Le premier ministre, Narendra Modi (et grand ami d’un certain Emmanuel Macron), péniblement élu à la tête d’une coalition conservatrice en 2014, cristallise toutes les colères. Depuis sa prise de fonctions, il a accentué la destruction de la protection étatique qui entourait les paysans, voie ouverte par la gauche dans les années 1990. Il a exacerbé les conflits entre les communautés religieuses. Sa politique réactionnaire contre la condition des femmes a également suscité des mouvements de contestation.
Tout s’arrête le 24 mars à cause du Covid. Modi, dans la sidération générale, décide de privatiser tout, de la défense aux écoles, en passant par la santé et les transports. Avec un temps de retard, les grèves s’étendent dans le pays, métier par métier, province par province, sans trouver de réponse. Les femmes et les paysans imposent aux directions syndicales un appel à la grève générale le 26 novembre 2020 qui mobilisera 250 millions d’Indiens. C’est la grève générale la plus massive de toute l’histoire ! Et c’est de là que tout est parti.
Depuis deux mois, ils sont des centaines, des milliers et, maintenant, un million à avoir afflué aux portes de Delhi, la capitale indienne. Ils se sont organisés pour tenir ce siège et obtenir l’abrogation complète des lois ultralibérales. Le gouvernement Modi, barricadé dans la capitale (la police et les milices ont érigé des barrages et creusé de fossés dans les autoroutes) a accumulé provocations et intimidations, ne faisant qu’exaspérer la colère des paysans et de tous les travailleurs.
Le jour de la fête nationale indienne, le 26 janvier 2021, Delhi est complètement bloquée et les paysans défilent dans les rues sous les applaudissements de la population. Les campements des occupants sont attaqués par les milices fascistes dans la nuit, suscitant un regain de solidarité entre les différentes communautés religieuses.
Depuis, les Mahapanchayats qui sont des méga Assemblées Générales populaires organisées autour de sortes de structures municipales fonctionnant en démocratie directe, attirent de plus en plus de monde, se multiplient et s’étendent à de nombreuses provinces. Dans ces Assemblées locales, les participants prennent des décisions (par exemple que chaque famille devra envoyer un de ses membres aux campements de Delhi, qu’il y aura des contributions pour aider le mouvement, que les militants du RSS (milices fascistes) ou du BJP (parti au pouvoir) seront chassés des villages et familles, que les responsables du BJP ne pourront plus exercer leurs fonctions, etc.). Cela signifie qu’on assiste à l’instauration d’un véritable pouvoir à la base du soulèvement paysan qui lui permet de tenir et d’aller de l’avant, dans son opposition au gouvernement central.
Le tout dans l’indifférence criante des médias occidentaux…
Jacques Chastaing (voir ses articles sur Médiapart) restitue le contexte de ces luttes, dans un entretien réalisé par les animatrices de l’émission “L’Actualité des Luttes” sur Radio Fréquence Paris Plurielle le 2 février 2021. Vous pouvez également l’écouter sur le site de Radio Zinzine.
Bonne écoute !
Bertrand Louart