Jean-Baptiste Fressoz, Une histoire matérielle de la lumière, 2020

L’histoire chimique de la bougie fut l’un des grand succès de la carrière de Michael Faraday. Ses leçons de 1845 à la Royal Institution sont un chef d’œuvre de vulgarisation : l’objet le plus commun lui permettait d’aborder les états de la matière, la capillarité, l’attraction, la combustion, la respiration et bien d’autres choses encore. « Toutes les lois de l’univers » écrivait Faraday « se manifestent dans la combustion d’une bougie » [1]. On pourrait ajouter que nombre de phénomènes historiques s’y révèlent également.

Timbre commémoratif des 10 ans de Tchernobyl, Ukraine

La bougie éclaire beaucoup d’a priori sur les techniques que l’on considère importantes à une époque donnée [2]. Pour dix livres sur le gaz d’éclairage au début du XIXe siècle ou cent articles sur l’électricité au début du suivant, on n’en trouvera pas un seul traitant de la lampe à huile ou de la bougie aux mêmes époques [3]. C’est qu’entre temps ces dernières sont devenues l’emblème de la désuétude. Il y a peu, les écologistes étaient encore accusés de vouloir « retourner à l’époque de la bougie ». L’histoire de la lumière présentée dans ce chapitre est matérielle au sens où elle s’intéresse autant aux dispositifs qu’aux matières combustibles qui les alimentent. Il en ressort un tableau bien différent de celui brossé par les historiens de l’éclairage et de l’énergie où se succèdent dans un ordre classique la bougie et la lampe à huile, puis le gaz d’éclairage et enfin la modernité électrique.

Nous allons voir que les bougies et les lampes à huile ne sont pas une rémanence de l’ancien : ce sont au contraire de grandes innovations du XIXe siècle, fruits de l’alliance entre science, industrie et globalisation économique. Nous allons aussi voir que ce sont ces techniques de pointe qui éclairent la France loin dans le XIXe siècle. En proposant la première étude quantitative de la lumière au XIXe siècle en France, ce chapitre montre qu’il n’y a eu en la matière aucune « transition énergétique ». On ne passe pas d’une lumière organique (la bougie et l’huile) à une lumière fossile (le gaz d’éclairage issu de la distillation de la houille) mais on assiste plutôt à deux phénomènes d’importance inégale : une addition modeste de gaz et surtout une expansion de l’éclairage permise par la globalisation de l’approvisionnement en graisse.

1. La lampe à huile : un objet high-tech

Durant la première moitié du XIXe siècle, la lampe à huile est complètement réinventée. En 1827, un chimiste parle de « progrès qui se sont succédés avec une étonnante rapidité » [4], en 1856, le Journal des économistes décrit une « industrie très savante et très complexe » [5]. Des dizaines d’ateliers, à Paris surtout, déposant autant de brevets, contribuent par touches successives à une transformation radicale de la lampe. Le point de départ de ce processus d’amélioration continue est la mèche cylindrique creuse due à Ami Argand, un chimiste, fils d’horloger genevois. Couplée à une cheminée en verre qui accélère le flux d’air, cette mèche augmente l’approvisionnement en oxygène de la flamme (on parle aussi de lampe à double courant d’air) ce qui produit une lumière beaucoup plus intense. Les premiers qui, à la fin du XVIIIe siècle, contemplèrent ces lampes furent sidérés. Pour ses contemporains, la découverte d’Argand se range parmi les plus importantes de l’époque [6]. Plagiée par le pharmacien parisien Antoine Quinquet, la lampe à double courant d’air est au début du XIXe siècle un objet global, exporté puis produit aux quatre coins de la planète. Dans la plupart des langues latines « quinquet » devient d’ailleurs le nom commun pour désigner une lampe à huile.

Paris est la capitale mondiale des lampistes. Une cinquantaine de ferblantiers et « ingénieurs lampistes » sont en compétition pour perfectionner leurs lampes : près de 100 brevets sont déposés entre 1791 et 1830 [7]. L’enjeu principal est l’alimentation en huile de la mèche. Des dispositifs divers sont proposés utilisant des mouvements d’horlogerie, des ressorts, des pompes, des sacs en caoutchouc ou des pistons… Un visiteur de l’exposition industrielle de Paris de 1834 constate que le « lampisme est devenu de nos jours une science aussi difficile que l’algèbre » [8]. Deux modèles s’imposent : la lampe « Carcel » due à un horloger parisien du même nom qui, délicate et sophistiquée, s’adresse au haut de gamme, et la lampe à modérateur (le réservoir d’huile est muni un ressort qui pousse une membrane de cuir embouti) mise au point par le grand inventeur fouriériste Charles Franchot qui plus robuste et meilleur marché connait un succès mondial dans les années 1840.

Pourquoi un tel succès ? Le coût de fabrication se réduit drastiquement dans les années 1840. Produite à la fois en masse et de manière flexible par un réseau d’ateliers parisiens, les lampes savent s’adapter aux usages. Par exemple les modèles muraux sont très simples, alimentés par un simple réservoir latéral situé plus haut que la flamme et munis d’un réflecteur ; les lampes de table sont alimentés par dessous pour éviter les ombres gênantes ; Fresnel et Arago mettent au point un modèle puissant pour les phares comportant plusieurs mèches concentriques et une lentille. La lampe à huile s’adapte aux espaces publics et va même jusqu’à remplacer le gaz d’éclairage : en 1833, le passage des panoramas, les restaurateurs et les boutiques du quartier du Palais royal à Paris qui avaient été parmi les premiers à adopter le gaz d’éclairage en 1823 choisissent de retourner à huile car un nouveau système permet d’alimenter tout un réseau de lampes à partir d’un unique réservoir [9].

2. La révolution de la bougie

La bougie est tout aussi innovante. C’est selon le Journal des économistes une des « industries les mieux réformée par la chimie de notre temps » [10]. Dans son cours de 1845, Faraday prend d’ailleurs bien soin de distinguer la bougie de la chandelle : « une bougie de stéarine n’est pas ce vilain objet graisseux mais une chose bien propre » [11]. Les chandelles produites à partir de graisses animales étaient collantes et salissantes. Leur combustion, nauséabonde et imprévisible. Elles nécessitaient une surveillance constante : la graisse fondant à basse température, les chandelles s’amollissaient et parfois même s’affaissaient brusquement laissant couler un liquide gras, tâchant et dangereux. Enfin, au fur et à mesure de leur combustion, un bouchon charbonneux se formait au sommet de la mèche faisant perdre à la flamme son éclat et produisant une épaisse fumée noire, ce qui obligeait à les moucher régulièrement.

Hormis sa forme, la bougie du XIXe siècle n’a rien à voir avec la chandelle de suif. L’idée d’imiter les couteuses bougies de cire ou de spermaceti avec des graisses bon marché est ancienne : l’Encyclopédie méthodique explique que certains ciriers peu scrupuleux traitent déjà des suifs avec du vinaigre ou de la chaux vive et recouvraient cette chandelle modifiée de cire d’abeille [12]. En un sens, la bougie moderne fut une fraude réussie.

Elle est l’œuvre de chimistes français et de deux décennies de recherches, de tâtonnement, d’erreurs et de faillites, tant les défis techniques à résoudre étaient nombreux. En 1815, Henri Braconnot, un pharmacien directeur du jardin botanique de Nancy, isole dans le suif animal une substance grasse solide à 60°C qu’il appelle « suif absolu ». Comme la plupart des chimistes de son époque, il est très impressionné par les réussites industrielles des savants durant le blocus continental. Il a lui-même collaboré avec le grand agronome Matthieu Dombasle pour monter une usine de sucre de betterave. En 1818, il prend un brevet et lance sur le marché une bougie à la « céromimène » [13]. Mais ses bougies dégagent une mauvaise odeur et son entreprise fait long feu. Le chimiste Michel-Eugène Chevreul, qui dès 1816 avait isolé dans différentes graisses (« d’homme, de mouton, de bœuf , de jaguar et d’oie » [14]) une substance solide qu’il nomme stéarine, tente aussi d’industrialiser sa découverte. Avec son collègue de l’Académie des sciences Gay-Lussac il dépose en France et en Angleterre un brevet de fabrication des bougies. Le procédé est lié à l’industrie récente de la soude artificielle : le suif est d’abord saponifié à la soude puis traitée à l’acide chlorhydrique (un encombrant résidu de la production de la soude). Chevreul et Gay-Lussac ne sont pas plus heureux que Braconnot.

Le premier à gagner de l’argent avec la bougie stéarique est Louis-Adolphe de Milly, un médecin de la faculté de Paris, proche de Charles X. En 1831, il fonde à Paris, non loin de l’arc de triomphe, l’entreprise « les bougies de l’étoile ». L’affaire prospère : les dividendes sont de 20 % par an, Milly fait fortune [15]. Dans la fièvre boursière de la fin des années 1830, la bougie devient une valeur spéculative. Divers procédés d’extraction de la stéarine (par pression, par distillation, par la vapeur, par l’acide sulfurique…) sont brevetés. Les entreprises se multiplient : Soleil, Phenix, Comète, Globe, Stéarinerie de la Villette, des Batignolles, Bougie royale, Bougie Céleste, Eclipse… La valeur des actions explose : la Stéarinerie de l’Ourcq est côté à 500 fr lors de son introduction en bourse en 1837, l’action atteint 2 500 francs en décembre 1838 avant de faire faillite l’année suivante. La production de bougie nécessitant peu de capitaux mais beaucoup de savoir-faire, les entrepreneurs s’affrontent à coup de perfectionnement, de brevets et de procès. La bougie de l’étoile intègre une innovation décisive due à l’ingénieur des ponts et chaussées Jules-Léonard-Louis Cambacérès : un nouveau type de mèche en coton tressée de manière à ce qu’en brûlant elle se courbe et que son extrémité, sortant du cône de gaz enflammé, se consume au contact de l’oxygène de l’air. Grâce à cette mèche révolutionnaire, il n’est plus nécessaire de moucher les bougies. Milly est lié avec les meilleurs chimistes de l’époque et en particulier avec l’académicien des sciences Théophile Pelouze qu’il rémunère sur contrat pour améliorer ses procédés de fabrication. De ces recherches sur les corps gras et la fabrication de la stéarine sortirent des innovations considérables : c’est dans le laboratoire privé de Pelouze, rue Dauphine à Paris, financé en partie par Milly, que le jeune chimiste italien Ascanio Sobrero découvre la nitroglycérine. Son but : trouver des usages à la glycérine un encombrant résidu de la fabrication de la stéarine qui est rejeté en masse dans les égouts et pollue la Seine [16]. Et c’est aussi dans ce laboratoire qu’Alfred Nobel fera son apprentissage de la chimie des corps gras. Certains perfectionnements de la bougie apportés par Milly sont bienvenus (tremper les mèches dans l’acide borique pour qu’elles laissent moins de cendres), d’autres s’avèrent désastreux (ajouter de l’arsenic dans le stéarine pour éviter qu’elle ne cristallise et rende la bougie cassante [17]).

Paul Champion :

« Pendant un voyage que nous fîmes dans lune partie de la Chine nous avions l’habitude de faire quelques présents aux chinois et jamais cadeau n’avait plus de succès que les bougies sériques de France ; les mandarins eux-mêmes, à qui nous en avons donné, ne pouvaient modérer leur admiration en voyant brûler ces bougies tout au long, sans qu’il fut nécessaire de les moucher. » [18]

L’innovation ne concerne pas seulement les procédés chimiques : elle touche aussi la mécanisation de la production. En 1856, le mécanicien parisien François-Paul Morane commercialise une machine promise à un grand succès. Elle permet de couler les bougies en continu. Les gains de productivité sont considérables : un ouvrier équipé d’une telle machine peut produire 14 400 bougies par heure, 35 fois plus qu’avec la méthode de coulage traditionnelle. Le goulet d’étranglement se trouve être maintenant en aval dans l’emballage. En 1867, Morane aurait vendu pas moins de 2 000 exemplaires de sa machine à travers le monde [19].

3. Le monde dans une bougie

La bougie stéarique représente enfin une révolution dans les chaines d’approvisionnement. Son grand avantage est de convertir à peu près n’importe quel corps gras (graisses des restaurants, huile du dessuintage des draps, graisse de pieds de bœufs, huiles de poisson etc.) en produit de qualité. La bougie participe donc d’une économie du recyclage, typique de l’industrie urbaine du milieu du XIXe siècle [20]. Mais la stéarine pouvant aussi être préparée à partir d’oléagineux tropicaux, la bougie concourt également à l’extractivisme colonial : à partir des 1840, botanistes et chimistes analysent des dizaines de fruits et de graines en vue d’établir leurs potentialités industrielles : huile de coco et de colouhn, huile de Touloucouma et de Bassia, beurre de Galam, cire de Cayenne, cire de myrthe, pain Dika du Gabon, arbre à suif de Chine [21], etc.

Un arbre surtout retient leur attention : le palmier à huile. Ses gros fruits rougeâtres sont une bénédiction pour les fabricants de bougie : sa pulpe rend 50 % de son poids en une huile riche en acides stéariques et palmitiques. Signe de la montée des oléagineux tropicaux, dans la seconde moitié du XIXe siècle, les plus grandes usines de bougies se trouvent dans les ports coloniaux : la Price S patent candie Company s’établit à Whirral tout près de Liverpool et elle possède son propre dock. Et en France, c’est à Marseille que Frédéric Fournier se vante de posséder « la plus grande usine à bougie du monde ».

D’où provient cette huile de Palme ? Après l’abolition de la traite, les marchands anglais cherchent une nouvelle source de profit en Afrique de l’ouest. Ils intéressent les chefs africains du delta du Niger à la culture du palmier à l’huile. Dès 1852 l’African steam ship company relie chaque mois Liverpool aux principaux ports de l’ouest africain. Dans les années 1860, les importations d’huile de palme vers l’Angleterre anglaise passent de 22 000 à 44 000 tonnes (contre 10 000 tonnes seulement pour la France) [22]. La Price’s patent candie Company met habilement en exergue son rôle philanthropique : en proposant un commerce licite aux souverains africains, elle tarit la traite des esclaves à sa source. Acheter une bougie dit en substance un de ses prospectus revient à « civiliser l’Afrique par le commerce ». Evidemment, l’entreprise se garde bien de préciser que la main-d’œuvre africaine considérable employée à extraire l’huile de palme (qui est exportée en tonneaux) est toujours servile [23].

En France, l’huile de palme joue un rôle fondamental à Marseille, dans la savonnerie et la stéarinerie. Deux négociants, Victor Régis puis son neveu Cyprien Fabre bâtissent une fortune dans son importation. Victor Régis obtient même une intervention militaire française dans la région de grand Bassam (actuelle côte d’ivoire) pour défendre son négoce, menacé par les guerriers Jacks-Jacks qui tentent de contrôler la vente d’huile de palme. La situation est plus simple au Dahomey où Régis passe un accord avec le roi Guézo : en échange d’une dîme sur les exportations le roi fournit ses usines en esclaves [24]. Grâce à l’huile de palme, explique Régis, la traite transatlantique « disparaîtra devant la nécessité de conserver les esclaves pour les récoltes » [25]. La traite négrière interdite par le congrès de Vienne, reste l’huile de palme pour mettre à profit la force de travail africaine.

4. Peser la lumière

Qu’est-il maintenant de l’usage de ces produits innovants ? Quelle est leur importance respectivement au gaz ? Y-a-t-il eu, au milieu du XIXe siècle, dans le domaine de l’éclairage en France une « transition énergétique », un passage des matières organiques vers le charbon ?

Quantifier la graisse consommée pour l’éclairage est un exercice délicat et forcément incertain. Comment par exemple mesurer l’autoconsommation ? Selon le fameux Gilbert White de Selbourne, les paysans du Hampshire s’éclairaient à la fin du XVIIIe siècle grâce à des joncs trempés dans les graisses résiduelles de leur cuisine [26]. En 1828, un manuel explique aux maitresses de maison comment confectionner leurs propres chandelles de suif [27]. L’usage d’un « pot de graisse » est encore répandu aux Etats-Unis dans les années 1860 [28]. Le recyclage domestique de la graisse permettait d’échapper aux taxes sur les bougies et l’huile d’éclairage.

Une première méthode est de partir des consommations nationales. Grâce au travail unique en son genre de Benoit Daviron nous disposons d’une estimation fiable de la quantité de graisses consommées en France du XIXe siècle à nos jours. On passe selon lui de 423 000 tonnes par an en 1835-44 (12 kg par an et par personne), à 705 000 tonnes dans la dernière décennie du XIXe siècle (17 kg par an et par personne) [29]. En soustrayant de ce total les graisses réservées à l’alimentation et à la savonnerie on arrive à une consommation de graisse d’éclairage de 247 000 tonnes pour l’année 1873, soit 6,8 kg par personne et par an et 40 % du total des graisses (annexe A).

Une deuxième méthode est de partir des budgets ouvriers collectés par Le Play et ses collaborateurs. Les quantités consommées sont très variables en fonction des localités : les sociétés littorales par exemple ont accès à davantage de graisses grâce à la pêche ; là où les conifères abondent, les chandelles de résines fournissent un éclairage abondant et bon marché. Elles sont aussi variables en fonction des professions : le record de consommation est détenu par un chiffonnier parisien qui fait sa collecte la nuit (35 kg de chandelles de suif par an), alors que la famille d’un tailleur parisien bien plus aisée n’en brûle que 22 kg. La moyenne des consommations françaises populaires par personnes (enfants compris) rapportées par les budgets leplaysiens se situe à environ 4 kg de matière première graisseuse par an dans les années 1850 [30].

Retenons un ordre de grandeur : dans les années 1870, pour leur éclairage, les Français consomment en moyenne un peu moins de 7 kg de graisse par an et par personne (soit 70 heures de bougie environ), davantage à Paris, et près de moitié moins parmi les ouvriers.

À première vue, les quantités de matières mobilisées par le gaz d’éclairage sont d’une toute autre importance. Le procédé, extraordinairement inefficace, consiste à distiller de la houille dans des cornues, chauffées elles-mêmes à la houille. Le gaz ainsi obtenu est ensuite distribué à travers un réseau de conduites en plomb qui fuient massivement au XIXe siècle. Le gaz d’éclairage est une abomination environnementale dont les effets, climatique et sanitaires, nous poursuivent jusqu’au XXIe siècle. Les hydrocarbures cancérigènes issus de la distillation de la houille polluent encore les sols de nos villes. A la consommation directe de charbon s’ajoute encore le carbone incorporé dans les infrastructures que le gaz nécessite : à Paris en 1872, ce sont plus 1 100 km de conduites en plomb (un matériau aussi très polluant) qui sont enterrées pour distribuer le gaz [31].

La statistique industrielle de 1873 indique que la France compte 478 usines produisant un total annuel de 316 millions de m3. Elle ne donne pas la quantité de houille consommée, mais on peut estimer à 1,3 millions de tonnes la quantité de charbon nécessaire pour produire ce gaz (soit tout de même 5,6% de la consommation nationale de charbon cette année là, cf. Annexe B). On consomme donc en poids quatre fois plus de charbon que de graisses pour s’éclairer en France en 1873 [32]. Est-ce à dire qu’une « transition énergétique » a eu lieu au milieu du XIXe siècle dans le domaine de l’éclairage ?

Non et pour trois raisons. Premièrement, la consommation de gaz est extrêmement concentrée et inégalitaire. En 1873, Paris consomme 125 millions de m3, plus du tiers du total national. Et on ne compte à Paris que 92 000 abonnés (sur 2 millions d’habitants). Le gaz est une affaire de bourgeois. C’est aussi une affaire de marketing : peut-être éclaire-t-il plus les marchandises que les personnes. Comme l’explique Husson, Paris, la « ville-lumière » est surtout un immense « bazar moderne » éclairé au gaz :

« les boutiques et les magasins sont inondés d’une lumière brillante […] pour séduire l’acheteur par l’attrait des étalages. [Le gaz] entraine surtout pour le parisien voué au commerce une charge considérable. » [33]

Le reste de la France, hormis le département du Nord (25 millions de m3) où le charbon est abondant est encore le domaine quasi-exclusif de l’éclairage organique en 1873.

Deuxièmement, on peut faire l’hypothèse que le gaz a augmenté la demande de lumière organique. C’est en tous cas ainsi que raisonnent ses défenseurs pour rassurer les fabricants de lampes :

« Nos yeux, accoutumés à l’éclat de la lumière du gaz, voudront la retrouver partout, en sorte que nous ne serions nullement surpris que l’éclairage par le gaz loin de diminuer la consommation de l’huile et de la cire, ne la rendit plus considérable que par le passé. » [34]

Enfin et surtout si le charbon pèse lourd, son « rendement lumineux » est faible. En partant de l’hypothèse, favorable au gaz, que les compagnies respectent les contrats de concession qu’ils passent avec les municipalités, on peut estimer que 100 litres de gaz produisent une quantité de lumière équivalente à 30 gramme d’huile de colza (Annexe C). Les 1,3 millions de tonnes de charbon ne remplacent donc que 95 000 tonnes d’huile. Dans les années 1870 encore, le gaz ne produit donc guère plus qu’un quart de la lumière artificielle totale. Si la transition parait accomplie en terme de matières, elle est absente en terme de services lumineux rendus.

La graisse n’était pas un « facteur limitant » de la production de lumière dans une économie organique puissante et globalisée comme la France. Le gaz aurait pu être aisément remplacé : la production d’huile de colza, œillette et navette est de 140 000 hectolitres en 1852 et nécessite à peine 1% des terres agricoles française [35]. Une autre solution, plus simple encore aurait été d’importer davantage de suifs, d’arachides et d’huile de palme.

Car la vraie révolution du XIXe siècle dans le domaine de l’éclairage n’est pas le gaz mais la globalisation de l’approvisionnement en graisses. Les importations françaises passent de 45 000 à 265 000 tonnes (d’un dixième à plus d’un tiers de la consommation nationale) [36]. Cet afflux de graisses représente un apport de lumière deux fois supérieur à celui du gaz. On passe d’importations européennes destinées à l’alimentation et à la savonnerie – essentiellement de l’huile d’olive d’Italie et d’Espagne qui représente en valeur 6,5% de toutes les importations dans la décennie 1827-1836 – à des importations beaucoup plus massives de graisses ouest-africaine, russe et américaine destinées en priorité à l’éclairage et à la savonnerie.

La consommation de lumière organique augmente continument jusqu’à la fin XIXe siècle. En 1873, pour payer les indemnités de guerre, un droit est établi sur les bougies stéariques. Malgré cette taxe, la consommation passe de 20 000 à 27 000 tonnes entre 1873 et 1884. Cette année correspond probablement au « pic bougie » en France, mais la consommation reste à un niveau élevé jusqu’au XXe siècle (elle est encore de 25 000 tonnes en 1909 [37]). Le coût de la bougie diminue grâce aux gains de productivité et à l’abondance de matières premières : la quantité de suifs nationaux augmente avec la consommation de viande (qui entre 1840 et 1864 passe de 700 mille à 972 mille tonnes) et plus encore grâce aux importations des Etats-Unis et d’Argentine [38]. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, le cours du suif dégringole face à cet afflux de graisse américaine [39]. Au début du XXe siècle, la moitié de la production française est assurée par l’immense usine marseillaise de Fournier qui produit 300 millions de bougies par an. Elle comprend un laboratoire de recherche employant quatre chimistes. A lui seul l’atelier d’empaquetage occupe 150 ouvrières [40].

De même, l’industrie de la lampe à huile demeure très dynamique dans la seconde moitié du XIXe siècle. En 1850 un réseau d’ateliers parisiens, « dépendants les uns des autres, par la fabrication spéciale d’une partie de la lampe » [41] produisent 320 000 lampes par an. Son chiffre d’affaire passe de 8 à 13 millions de francs entre 1847 et 1860, la moitié des lampes étant destinées à l’exportation [42]. La culture des graines oléagineuses, le colza au premier chef mais aussi l’œillette et la navette, croit continument jusqu’en 1862 où elle culmine à environ 300 000 hectares. La baisse rapide par la suite (il ne reste plus que 40 000 hectares au début du XXe siècle) n’est pas due au gaz mais à la suppression des droits de douanes sur les oléagineux tropicaux [43].

Notons pour finir que les statistiques des douanes permettent aussi de relativiser l’importance d’une matière très célèbre : l’huile de baleine. La pêche baleinière française est sans importance comparée à l’américaine ou à l’anglaise : à son apogée au milieu du XIXe siècle, de 6 à 8 bateaux ramenaient moins de 2 000 tonnes d’huile par an. Les importations en provenance des Etats-Unis principalement culminent dans la décennie 1840 à 5 000 tonnes (ce qui ne représente qu’un dixième des suifs russes et américains), et retombe en dessous de 1 000 tonnes pour le reste du siècle. Quant aux importations de bougies de spermaceti déjà ouvrées elles sont négligeables et tournent autour de 300 kg par an [44]. Contrairement au mythe soigneusement entretenu par les climatosceptiques américains, ce n’est pas le pétrole qui a sauvé les baleines, mais la bougie stéarique qui a rendu le spermaceti obsolète [45].

Conclusion

La première conclusion concerne l’histoire des techniques. Quand on s’intéresse autant à la forme des techniques qu’aux matières qu’elles consomment et qui rendent leur usage possible, bien des récits naturels s’évaporent. Pendant près d’un siècle, l’histoire de la lumière en France fut celle d’une addition énergétique et non d’une transition : le gaz d’éclairage ne se substitue pas à la bougie et à la lampe à huile, il s’y ajoute de manière modeste en se concentrant sur certains usages (Paris, les bourgeois, le commerce). La grande transformation de l’éclairage du XIXe siècle ne paraît plus être le gaz mais l’arrivée massive des suifs américains et des oléagineux tropicaux.

Si l’on cherche à tout prix une « transition énergétique » dans l’histoire de la lumière, elle se situe plus tard, au tournant des XIXe et XXe siècles. Et ce n’est pas l’électricité qui l’a produit, mais une technique modeste et largement ignorée des historiens : la lampe à pétrole qui plus qu’une nouveauté est plutôt un avatar de la lampe à huile. Contrairement au gaz, la lampe à pétrole peut réellement se substituer à l’huile et à la bougie grâce aux prix bas du kérosène de Pennsylvanie.

La deuxième conclusion concerne l’histoire de l’énergie durant la « révolution industrielle ». Sous les plumes des historiens Rudolf Sieferle, Anthony Wrigley et plus récemment dans la synthèse de Paolo Malamina, Astrid Kander et Paul Warde, la révolution industrielle est relue comme la transition d’une « économie organique » reposant sur le bois, la force musculaire et dans une moindre mesure sur l’hydraulique, à une « économie minérale » fondée sur le charbon, cette « forêt souterraine » qui permit à l’Europe de l’ouest d’échapper à la « contrainte photosynthétique » et de rendre possible une croissance économique de long terme [46].

Si les historiens de l’énergie tendent à restaurer le roi charbon sur le trône de la révolution industrielle, s’ils réhabilitent une rupture que deux générations d’historiens avaient eu à cœur de nuancer [47], c’est grâce à une métrique très particulière : l’énergie. Leur méthode : rapporter toutes les matières (bois surtout, mais aussi fourrages et bien sûr charbon, pétrole et gaz) aux quantités d’énergie qu’elles contiennent afin de tracer la courbe de l’énergie totale consommée par une économie nationale à travers le temps. Cette approche est parfaitement légitime et même d’une grande importance : elle donne à voir l’ampleur des changements opérant sur une longue durée et permet des comparaisons internationales.

Pourtant, l’exemple de la bougie et de la lampe à huile permet de cerner le sens et aussi les limites de ces courbes spectaculaires de croissance et de transition énergétiques. Les graisses que nous avons tenté de quantifier dans ce chapitre ne sont en effet pas du tout prises en compte par les historiens de l’énergie : d’une part car « il est impossible de rassembler de l’information sur l’huile pour les lampes et sur la cire pour les chandelles » et de l’autre car « leur contribution au budget énergétique était négligeable » [48]. C’est tout à fait juste du point de vue de la consommation énergétique, mais aussi complètement faux du point de vue des services énergétiques. Les 1,3 millions de tonnes de charbon consommées par le gaz représentent des quantités d’énergies faramineuses (37*1015 Joules) dûment enregistrées, alors même qu’il produit en France au XIXe siècle sans doute trois fois moins de lumière que les matières grasses. Cette distorsion est générale et tient à l’inefficacité de la conversion de la houille en énergie utile au XIXe siècle [49].

Le point n’est évidement pas de dire que les historiens de l’énergie se trompent, mais de souligner qu’ils étudient quelque chose de très particulier à savoir l’énergie consommée sur un territoire national, ce qui n’est pas la même chose que les services énergétiques effectivement disponibles. L’introduction de la houille constitue sans nul doute un apport énergétique considérable, mais cet apport est encore amplifié par le prisme particulier utilisé par les historiens de l’énergie.

Jean-Baptiste Fressoz,
Centre de Recherches Historiques, CNRS-EHESS.

 

Article publié dans l’ouvrage dirigé par
François Jarrige & Alexis Vrignon (dir.),
Face à la puissance.
Une histoire des énergies alternatives à l’âge industriel
,
Paris, La Découverte, 2020.

 

Texte reproduit sans les illustrations et les graphiques,
d’après le document mis en ligne par l’auteur.

 


[1] Michael Faraday, A Course of Six Lectures on the Chemical History of a Candle, Londres, Griffin, 1865, p. 1.

[2] David Edgerton, Quoi de neuf. Une histoire globale des techniques au XXe siècle, Paris, Le Seuil, 2012.

[3] Sur les débuts du gaz à Paris : Jean-Pierre Williot, Naissance d’un service public, le gaz à Paris, Paris, Rive Droite, 1999; Jean-Baptiste Fressoz, « The Gaz Lighting Controversy. Technological Risk, Expertise and Regulation in Nineteenth Century Paris and London », Journal of Urban History, vol. 33, n°5, 2007, pp. 729-755. Sur Londres : Leslie Tomory, Progressive Enlightenment: The Origins of the Gaslight Industry, 1780-1820, Cambridge, MIT Press, 2012. La bibliographie sur les débuts de l’électricité est immense. Voir Alain Beltran et Patrice Carré, La Fée et la servante, La société française face à l’électricité au XIXe-XXe siècle, Paris, Belin, 2000. Pour une histoire de la lumière, certes désenchantée mais qui reste une histoire de la modernité, voir Wolfgang Schivelbuch, La Nuit désenchantée, à propos de l’histoire de l’éclairage artificiel au XIXe siècle, Paris, Le promeneur, 1993. Bougies et lampes à huile ont été étudiées mais pour les périodes antérieures. Cf. Stéphane Castelluccio, L’éclairage, le chauffage et l’eau aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, Gourcuff Gradenigo, 2016. Le livre de William O’ Dea, A Social History of Lighting, Londres, Routledge, 1958, pp. 213-232 est à ma connaissance le seul à s’intéresser aux combustibles organiques lumineux.

[4] Eugène Péclet, Traité de l’éclairage, Paris, Malher, 1827, p.i.

[5] E. Forqueray, « L’Eclairage à l’exposition universelle », Journal des économistes, vol. 9, 1856, p. 81.

[6] Sur Argand voir John Wolfe, Brandy, Balloons & lamps, Ami Argand, 1750-1803, Southern Illinois University Press, 1999.

[7] Cf. Williot, op. cit., chapitre I.2.

[8] Jules Janin, « Exposition de l’industrie nationale », Revue de Paris, 1834, p. 127.

[9] « Substitution de l’huile au gaz », Le Constitutionnel, 21 octobre 1840.

[10] Forqueray, 1856, op. cit., p. 82.

[11] Faraday, op. cit., p. 13.

[12] Encyclopédie méthodique, vol.1, 1782, « art du cirier » p. 688.

[13] Jérôme François Joseph Nickles, Henry Braconnot, sa vie et ses travaux, Nancy, Grimblot, 1856, p. 130.

[14] Chevreul, « recherches chimiques sur les corps gras, sixième mémoire », Annales de chimie et de physique, 1816, vol. 2, p. 339.

[15] Affaire de la société des bougies de l’étoile, 1846 (factum BNF). Milly possède 520 000 francs en 1841.

[16] Turgan, Les grandes usines de France, Paris, Librairie Nouvelle, 1860, p. 139.

[17] En 1838, ce scandale sanitaire fut passé sous silence à Paris (le préfet de la Seine interdit discrètement Milly d’utiliser de l’arsenic). Il éclata l’année suivante à Londres et l’affaire fut dévoilée à ce moment cf. « Eclairage vénéneux », Revue Britannique, vol. 22, 1839, p. 155-159.

[18] Stanislas Julien et Paul Champion, Les industries anciennes et modernes de l’empire chinois, Paris, Eugène Lacroix, 1869, p. 128.

[19] Notice historique sur le matériel des couleries de bougies stéariques présenté par P. Morane, Constructeur mécanicien, rue du banquier n°10 à Paris, Paris, Typographie Lahure, 1878.

[20] Sabine Barles, L’invention des déchets urbains : France 1790-1970, Paris, Champs Vallon, 2005.

[21] F. Malepeyre, Nouveau manuel complet du fabricant de bougies stéariques, Paris, Roret, 1869, vol.1, p. 115-134.

[22] Bernard Schnapper, La politique et le commerce français dans le golfe de Guinée de 1838 à 1871, Paris, Mouton, 1961.

[23] Wilson, On the Stearic Candle Manufacture to which are appended papers on the slave trade and the soap tax, Londres, Lewis and son, 1852, p. 30.

[24] Xavier Daumalin, Marseille et l’Ouest Africain : l’outre mer des industriels, 1841-1956, Marseille, CCI, 1992.

[25] Cité par Dominique Juhé-Beaulaton, « Les paysages végétaux de la Côte des Esclaves du XVIIe siècle à la veille de la colonisation : essai d’analyse historique », thèse Paris-I, 1995, p. 239.

[26] Gilbert White, The Natural History of Selborne, 1784, Edinburgh, Chambers, 1839, p. 189.

[27] Michel, L’art de fabriquer la chandelle avec économie, Paris Audot, 1828.

[28] Susan Strasser, Waste and Want: A Social History of Trash, New-York, Owl books, 1999, p. 32.

[29] Benoit Daviron, « Turning organic economies into mineral economies : Two centuries of oil and fat use and supply in France », à paraître. Je remercie chaleureusement Benoit Daviron pour ses conseils.

[30] La chandelle coutant 1,5 fr le kg brûlant environ 10 gr par heure, le salaire d’un ouvrier étant de 3 fr par jour au milieu du XIXe siècle on arrive à un pouvoir d’achat chez les classes populaires françaises du milieu du XIXe siècle d’une heure de chandelle par demi heure de travail environ.

[31] Cf. Husson, op. cit., p. 13.

[32] « La statistique industrielle de 1861 à 1896 », L’Atelier du Centre de recherches historiques. URL : http:// journals.openedition.org/acrh/3085 ; DOI : 10.4000/acrh.3085

[33] Husson, op. cit., p. 14.

[34] Blachette, Du gaz hydrogène carboné et de son application à l’éclairage, Delaunay, 1824, p. 126.

[35] L’enquête agricole de 1853, l’Atelier du CRH, variable 193. L’enquête agricole de 1852 donne une production d’huile de 1,4 millions d’hectolitres sur 250 000 hectares.

[36] J’ai additionné les huiles et les graines oléagineuses, les arachides surtout, rapportées à leur rendement en huile.

[37] Journal officiel de la République française. Débats parlementaires, chambre des députés, séance du 4 novembre 1909, p. 2488.

[38] Exposition universelle de Vienne en 1873, Rapports, volume 1, Paris, Imprimerie nationale, 1875, p. 311.

[39] De 140 fr le quintal en 1855 à 60 fr le quintal à la fin du siècle. Cf Ferdinand et Jules Jean, « l’industre des suifs comestibles et industriels », Revue générale des sciences, 1895, vol. 6, tableau p. 421.

[40] « Les produits chimiques à l’exposition universelle de 1900 », Moniteur scientifique, vol. 57, n°1, p. 356.

[41] Montbrion, Dictionnaire universel du commerce, Paris, Delahays, 1850, vol. 2, p. 151

[42] Dictionnaire universel théorique et pratique du commerce, Paris, Guillaumin, 1873, vol. 2, p. 316.

[43] Jouven, Les plantes à huile, Rustica, Paris, 1941.

[44] Tableau décennal du commerce, op. cit., 1847-156, p. 267.

[45] Théophile Pelouze, « La bougie remplace de manière absolue les bougies de cire et de blanc de baleine », in Cours de chimie générale, Paris, Masson, 1850, vol. 3, p. 623.

[46] Rudolf Sieferle, Sieferle, Rolf Peter, The Subterranean Forest: Energy Systems and the Industrial Revolution, Cambridge, The White Horse Press, 2001.

[47] A l’image d’une révolution soudaine fondée sur le charbon et la vapeur Nicholas Crafts, Jan de Vries et d’autres ont substitué celle d’une « révolution industrieuse » remontant au XVIIe siècle, reposant sur l’augmentation du travail, de la productivité et opérant à travers de nombreux secteurs. Cf. Jan de Vries, The Industrious Revolution. Consumer Behavior and the Household Economy, 1650 to the Present, Cambridge University Press, 2008.

[48] Paolo Malanima, Energy consumption in Italy in the XIXth and XXth centuries, Consiglio Nazionale delle Ricerche, 2006, p. 22. Paul Warde n’inclut pas non plus les combustibles d’éclairage cf. Paul Warde, Energy consumption in England and Wales, Consiglio Nazionale delle Ricerche, 2007, p. 17

[49] Ce point vaut aussi pour l’énergie mécanique. Soit un industriel des années 1830 qui remplace son moulin à eau par une machine à vapeur de puissance équivalente. Qu’est ce que ce changement implique pour l’histoire de l’énergie ? Selon la méthode retenue par Kander, Malanima et Warde la consommation énergétique croit par ce changement d’un facteur de 5 à 10. Pourquoi ? L’énergie hydraulique est calculée en multipliant la puissance du moulin par le temps d’usage et par un coefficient visant à prendre en compte non pas l’énergie effectivement fournie par le moulin, mais celle de l’eau qui appuie sur sa roue. Malanima retient un rendement de 70 %, Warde opte pour un rendement de 25 % au XVIIIe siècle et de 60 % à la fin du XIXe siècle. Or, les rendements des machines à vapeur n’ont absolument rien à voir : la machine à vapeur de Watt convertissait entre 3 et 6 % de l’énergie contenue dans le charbon, les meilleures machines à vapeur de la fin du XIXe siècle, 20 % seulement cf. Cf. Paolo Malanima, op. cit., p. 40 et Paul Warde, op. cit., p. 57. Paul Warde a d’ailleurs bien conscience du problème puisqu’il estime qu’à la fin des années 1840 la puissance de la vapeur « rivalisait probablement » avec la force animale et hydraulique alors qu’au même moment le charbon représenterait au moins 90 % de l’énergie de la Grande-Bretagne cf. Kander et al., op. cit., p. 196. Je remercie Paul Warde pour ses conseils.

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