte qui avait déjà donné au Roi de fort beaux animaux, tels que l’Éléphant d’Afrique, des Chevaux arabes, des Gazelles etc., consulta, sur un autre envoi qu’il voulait faire, le consul français M. Drovetti ; celui-ci désigna une Girafe, et le pacha en fit aussitôt demander dans le Sennaar et au Dar-Four. De pauvres arabes sur la lizière des terres cultivées entre ces deux grandes provinces en nourrissaient deux très-jeunes avec le lait de leurs chamelles. Elles furent bientôt conduites et vendues au gouverneur du Sennaar, qui les envoya en présent à Mehemet-Ali pacha.

Ces Girafes firent route, d’abord à pied avec une caravane qui se rendit du Sennaar à Siout, ville de l’Égypte supérieure, ensuite étant embarquées sur le Nil, pour être transportées de Siout au Caire. Le pacha les garda trois mois dans ses jardins, voulant leur donner le temps de se reposer et de raffermir leur santé ; puis il les envoya par la voie du Nil, à Alexandrie, où elles furent remises, l’une au consul de France, et l’autre au consul d’Angleterre. C’étaient deux jeunes femelles ; l’individu donné au roi d’Angleterre aurait, dit-on, péri à Malte.

La Girafe destinée au roi de France fut embarquée pour Marseille sur un bâtiment Sarde : elle eut à souffrir quelques mauvais temps ; néanmoins elle se remit très-promptement ; et près avoir satisfait, elle et ses serviteurs, aux lois de la quarantaine, elle entra dans Marseille le 14 novembre 1826. M. le préfet, comte de Villeneuve, la plaça dans des dépendances de son hôtel, et lui fit donner des soins qui furent efficaces : car elle n’a cessé de jouir, durant son séjour à Marseille, de la meilleure santé. Lire la suite »

Confédération Nationale du Travail, Le congrès confédéral de Saragosse, 1936

Prolégomènes à la révolution de juillet 1936

Préface

La CNT (Confédération Nationale du Travail) est née en Espagne en 1910, au cœur des luttes revendicatives immédiates, mais aussi comme organisation quantitative du courant anarchiste espagnol. Durant quelque trente ans, la CNT sera en Espagne la principale force du mouvement ouvrier. La CNT comptera jusqu’à deux millions de membres en 1936, et fait unique dans l’histoire du syndicalisme, n’aura qu’un seul représentant rémunéré. Durant trente ans, la CNT ne se reconnaît pas comme partenaire social, ne conclut aucun accord de salaire, et prépare inlassablement « la révolution sociale » et le « communisme libertaire ».

Le programme adopté en mai 1936 au Congrès de la CNT à Saragosse, deux mois avant le soulèvement révolutionnaire contre le putsch fasciste de Franco, est l’un des plus beaux programmes jamais avancés par une organisation révolutionnaire du passé. Il se verra partiellement appliqué par les masses anarchistes, tandis que leurs “chefs”, avec une lugubre constance, s’enfonceront dans les compromissions du frente popular. Les thèses du Congrès de Saragosse furent dès les premières heures de Juillet 1936, la référence de tous les libertaires espagnols, le Congrès ayant prévu en détail la conduite à tenir en cas de putsch fasciste, et les bases sur lesquelles pouvaient se développer les collectivisations des terres et de l’économie.Lire la suite »

Les justes alarmes de la classe ouvrière au sujet des mécaniques, 1830

Par un vieux typographe, victime de l’arbitraire

À la faveur de la révolution de 1830, les ouvriers typographes s’insurgent contre les mécaniques et brisent plusieurs d’entre elles. En réaction à ces attaques luddites, le mathématicien et ingénieur Charles Dupin (1784-1873) rédige une affiche destinée à apaiser la colère des ouvriers. Le texte qui suit a manifestement été rédigé par l’un des ouvriers incriminés par Dupin, et il répond à ses attaques. Néanmoins, son actualité est criante quand on perçoit que les arguments avancés en faveur de l’industrialisation de la chaîne du livre étaient les mêmes que ceux qui accompagnent aujourd’hui la déferlante de l’e-book et de la numérisation.

François Jarrige

Loin de nous la perfide pensée de vouloir exciter à la rébellion cette nombreuse classe ouvrière qui, par sa valeur et sa prudence, vient d’abattre les cent têtes de l’hydre infernale de la tyrannie qui dévorait les Français, de cette tyrannie qui fournissait à une poignée d’insensés les moyens aveugles de se croire pétris d’une autre boue que celle des ouvriers, qui considéraient comme des bêtes de somme tous ceux qui ne sortaient pas de leur caste.

Loin de nous l’idée d’engager la classe ouvrière à ternir la gloire immortelle qu’elle vient d’acquérir, en l’excitant à détruire elle-même ces instruments anti-humains qui, depuis plus de quinze ans, la plongent, avec sa famille, dans la plus poignante des misères.

Loin de nous l’égoïste intention d’exciter la classe ouvrière contre ces publicistes qui, tout en se disant ses amis, sont les premiers à vouloir conserver dans leurs ateliers des mécaniques qui, depuis de longues années, réduisent des milliers de familles à la mendicité, et ne sont d’aucune utilité publique.

Loin de nous le coupable projet de vouloir exciter la haine de la classe ouvrière contre ces esprits ingénieux dont les inventions font quelquefois la gloire de leur siècle.

Enfin, loin de nous l’intention criminelle de porter la classe ouvrière à désobéir aux lois de l’État, et encore moins à la voix paternelle de l’autorité suprême que la nation s’est donnée.

Nous déclarons ici à la face du monde que l’humanité, la seule humanité guide notre plume.Lire la suite »

Jules Leroux, Aux ouvriers typographes, 1833

De la nécessité de fonder une association ayant pour but de rendre les ouvriers propriétaires des instruments de travail

Il y a tellement peu d’union entre nous tous, que beaucoup d’entre nous ignorent encore quels sont les hommes qui se donnèrent a eux-mêmes, de leur autorité privée, la mission d’envoyer des circulaires dans les ateliers. Beaucoup même ignorent le nombre et la rédaction différente de ces circulaires.

Ceux a qui la pensée en vint les premiers ont usé d’un droit que nous possédons tous ; ils ont fait leur devoir, honneur leur en soit rendu. Mais tous se sont-ils renfermés dans les justes limites de ce droit et de ce devoir ? Nous n’hésitons pas a dire qu’à l’exception d’une seule de ces circulaires, la première en date, les autres sont l’expression individuelle de leurs auteurs, et par conséquent outrepassent le droit que ces hommes avaient de faire un appel a la classe tout entière.Lire la suite »

Henry Jador, Dialogue entre une presse mécanique et une presse à bras, 1830

Contexte : Autour de 1830, il y a de nombreux débats au sein de l’imprimerie parisienne suite à l’introduction des nouvelles mécaniques. Au lendemain de la révolution de Juillet 1830, plusieurs milliers d’ouvriers vont détruire les nouvelles machines de l’Imprimerie Royale 1.

On m’avait dit que le Gouvernement allait mettre des fonds considérables à la disposition du commerce de l’imprimerie ; et, pour m’assurer de la vérité, je courais d’ateliers en ateliers… tous étaient déserts. Accablé de fatigue, je me disposais à retourner chez moi pour y attendre tranquillement les fonds considérables, lorsque ce mot : IMPRIMERIE, peint en blanc sur un grand écriteau noir, vient de nouveau frapper mes regards. Soit encore par curiosité, soit par un pur mouvement machinal, j’entre, j’appelle… l’écho seul me répond… Par un hasard singulier, un faible rayon de lumière me fait apercevoir dans un petit coin quelque chose qui ressemblait presque à une Presse… j’avance : c’en était une en effet, mais en bois, mais couverte de poussière et comme ensevelie dans une immense quantité de vieux papiers… Or (n’allez pas croire, lecteur, que ceci soit un conte), voici ce que me raconta cette vieille Presse en bois :Lire la suite »